Excuse-moi

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Excuse-moi.

Je doute que tu me réadresses la parole un jour, j'imagine que lorsqu'ils te libéreront, la première chose que tu feras sera de bloquer mon téléphone, mes mails, a peu près tout ce qui te rapportera à moi. Je doute fortement que tu ouvres la lettre envoyée, également.

Cependant, je sais que tu es aussi inscrite ici. Peut-être, alors, auras-tu la curiosité de me lire, et peut-être alors, pourras-tu apprendre que je suis désolée.

J'ai reçu ta lettre d'adieu deux heures après l'appel de ta mère, qui m'a annoncé ta sortie du coma. Dans ta lettre, tu espères qu'aucun "imprévu" ne fera qu'on te sauvera.

Je suis désolée d'avoir été cet imprévu.

Ce n'est jamais simple, ce genre de situation. D'un côté, il y a la voix qui te somme d'intervenir, et de l'autre, celle qui te demande de quel droit tu oses ne pas respecter le choix de l'autre. Un éternel dilemme.

J'ai écouté la première des voix, parce que je me suis dit, peut-être naïvement, qu'un jour qui sait, les choses pourraient changer. Et puis, aussi, si je ne t'avais envoyé personne, j'avais égoïstement très peur d'avoir ta mort sur la conscience.

Du reste, je ne sais pas.

Ai-je bien fait ?

Ou pas ?

Je sais ce que c'est, cette terrible souffrance enfermée, je sais aussi ce que c'est, de se réveiller aux urgences, et constater que l'on est toujours là, dans cette merde qui colle au corps. D'avoir été balancée par celles et ceux qui ont su lire entre les lignes. D'avoir été balancée par des gens qui ne savent rien de ce que l'on ressent, qui ne peuvent comprendre notre choix, des gens qui peuvent bien se permettre d'appeler le 15 puisqu'ils ne connaissent rien de ces troubles.

Après avoir espéré très fort que tu t'en sortes, en ce début d'après-midi, je ne sais plus trop si j'ai fait le bon choix. Quand j'ai appris que tu étais encore en vie, non, je n'ai pas été si soulagée, j'ai presque culpabilisé de t'imposer la survie.

Imposer, oui, c'est le mot.

La mort est un désir tabou.

Et j'ose presque me le dire : qui suis-je pour ignorer ta douleur, qui suis-je pour t'imposer de vivre encore un peu ?

(soupir)

Ce qui est fait, est fait.

Et même si je crois avoir fait ce qu'il fallait selon les moeurs, si tu me lis, sache juste que je suis désolée.

Du reste, je continue d'espérer que tu t'en sortiras. Que tu croiseras enfin le chemin d'un psychiatre sérieux, que malgré les galères tu remonteras la pente, à ton rythme. Ton pardon, ce n'est pas l'important.

L'important, c'est que, peut-être, cette "chance" le sera.

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