Disparue (2)

Louve

Après l'incendie qui a ravagé l'immeuble où demeurait Camille, sa fille, Héloïse part vers l'hôpital où elle est censée l'y trouver...


Comme elle le prévoyait, le service des urgences était pris d'assaut. De toute façon, pour y être, malheureusement, déjà venue, elle savait qu'en temps ordinaire, ce service était rarement calme. Entre les petits bobos et les blessures beaucoup plus importantes, il fallait attendre trois, quatre heures, voire plus parfois. Héloïse attendit donc son tour pour pouvoir simplement accéder au guichet des renseignements.

Quelle ne fut pas sa surprise, son effarement, lorsqu'on lui annonça qu'il n'y avait pas de Mademoiselle Camille Fontaine, hospitalisée ici. Paniquée, elle sortit brusquement de cet espace de douleurs et de questionnements. Elle remonta nerveusement le col de sa parka. Pourtant, l'air glacé lui fit du bien et en même temps lui permit de reprendre ses esprits. Allons ! Se dit-elle, tant mieux, c'était que tout allait bien, puisqu'aucune voiture de pompiers, aux sirènes hurlantes n'avait déposée Camille dans ce grand complexe aux nombreux bâtiments austères.

Elle resta un long moment, le dos appuyé contre la portière de son petit véhicule. L'endroit lui parut bien sinistre sous cette nuit, pourtant piquetée d'étoiles. C'est que, comme tout le monde ici-bas, elle y avait vécu des bonheurs : la naissance de sa fille, par exemple, mais également des tragédies : sa mère, son mari... Elle s'en était pourtant relevée, il le fallait pour Camille, le choc de ces deuils avait été si brutal pour cette dernière. Elle devait continuer à avancer, elle n'avait pas le droit de baisser les bras même si l'envie l'en avait, parfois, "titillée".

Il lui fallait retourner à Gournay, Camille avait les clés de l'appartement et peut-être l'attendait-elle, attablée devant un bon café...Malgré tout, dans son for intérieur, Héloïse savait qu'elle se mentait à elle-même, mais elle voulait tellement croire à cette hypothèse !

                                           -_-_-_-_-


Une semaine s'était écoulée depuis l'incendie et Camille n'avait pas réapparue.

Héloïse avait remué "ciel et terre" pour la retrouver, courant les hôpitaux, les lieux où elle pensait la dénicher. Ensuite, au commissariat avec la sempiternelle réponse : "votre fille est majeure", revenez dans 48 heures si vous désirez déposer plainte."

Quarante huit heures, quarante huit heures de perdues ! Une attente interminablement affreuse. Elle savait bien que ce n'était pas normal, Camille l'aurait forcément appelée, rassurée ! Le tour des relations et amis de sa fille n'avait rien donné non plus. Elle avait attendu en trépignant, le flic avait pris les renseignements, sans plus, comme blasé.

Lorsqu'elle allait se coucher tard dans la nuit, elle laissait la lanterne extérieure allumée, comme un phare, un fanal. Comme si cette faible lueur allait guider les pas, où qu'ils soient, de l'être cher...


Héloïse avait été ravie lorsque sa fille travaillant en province, en tant que professeur d'éducation physique, avait été mutée en région parisienne et davantage encore lorsque celle-ci s'était installée à quelques kilomètres, seulement, de chez elle. Elle avait pu ainsi renouer des liens un tant soit peu distendus par l'éloignement. Surtout qu'elle s'était sentie si seule après le décès de sa mère, voilà six ans, et de son mari deux ans après.

Elle errait dans les pièces devenues trop vides, après le départ de son compagnon, étalant parfois sur le sol, d'un geste compulsif, toutes les photographies d'un bonheur à jamais enfui. Mais c'était si douloureux de courir après des fantômes. Le travail de bureau qu'elle occupait ne lui avait jamais convenu mais la présence, l'attention discrète de ses collègues avaient un tant soit peu soulagé sa peine. Puis le temps avait fait son œuvre, elle n'oubliait, certes rien, des années passées, mais ses larmes s'étaient, peu à peu, taries. Lorsque le cafard commençait à ronger ses pensées, elle arrivait, à présent, plus facilement, à le chasser.

Et pourtant, de temps à autre, tous les souvenirs revenaient en pagaille. C'étaient les soirées, les fins de semaine avec Louis ; le doux cocooning...mais aussi les inquiétudes, les tracas, d'une vie banale, somme toute. Depuis ces drames intimes, elle demeurait la même, du moins en apparence. Personne, parmi ses quelques connaissances dans le voisinage, ne pouvait deviner la souffrance, qui, parfois, affleurait en elle.

