Au petit bonheur (1)
Neve Rosée
La mort. C'est un peu bête de vivre toute cette vie pour mourir, comme ça, parce qu'à quatre-vingt ans on n'a pas vu une marche dans les escaliers. Mais ce n'est pas toujours la faute de la marche.
Une personne meurt et puis elle plonge tous ses proches dans le noir absolu. Et pour remonter à la surface ce n'est pas forcément facile à ce qu'on m'a dit.
Quand ma mère est rentrée du travail, elle ne nous a pas appelés « ses chéris » du bas de l'escalier pour qu'on vienne lui dire bonjour. Elle ne nous avait pas acheté de pain au chocolat. J'ai entendu le grincement de la porte quand elle s'ouvre, la chaise en bois tirée lourdement et des sanglots à n'en plus finir. Pas les sanglots quand elle me dispute et qu'elle se sent mal après, pas non plus les sanglots quand elle a passé une mauvaise journée.
Les sanglots quand papa est mort. De gros sanglots, étouffés, de douleur, des larmes qui envahissaient ses joues rougies, quand elle criait presque qu'on le lui rende.
Mort (selon le dictionnaire) : La mort est un concept qualifiant l'état d'un organisme biologique ayant cessé de vivre.
Mort (selon moi) : La mort est le fait de plonger d'un seul coup certaines personnes dans un trouble permanent, sans qu'ils ne puissent retrouver le sourire avant des mois. Alors qu'une personne arrête littéralement d'exister c'est aussi son entourage qui meurt avec
Maman a pleuré, papy et mamie ont pleuré, Paul a pleuré, Alayana a pleuré. Et moi j'ai mis la musique au maximum pour ne plus les entendre.
Ça fait trois semaines. Trois semaines trop longues où les boites de mouchoirs envahissent les chambres des uns et des autres et où les gémissements de douleur sont devenus une forte mélodie incessante. Sauf moi, coincée entre tous et aucune larme n'a coulé depuis qu'on s'est habillés en noir pour voir une boîte en bois descendre sous terre. L'école a repris pour moi, tandis que mon frère et ma sœur restent à la maison, dans leur lit toute la journée.
Il doit être dix-neuf heures environ, je sais que ma mère n'a rien préparé pour Paul et Alayana. Alors je m'active en cuisine essayant de leur faire à chacun un plat qu'ils aiment, bien que je sache qu'ils n'apprécieront pas forcement... Je prends plaisir à faire ça pour eux, sachant que je suis leur seule bouée de sauvetage avant qu' 'ils ne sombrent tous au fond du gouffre.
Je passe dans la chambre de mon frère et ma sœur, un plateau remplit de bonnes choses sur les bras. Les volets ne sont pas ouverts, mais quelques rayons de soleil réussissent à passer au travers des rainures. Il y fait trop chaud et pourtant mon frère dort emmitouflé dans sa couette et ses couvertures. J'entends ma sœur se moucher et je m'approche de son lit en essayent de garder le sourire.
_ Tiens, mange un peu ça te fera du bien. En plus je vous ai fait vos plats préférés !
Elle me regarde avec ses yeux rougis comme pour me dire de ranger mon sourire. Comme pour me dire qu'on a pas le droit d'être aussi heureux que je le suis quand quelqu'un meurt ; comme pour me reprocher d'être trop heureuse et de ne pas avoir dévalée la pente.
Ses mains tremblent tellement que je suis obligé de lui donner à manger. Je lui fais boire son médicament en lui racontant des blagues, mais ça ne la fait visiblement pas rire.
Je dépose le repas de mon frère sur sa table de chevet. Il dort si paisiblement que je n'ose pas le réveiller.
Puis je monte voir ma mère. Entre elle et moi ça a toujours été compliqué, on n'a jamais vraiment réussi à avoir cette complicité que la plupart des filles ont avec leurs mères. D'ailleurs, c'était pareil avec mon père. Je n'étais proche de personne dans ma famille et je n'avais aucuns amis. La seule chose que je réussissais c'était les études ; les relations avec les autres ça n'a jamais été ça.
J'aimais faire de la balançoire pendant des heures pour ne pas manquer le coucher de soleil, ou encore apprendre les noms des étoiles.
Alors je rentre dans la chambre qui était autrefois celle de mes parents et qui est maintenant celle du désespoir. Il y fait encore plus sombre que dans celles de mon frère et ma sœur. Ça sent la tristesse à plein nez. J'essaie de prendre l'air le plus heureux possible.
_ Maman ? Je t'ai apporté à manger...
Je l'entends grogner dans son oreiller. Je ne sais pas si c'est la même tristesse que d'habitude ou si c'est celle qui m'est réservé...
J'ai beaucoup réfléchi, c'est complètement fou et pourtant je suis sûr que ça peut fonctionner. Je sais ce qui peut rendre ma mère heureuse, je sais qu'au moins elle arrêter de passer toutes ces journées en pyjama à se morfondre.
_ Maman, il faut que tu manges... Pour prendre des forces.
_____________________________________ Suite à venir...
© Neve Perdue
Je risque de passer pour une psychopathe qui relève toutes les erreurs mais il y a une incohérence dans les prénoms entre cette partie et la partie 2. La narratrice s'appelle Octavia dans le 2 alors qu'ici c'est sa sœur. Et dans le 2 sa sœur s'appelle Alayana
· Il y a plus de 9 ans ·littlerebel
Oui, ahah, j'ai changé entre temps pour le concours parce que je ne me souvenais plus de comment je voulais appelé la narratrice. Puis comme Octavia était un prénom que j'affectionnais beaucoup j'ai changé... :) Mais j'ai oublié de le modifié ici, bravo de l'avoir remarqué !
· Il y a plus de 9 ans ·Neve Rosée
Oh, comme c'est beau. J'attends la suite avec impatience. (:
· Il y a presque 10 ans ·Liloo Twist
Merciii :)
· Il y a presque 10 ans ·Neve Rosée
Il en manque un peu pour oser un titre. Pour l'instant c'est "La dernière marche"...
· Il y a presque 10 ans ·Et ce passage me semble de trop, ou pas encore à sa place: "J'aimais faire de la balançoire pendant des heures pour ne pas manquer le coucher de soleil, ou encore apprendre les noms des étoiles."
Hâte de lire la fin!
Frédéric Clément
Je garde ça en tête merci !
· Il y a presque 10 ans ·Je vais voir ce que je peux faire pour ce passage alors.
Merci :)
Neve Rosée
Très joli. Juste une petite faute : "tous Ses proches"
· Il y a presque 10 ans ·Pas d'idée de titre par contre, sorry
ella
Merci ! Hop, je rectifie ça !
· Il y a presque 10 ans ·Tant pis, ce n'est pas fini ;)
Neve Rosée