Extinction
Fabien Dumaitre
Tic, tac, tic, tac
La trotteuse de la pendule poussait les secondes unes à unes. Inexorablement le temps défilait, suivant un chemin tout tracé. La chaleur étouffante enveloppait la pièce de ses bras de feu. C’était le début de l’été et le soleil, alors à son zénith, frappait la surface de la terre de ses rayons brulants. Une petite lampe à pétrole, unique source de lumière, trônait sur la table en bois massif collée au mur noir de suif. L’ambiance était pesante, oppressante. L’âpre odeur de la mort flottait ce réduit. Empilé sur une étagère, un stock impressionnant de boites de conserves patientait tandis que d’autres, éventrées, gisaient sur le sol terreux. John porta un verre de bourbon à sa bouche et absorba une bonne rasade du subtil et délicat liquide à la robe ambrée. Il ferma les yeux et secoua la tête violemment avant de pousser un long râle de satisfaction.
- Dire qu’on m’avait dit que je vivrais vieux. 47 ans, c’est vieux ça!
Il se resservit une dose de son bourbon quinze ans d’âge puis reposa la bouteille sèchement sur la table en chêne. De sa main gauche, il épongea la sueur de son visage. Il était fiévreux, un mal de tête récurent le faisait souffrir. Soudain son doux regard bleu gris s’embua et il se mit à pleurer. Puis ses gémissements se transformèrent en un rire hystérique. Il se leva d’un bond, se déhancha un instant sur les airs d’une musique fantôme avant de s’effondrer au milieu des conserves jonchant le sol. Un rictus malsain se dessina sur son visage à la barbe naissante. Il s’agenouilla et empoigna un des couvercles au rebord tranchant comme une lame de rasoir. Il porta l’objet jusqu’à sa jugulaire. Le morceau de métal épousa la peau moite de son cou noir de crasse. Les dents serraient il opéra une légère pression ; quelques secondes. Des tremblements agitèrent son corps puis John relâcha son étreinte. Il s’agrippa à un dossier de chaise puis se releva.
Il était saoul mais pas assez pour oublier. Oublier qu’il ne lui restait que 14 minutes 33 secondes, 32, 31… à vivre, lui ainsi que l’humanité toute entière.
Un rat sortit d’une cavité creusée dans la roche. Le rongeur longea le mur, s’aventurant plus avant dans la pièce puis s’arrêta face à John. La petite bête se redressa, se lécha les pattes avant et se frotta le museau. John tendit le bras.
- Tu ne sais pas ce qui va t’arriver toi. Tu n’as pas de conscience. Veinard va !
Sa voix était chargée d’amertume. Lui, John Kriven, en arrivait à être jaloux d’un rat. Il sauta sur l’animal qui, d’un bond, alla trouver refuge derrière les boites de conserves empilées. Avec frénésie John déblaya le chemin envoyant valser les boites dans tous les sens. Découvert, le rongeur détala à et disparut dans le trou par lequel elle avait fait irruption dans la pièce. John donna un grand coup de pied dans tout ce fatras. Il hurla et jura tout en se tenant le bout de la chaussure. Soudain les parois de l’abri de fortune où il s’était réfugié se mirent à trembler. Un signe que Clara avait pénétré dans l’atmosphère terrestre. La roche s’effrita, gravats et poussières envahirent bientôt sa vision. Dans un reflexe de survie, John rampa sous la table et mit sa tête dans ses mains. La lampe à pétrole bascula et sa lumière vacilla. Le noir était presque total. Le vacarme devint de plus en plus assourdissant.
Un liquide suinta de ses oreilles ; du sang probablement. John hurla de toutes ses forces sans pourtant parvenir à entendre le son de sa voix. Puis le noir se fit total. John ouvrit les yeux. Le noir était total. Un bourdonnement effroyable agressait maintenant ses tympans ou se qu’il en restait. Son souffle se fit de plus en plus court…D’indéfinissables douleurs meurtrissaient son corps. Fractures et autres contusions firent leur apparition. Il voulut prendre une grande bouffée d’air mais ses poumons refusèrent de lui obéir. Sa respiration se coupa et son cœur lâcha. Son regard, si doux et plein de vie, s’éteignit à tout jamais.
Mardi 14 Juin 2030 à midi dix, l’astéroïde surnommé « Clara » entra en collision avec la terre signant la fin de toute forme de vies sur la planète.
Brrrr ! dans le genre c'est bien écrit, quelle angoisse !
· Il y a environ 13 ans ·Edwige Devillebichot