FAIRE L'AMOUR A LA MORT

Pascal Germanaud

FAIRE L’AMOUR A LA MORT

 

 

Y’a des mots que tu traînes

Tout au fond de ta haine

Y’a des mots qu’ils t’apprennent

Et d’autres qu’ils te prennent

On t’apprend à sourire

Quand tu voudrais chialer

On t’apprend à mentir

Quand y’a d’ la vérité

 

Y’a qu’ des cibles mourantes

Sur des grilles mouvantes

Y’a tant d’ mond’ qui serpente

Pour remonter la pente

Que tout glisse des doigts

Et tout se paralyse

Les sanglots dans la voix

Et les mots qui se brisent

 

Y’a tant d’aliénation

Qu’on perd tous le contrôle

On crèv’ dans d’ la fiction

Mais y’a pas d’ premier rôle

On nous a tant appris

A prendre un parti pris

Qu’on s’ retrouve accroupis

Comm’ des cons incompris

 

Y’a rien d’autr’ qu’un’ crevasse

Quoi qu’on dise ou qu’on fasse

On s’est tell’ment fait d’ crasses

Qu’on s’ voit plus dans la glace

On s’est si peu fait d’ place

Qu’on étouff’ tous en masse

A chacun son espace

HLM ou palace

 

 

Y’a tell’ment de paumés

Qui se fout’nt d’être en vie

Qui font des graffitis

Et reçoiv’nt des pavés

Y’a tell’ment de morsures

Qui sculptent leur venin

Dans ton coeur et le mien

Que tout devient impur

 

Y’a tell’ment de noirceur

Sur mes vitres funèbres

Que le soleil se meurt

Au-dessus des ténèbres

Y’a bien trop de grimaces

Sur les routes fidèles

Pour que demain je passe

Au coin de ta ruelle

 

Y’a toujours un désir

Qui fait perdre la tête

Mais t’as pas à choisir

T’es piégé comme un’ bête

Y’a plus rien à atteindre

Sauf si tout ça s’arrête

Et je cess’rai de geindre

Comm’ le fait la planète

 

Je tiendrai si tu veux

Fair’ l’amour à la mort

Et je tuerai tous ceux

Qui te viol’ront encore

Je viendrai si tu peux

Fair’ l’amour à la mort

Et si je suis la mort

J’aimerai tout ton corps

 

 

 

 

Y’a des pas dans la rue

Qui font fuir les passants

Y’a des gueul’s d’inconnus

Qui revienn’nt pas souvent

Y’a des cris de violons

Qui agrippent aux oreilles

Y’a des coups de canons

Qui nous mettent en bouteille

 

Y’a des grinc’ments de dents

Qui fourmill’nt sous la pierre

Y’a des jours d’enterr’ment

Qui s’ finissent à la bière

Y’a des poètes éteints

Qui brillent dans tes yeux

Y’a des hivers sans fin

Qui te réchauffent un peu

 

Je vid’rai dans ton pieu

Mes soupirs absolus

Mes derniers jours heureux

Et mes matins perdus

Je grandirai ma joie

Au sommet de ton âme

Je deviendrai ta came

Et ton cancer au foie

 

Je dépos’rai ma moelle

Aux pieds de ton armure

Je déploierai ton voile

Aux portes de Saumur

Je quitt’rai mes geôliers

Je tuerai ma monture

Je chevauch’rai à pieds

Par goût de l’aventure

 

 

 

Y’a des esprits fanés

Qui attend’nt leur revanche

Y’a des gosses à l’armée

Qui rêvent de tes hanches

Y’a des clébards en rut

Qui d’viennent aveugles et sourds

Y’a qu’ les macs et les putes

Qui n’ sont plus à la bourre

 

Y’a des vieillards qui rouillent

De bistrots en sex-shop

Y’a des bleus en patrouille

Mais y’a plus d’ Pénélope

Y’a des raz-de-marée

Qui dévastent ton ventre

Des foetus écoeurés

Qui voudraient qu’on les rentre

 

Y’a des souv’nirs fragiles

Qu’on aim’rait prolonger

Mais on vit dans la ville

Qui nous fait replonger

Y’a des silences riches

Qui résonnent en nous-mêmes

Qui nous dis’nt: « T’es pas chiche

D’aimer plus que l’on t’aime »

 

Je tiendrai si tu veux

Fair’ l’amour à la mort

Et je tuerai tous ceux

Qui te viol’ront encore

Je viendrai si tu peux

Fair’ l’amour à la mort

Et si je suis la mort

J’aimerai tout ton corps.

                                                                                                      

                           Le 02/02/85.

                                              Pascal GERMANAUD

Signaler ce texte