Epuiser l'ennui (part 2)
jones
La pluie a balancé ses perles, s’est invitée dans la danse. Un changement d’accord, de majeur à mineur.
J’ai traîné dans tout le salon, pas bien grand, pour faire comme si je cherchais quelque chose. La télé tournait toute seule en quête d’absolution. J’ai ouvert une autre bière. La pluie faisait du gris devant la fenêtre. Du gris sur le noir de la nuit. J’ai remisé mes rêves jusqu’à demain. Mon boulot, c’était juste alimentaire. Je faisais des chantiers pour bouffer, rien d’autre. Je ne le voyais pas comme un passage obligé, une lente marche vers la lumière. Non, je voulais juste assurer pour ne pas qu’elle ait froid, qu’elle ait faim. Sinon, j’écrivais.
Depuis tout petit, je faisais ça. J’avais pas vraiment prévu d’en faire un métier et ça n’en était jamais devenu un. J’écrivais et puis c’est tout. Peut-être parce qu’on ne parlait pas trop de littérature chez moi, j’écrivais parce que ça me faisait juste du bien quand j’écrivais. J’écrivais, j’écrivais et ça me faisait des frissons quand je n’écrivais plus, des frissons quand je sentais la différence entre écrire et ne plus le faire. Comme si ça brûlait quelque part en moi, comme une lente descente au fond d’une piscine, l’eau et le feu à la fois. Je ressentais ça. Ça prenait le meilleur de moi et ça le brûlait ou ça le noyait, c’était selon. J’étais une putain, un soldat. Je n’étais jamais défait, jamais vaincu, je ne faisais jamais défaut. Je refaisais toujours surface, je renaissais de mes propres cendres. Je pensais qu’une nouvelle vie m’attendait. Je n’avais pas mal au foie à cette époque, il y avait toujours une lumière, une bougie. Pas d’angoisse sous la peau, quelquefois des montagnes qui disparaissaient mais toujours un ici qui n’était pas vraiment là, un ailleurs toujours meilleur. Et puis les jours se sont allongés jusqu’à aujourd’hui. Est-ce que tu ressens ça aussi, mon petit cœur, ma couette qui vole ? Les jours ont dressé un contre-jour, une lumière d’église que je ne pouvais ignorer, des cœurs qui battent sans savoir. Je voulais repartir en guerre contre tout mais j’étais déjà froid, une égale quantité de sacrifices, de criminels et de défaites. A nouveau, j’aurais voulu être un soldat. Pour toi. On marchait les rues l’amour comme un fantôme sur tes lèvres, un squelette au fond de la piscine. Pas de chair, pas de cœur, juste des os. Que pouvait-on tant qu’on en avait la force ? Moi ?? J’ai voulu nager dans la piscine. Et toi, dear, love, honey, sweetheart ? Tu voulais aussi. Gagner du temps, du temps qui devenait poussière. La beauté, hors de moi, la beauté et pour tant qu’elle vaille même comme un silence, une fin. Dans la bouche des lions, sacrifiés. L’air retombant en poussière, le silence plus lourd que les mots. Hanté. Des centaines de jours, des centaines de fois, peut-être des milliers. Le temps file si vite, il peut y avoir des trous dans la mémoire.
La place ruisselait des dernières ondées. J’ai mis un vieux James Brown et je suis sorti.
je viens de lire le 1 et 2 et j'aime bien tres bien ecrit bravo
· Il y a plus de 12 ans ·christinej
C'est bien boulant, bien grave, bien contagieux. Magnifiquement écrit.
· Il y a plus de 12 ans ·eaven
Je viens de lire le premier, le temps de faire un petit tour par Hébron, je vois le second apparaître !
· Il y a plus de 12 ans ·C'est pas encore bien lancé mais j'en veux la suite ! :-)
apophis
J'aime aussi ! !
· Il y a plus de 12 ans ·reverrance
Après le n°1, voilà qu'on se trouve à plonger sous la surface des apparences.
· Il y a plus de 12 ans ·C'est sombre, mais j'en redemande.
junon