Est-ce bien raisonnable ?
ludivine
Rue des Quatre Vents, 6 étages sans ascenseur, heureusement que j'entretiens ma forme : ça m'évitera peut-être de m'échouer sur son palier comme une baleine asthmatique.
Devant moi, Anatole Ripley, 1e année : belle petite gueule, look mode mais pas trop, style « je garde mon indépendance d'esprit », pas bourreau de travail mais réflexions pertinentes et humour percutant. Mon élève, donc…
20 ans et la coupe de cheveux qui va avec.
Dans ma tête, la voix de la raison s'époumone. En vain. Je ne suis pas encore totalement décidée à m'autoriser cette folie furieuse, mais monter l'escalier qui mène à son antre me met déjà sur une pente dangereuse, quoique rudement ascendante pour l'heure.
4e étage… il est encore temps de faire demi-tour.
Mais la curiosité, l'excitation de la transgression, l'éclat sexy dans son regard quand il a pris mon poignet tout à l'heure au café, le choc électrique de ce contact, ses paroles décidées m'en empêchent : « Lâchez-vous Léonore, vous en avez autant envie que moi, je le vois dans vos yeux. On n'a qu'une vie bon sang ! »
Il a raison, l'animal : incontestablement, j'en ai envie. Ses lettres si bien écrites, subtilement sensuelles, si habilement flatteuses, me donnent envie d'aller y voir de plus près. Le choc à réception de la première avait rapidement fait place à l'attente des suivantes, créant une addiction troublante. Ce n'est pas un amoureux transi, ses lettres ne parlent pas d'amour mais seulement de désir, de plaisir et de sensualité. Et la sensualité, il la transpire par tous les pores de sa peau et par son regard brûlant quand il pense visiblement à tout autre chose alors que j'explique les études d'audience.
Tout à l'heure dans ce café où j'étais censée l'éconduire gentiment mais fermement, je regardais ses lèvres en les imaginant sur les miennes et je rêvais son regard sur mon corps. Il l'a vu.
L'appartement est un minuscule F2 bien aménagé, plutôt bien tenu. Décoration hétéroclite mais chaleureuse, mélange Ikéa/Brocante, canapé en cuir craquelé et portemanteau de bistrot, affiches d'expos sur les murs. Un peu de désordre, mais rien d'effrayant pour qui n'est pas Bree Van de Kamp.
Une chaise Eames, le modèle rocking-chair qui fait naître dans mon esprit une image déplacée que je m'empresse de chasser. Mon inconscient est apparemment très très motivé.
Un décor un peu cliché de trentenaire intello plus que de teenager, confirmant la maturité de son propriétaire. Et son goût pour le vintage…
Il fait un thé (dans une vraie théière avec du thé Mariage, ça change du Lipton Yellow) pendant que j'inspecte les lieux et notamment sa bibliothèque bien fournie en auteurs américains et français contemporains parmi mes favoris. Incontesta-blement, il gagne des points.
Il me donne un mug à drapeau Union Jack en me caressant les doigts, je sursaute à ce contact. Il me regarde dans les yeux pendant que nous buvons debout en nous brûlant les lèvres, en silence, laissant monter la tension. Sans quitter mes yeux il pose son mug à drapeau US et s'approche de moi, son oeil se faisant prédateur à mesure qu'il avance.
Il prend doucement ma tasse, la pose, me colle contre le bar, m'embrasse. Sa langue est douce quand elle parcourt mes lèvres, plus ferme pour chercher la mienne, sa respiration s'accélère il resserre son étreinte, ses mains partent soulever mes cheveux et caresser ma nuque (mon Dieu que j'aime ça) puis descendent sur mes hanches. Il s'arrête, se recule, me sourit, et murmure :
- « je le savais
- quoi ?
- que j'adorerais vous embrasser
- plaisir partagé », souris-je, tentant de prendre l'air détaché.
Puis il m'enlève ma veste, doucement, puis mon pull, m'embrasse dans le cou, glisse ses mains fraîches sous mon T-shirt. Je me laisse faire, un petit sourire aux lèvres, me détendant petit à petit, repoussant loin de moi les pensées raisonnables. OK, c'est n'importe quoi.
Mais c'est juste tellement bon.
Il enlève mon T-shirt, dégraphe mon soutien-gorge en expert, apprécie ce qu'il découvre et le dit, toujours en conservant le
« vous » qui devient plus décalé à mesure qu'il me déshabille. Légèrement, presque nonchalamment, il caresse mes seins du dos de sa main, y promène ses ongles, observant le désir dans mon regard. A mon tour, posément, je lui enlève sa veste, son T-shirt. Je m'approche, hume sa poitrine, couverte de poils cuivrés, souplement bouclés. Je caresse son dos et ses reins, le sentant frémir sous mes ongles. Sa poitrine est ferme, son ventre idéalement plat, avec ce creux symétrique au-dessus des hanches : la ceinture d'Apollon, comme les statues grecques, affreusement sexy, ça m'a toujours fait craquer.
"J'adore votre cou, sa longueur, je rêvais de le caresser" dit-il en joignant le geste à la parole, tout en m'embrassant à nouveau. Ses baisers se font plus précis, il prend possession de ma bouche de façon impérieuse et sexuelle, il me plaque contre lui en s'emparant de mes fesses et glisse son genou entre mes jambes. Je commence à lâcher prise, au moins physiquement, mais mon esprit reste en éveil, je veux garder le contrôle de mes réactions et éviter de partir en vrille.