Elle se rappelait son désespoir, surtout lorsque la nuit s'avançait, car, c'était là, dans la solitude que l'angoisse s'installait. Elle savait qu'elle ne supporterait pas, nuit après nuit, ces longues heures à venir, sans le sommeil, le sauveur, pour un moment, de tous ses maux. Elle avait toujours aimé lire. Dès qu'elle avait su déchiffrer les mots, elle s'était jetée à cœur perdu dans cette activité qui la faisait s'évader vers d'autres rives.  Beaucoup plus tard, comme bon nombre de femmes mariées, avec le travail, un enfant, elle ne trouvait du temps pour s'adonner à sa passion que dans les transports en commun lorsqu'elle avait la chance de se dénicher une place assise.

Donc, après ces évènements douloureux, elle lisait, lisait, jusqu'à s'écrouler, le livre et les lunettes en vrac sur le drap. Elle avait réussi, ainsi, à écarter peu à peu, les fantômes qui la poursuivaient. Evidemment, le matin, elle pleurait dans son café, car la vie n'avait décidément plus la même couleur.

Il n'y avait pas que les années passées avec Louis qui défilaient, il y avait aussi, depuis la mort de sa mère, celles de sa jeunesse, de sa petite enfance surtout. Auparavant, elle vivait en se projetant dans un avenir très proche, à présent, elle ne cessait de remonter le temps, c'était un film qui se déroulait, un film sans fin aucune...


  • Très touchant

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Poup%c3%a9e des survivantes

    Natacha Karl

    • Oui...merci Natacha !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • C'est vraiment super ! Tu maîtrises ta trame avec brio, j'aime la façon dont tu déroules ton histoire et les flash-back sont très judicieusement bien placés. Ainsi on découvre peu à peu le passé de cette femme brisée par la vie. Les ressentis sont très forts aussi, surtout lorsque tu parles de la douleur de la perte de l'aimé, s'enivrer de livres pour oublier ne serait-ce qu'un instant, la douleur sourde et omniprésente, c'est tout à fait cela, je le sais pour l'avoir vécu (pas mon compagnon mais mon frère et mon père quand j'étais jeune) et on écrit toujours mieux sur les sujets qu'on connaît et à mon avis la vie ne t'a pas épargnée non plus. Quoiqu'il en soit, j'aime énormément ton écriture sincère et fluide, légère, jamais trop pesante, juste ce qu'il faut ! Alors keski s'passe ? Où est Camille ???? Tu ménages le suspense à la perfection !! je trépigne d'impatience et ai grand hâte de connaître la suite aussi j'te le dis comme j'le pense et vice et versailles CHAPEAU A RAS DE TERRE Louve pour ce début de roman plus que prometteur ! ah comme tu fais jamais de faute, si j'puis me permettre, dans la deuxième partie, paragraphe 4 Ligne 2 "professeur" au lieu de profession, c'est une toute petite coquille ! Comme il est parfait de serait dommage de la laisser alors j'espère que je ne t'ai pas vexée ! J'aime aussi quand on me fait remarquer mes fautes parce nous on ne les voit jamais ! bon j'me sauve, tu ne me vois pas mais je tape du pied en trépignant d'impatience ! la suite ! la suite ! la suite !!

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Epo avatar

    Christine Millot Conte

    • Bonjour Christine ! Je viens de corriger ma faute. En fait une faute d'étourderie, c'est que même si on se relit, on ne voit pas forcément les fautes. Pas vexée du tout, bien au contraire, n'hésite pas. Je fais souvent des fautes d'accord, donc, si tu en trouves, le fait de me le dire me fera progresser.
      Mais oui, dans nos textes, on y glisse une partie de nous, de notre vie. Ainsi, lorsque ma fille est "partie", le seul remède pour moi a été la lecture la nuit. Lorsque je parle de la mère d'Eloïse dans le jardin de Gournay, c'est du vécu. D'écrire tout cela, ça ravive des souvenirs, et même si c'est douloureux, cela fait du bien de les poser sur la feuille, on n'oublie pas ceux qui sont partis...comme toi, avec ton père et ton frère...
      Je souris à " vice et versailles" vraiment bien trouvé ! Bises et encore merci pour tes notes et coups de cœur !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • Et c'est bien parti Martine, c'est bien écrit et agréable à lire, surtout par petites touches, pour nous garder en haleine, cela me va très bien.

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Version 4

    nilo

  • si j'ai bien lu sur la première partie, c'est un extrait d'un roman. On veut connaître la suite.

    ça me fait bizarre, car Héloïse est le prénom de ma fille...

    · Il y a plus de 7 ans ·
    12804620 457105317821526 4543995067844604319 n chantal

    Maud Garnier

    • Le prénom de ta fille, en effet ! Moi, j'en ai connu une que j'ai perdue de vue. J'aime beaucoup ce prénom et ce prénom : Camille, également.
      Il y a une suite, bien sûr, mais ça va être long, avec toutefois beaucoup de rebondissements.

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Le "r" oublié rajouté !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

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