Echelle de grandeur

Hervé Lénervé

Je rentrais d’une soirée légèrement, selon moi, copieusement, selon le voisinage, arrosée, mais à l’alcool, chez moi.

Respirant, à ma fenêtre, le bon air vivifiant de la pollution citadine, j'appréciais le vent qui chahutait les branches et chatouillait les feuilles. N'ayons pas peur des grands mots, c'était « BÔ ».

Malheureusement, l'arbre majestueux en arrière-plan, chez un voisin, était légèrement caché par les branches d'un de mes érables, (j'en ai plusieurs en cas de rechange, pour les pièces détachées) qui tombait dans le jardin mitoyen d'une autre voisine, mais féminine, celle-là.

C'était dommage, cela nuisait au panorama. Alors, je me suis dit, comme ça, tiens si j'allais les couder... les couver... bref, vous m'avez compris, sur-le-champ.

J'avais une lampe frontale vachement puissante. Oui ! Car c'était un jour de nuit déjà, on peut dire, qu'on ne sait jamais quand elle tombe de travers, la nuit !

J'avais une nouvelle échelle, jamais servie, mais on ne m'en avait dit que du bien. Vous savez, ce genre d'échelles rikiki, mon chéri, qui une fois dépliée montent jusqu'au ciel, au cas où, vous auriez une étoile à changer au plafond. OK ! Bon, il y avait un mode d'emploi pour la déplier l'échelle. Mais les modes d'emploi en chinois, c'est un autre Monde. Je ne comprenais rien au charabia des croquis de dépliage. Je ne suis pas un expert des positions du Kamasutra avec échelle, mais au bout d'une plombe, j'obtins un conglomérat de consortium d'échelles en masse informe, qui tenait debout, bancal et sans vent, par temps de miracles.

Good ! Alors, est-ce que ma tronçonneuse « Guillotine 3022 XY » va vouloir démarrer ? BROUMMMM ! Super ! Au quart de tour. Maintenant comme il faisait chaud et que j'étais en tongs, j'ai préféré ne pas prendre de risques et mettre des gants de chantiers sur mes pieds.

Allez, c'est parti ! Tayaut ! Sue à l'ennemi du beau !

Un peu plus tard dans la soirée, enfin à l'aube, quoi !

Alors, là, vous n'allez jamais me croire.

Hormis le fait que je me sois gouré d'arbre à élaguer. Oui, j'ai tondu un innocent. Mais à part cela, il ne m'est rien arrivé de fâcheux. Indemne ! Juste, quelques égratignures suite à un différend avec l'ersatz d'échelle.  Travail inutile accompli.

Maintenant, comment aurais-je pu deviner que la voisine, celle qui est du sexe féminin, dormait à la belle étoile, de nuit de surcroît, dans son jardin. Ceci dit, elle n'a pas souffert. Morte sur le coup, sous le coup de la première branche coupée, qui lui explosa le crâne jusqu'aux pieds. Les autres branches l'étouffèrent dans leurs chutes et l'échelle l'étrangla entre deux barreaux en se dépliant intempestivement à retardement.

Bon, moi, je vais faire le mort. On finira bien par la découvrir et les flics en déduiront un décès par accident domestique si l'échelle ne se met pas à table.

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