Mon cerveau reptilien s'emballe mais mon cerveau rationnel a du mal à croire que je suis là, à demi nue, dans les bras d'un jeune homme à l'érection éloquente, que je retrouverai dans 3 jours face à moi en salle de classe ! STOP !!
Je me dégage et vais m'asseoir sur le canapé en secouant la tête comme pour me débarrasser d'une idée obsédante. Et en veillant à me tenir bien droite pour éviter de plisser du ventre comme un sharpei, on a sa fierté.
« Anatole, Anatole, on va se poser 2 minutes, là, et réfléchir! »
Il sourit, se passe la main dans les cheveux, vient s'asseoir à côté de moi. Il est magnifique.
- Ok, on réfléchit : j'ai envie de vous, vous avez envie de moi, nous sommes deux adultes consentants, je ne vois pas où est le problème.
Et tu es trop belle comme ça, en jean et les seins nus, les cheveux en bataille, j'ai envie de te dévorer… La dernière phrase dite en serrant les dents, avec un regard à faire fondre Mme Thatcher elle-même. Mais sait-il au moins qui est Margaret Thatcher ? Je secoue la tête et réponds :
- Soit. Mais après ? Jeudi, je fais cours, l'air de rien, vous êtes en face de moi et personne ne voit rien ?
Je m'accroche au vouvoiement comme à une bouée de sauvetage, dernier rempart de la raison. Il reprend :
- Je serai discret, je me mettrai au milieu, vous ne m'adresserez pas un regard et ils n'y verront que du feu. Ce sera hyper excitant. Je l'ai déjà fait, je suis sorti avec ma prof de philo en Terminale, ça a duré 3 mois et personne n'a jamais rien su.
- C'est pathologique, chez vous, vous vous tapez toutes vos profs, comme ça ? Vous avez essayé la prof de droit aussi, elle est jolie, non ?
Il rit :
- Non, pas toutes mes profs, seulement celles qui me plaisent vraiment. Mme Lefèvre est très jolie, mais elle est froide. Elle ne m'inspire rien alors que vous…
Dans un soupir il se penche vers moi et dessine des arabesques du bout du doigt sur ma peau, passant entre mes seins, derrière mon cou, sur mon ventre… c'est terriblement excitant, j'en ai la chair de poule, d'autant plus qu'il me regarde droit dans les yeux. Le torticolis me menace mais la tension de son regard m'hypnotise, la brûlure de ses doigts sur ma peau et ses paroles m'électrisent :
- Vous… vous avez ce truc dans les yeux, cette étincelle qui dit que vous aimez ça, que vous savez vous lâcher. Ça se voit aussi à votre façon de bouger et de réagir quand je vous touche, les reins qui creusent, la chair de poule, vos yeux qui se troublent, j'adore ! Vous avez respiré ma peau en enlevant mon T-shirt, vous savez jouir de tous vos sens, ça se voit.
Laisse-toi aller, arrête de penser, lâche-prise… me chuchote-t-il alors à l'oreille tandis que j'abandonne tout contrôle de la situation. Je réponds en me cramponnant encore au vouvoiement et à l'ironie distanciée:
- Quelle maîtrise du discours, dites-moi, quelle expertise pour votre âge, je suis impressionnée, ça promet d'être intéressant, en effet.
Mais mon corps prend eau de toutes parts et ma raison est déjà vaincue.
Il m'embrasse encore puis fait descendre ses lèvres le long de mon cou, le long de mon corps, et s'agenouille devant moi. Déboutonne mon jean. Embrasse la peau tendre de mon ventre. Caresse mes fesses, mes cuisses, fait glisser jean et culotte le long de mes jambes qu'il embrasse, lèche et mordille tour à tour. Je cambre mes reins et me cramponne à ses cheveux, j'ai fermé les yeux, je savoure. Chaussures et chaussettes ont valsé, suivies par le jean. Me voilà nue sur son canapé, littéralement trempée, les taches ne partiront pas sur le cuir...« je vais ruiner ton canapé » chuchoté-je, reflexe de mère de famille à quoi il répond « si tu savais comme je m'en fous de mon canapé».
Le nez dans mon giron, il semble en effet à mille lieux de ces considérations matérielles, il me hume, me respire, me goûte à petits coups de langue avide, et c'est délicieux.
Je m'abandonne à sa bouche, ouvrant mes jambes et aggripant ses cheveux de plus belle. Sensation fantastique sans cesse renouvelée, décharges électriques, fourmillement des terminaisons nerveuses, spasmes et contractions, gémissements, grognements, tout n'est que sensation, cerveau rationnel aux abonnés absents, Dieu que c'est bon, je tressaille, me tends comme un arc, ma tête part en arrière en mouvements incontrôlés, une dernière contraction, un cri bref… et voilà le canapé inondé. Anatole se redresse, le visage trempé comme un fauve après la curée. Surpris et amusé, il goûte sur ses lèvres ce mystérieux liquide cristallin. « Non ? » dit-il, l'air d'avoir découvert l'Amérique, « une femme fontaine ? Putain ça existe vraiment alors !
Tu vois », reprend-il triomphant, « je le savais bien que tu étais une bombe. Crois-moi je n'en ai pas fini avec toi ». Et moi de ronronner béatement comme un chat caressé dans le sens du poil.
Je dois vraiment avoir un problème d'ego, moi : trois compliments et je perds tout discernement…
Très bien écrit ! Je croirais me souvenir d'y avoir été maintenant...
· Il y a environ 8 ans ·Loxias