Fiat lux...
carouille
Tu es un tour de magie. Fait de sable fin chauffé d'amour, jusqu'à devenir symphonie de verre.
Durant des mois, j'ai tracé au pinceau enduit de grisaille le fond de tes yeux, l'ourlet de tes sourires, la dentelle de tes oreilles. J'ai dessiné un par un chacun de tes petits doigts, chaque boucle déposée sur ta tête. J'ai découpé dans le verre le plus pur un énorme cœur, et j'ai soufflé dessus, jusqu'à ce qu'il commence à battre.
Et soudain tu étais là. Quelques grammes portés cœur à cœur. Alors jour après jour, j'ai appris à devenir cette autre dont tu avais besoin pour grandir. Souvent dans tes larmes, parfois dans ma peur. Avec toujours ce refrain infatigable. Je suis là. Et mes mains sur ta peau quand tu ne pouvais plus entendre.
Je voudrais pouvoir te dire que tu as poussé facilement, pour tout le bonheur que ces mots cacheraient. Mais je ne peux pas sans rompre ta confiance. Tu as grandi en prenant chaque jour comme un défi à relever, une conquête à emporter, une découverte à s'approprier, un obstacle à franchir. Du bonheur il y en a eu, des tonnes et des tonnes. Mais il a côtoyé l'intensité parfois dramatique, la puissance souvent incontrôlée, les dérapages à chaque pas.
Le chemin à tes côtés est chaotique. Découpé à l'emporte-pièce. Sans demi-mesures. Mais il est riche. Brillant. Contrasté. Vivant. Epoustouflant.
Il te ressemble. Des pièces de verre teintées de couleurs chatoyantes, cuites et recuites pour imprimer les dessins à la grisaille. Et assemblées par des ailettes de plomb soudées.
Lulu, ma symphonie de vitraux.
D'église ouverte à tous les vents, je suis devenue ce ventre refermé sur lui-même. Sur toi.
Cette armature de pierres inébranlable. Qui n'existe que pour t'enchâsser et te donner une armature au fur et à mesure que tu grandis. J'ai tricoté les barlotières qui te portent. Bercé les pigments que tu expérimentes.
Depuis que tu existes, la lumière me baigne après t'avoir traversé. Devient cet air coloré qui me redessine à chaque instant. Tu es ma lumière noire. Tu révèles ce qui se cache, l'arrache au secret pour en mettre à nu les reliefs. Quel qu'en soit le prix.
Quand le soleil se lève au-delà de toi, il allume une par une les couleurs de ta palette.
Les roses de Notre Dame qui fleurissent à chacun de tes sourires.
Le bleu chatoyant de la cathédrale de Chartres. Ce bleu que j'ai mis des années à apprivoiser pour en découvrir le savoir-faire.
Ce rouge vibrant qui fait sonner sourdement chaque battement de mon cœur.
Les arabesques de l'Art Nouveau quand tu m'entraînes dans ton monde fantastique.
Les petits poèmes d'amour tracés sur le verre cuit et recuit pour s'incruster dans ma peau.
La douceur d'un jaune bouton d'or qui vibre dans les rayons du soleil que tu allumes d'une pirouette.
Toutes tes premières fois, et toutes tes fois pleines de bonheur. Tes réussites surprenantes. Tes découvertes curieuses. Ton imagination enfiévrée. Tes élans de tendresse sauvage. Ton amour si exigeant. Tes coups de cœur passionnés. Ta boulimie de lecture. Ton esprit vif argent. Ton humour à fleur de mots. Tes sentiments à l'emporte-pièce. Ton regard où tu te jettes tout entier. Tes essais à tous vents. Tes tout-ou-rien sans concession.
Les éclats de ta lumière portent alors si loin qu'ils viennent colorer ma peau de ce kaléidoscope.
Quand la nuit descend derrière tes yeux, je sombre lentement dans le noir. Ma voûte en berceau ne peut plus que veiller sur toi en attendant le retour du jour. Ton obscurité qui gronde et tourbillonne se heurte violemment à chacune de mes colonnes pour en tester la solidité, encore et encore. Et je me délave les yeux à chercher tes couleurs éparpillées dans ce déchaînement.
Le verre perd sa transparence pour se faire mur opaque et menaçant.
Il ne reste que la grisaille cuite à vif pour ombrer tes regards.
Ce verre si fragile qu'il se fêle et se brise au moindre choc.
Cette rébellion des plombs entrelacés qui défigure jusqu'à la douceur.
Ces jours-là tu m'aveugles. Un éblouissement qui naît de la nuit qui éteint tes couleurs. A faire pleurer mes yeux, à faire couler mon cœur.
Toutes tes paniques. Tes angoisses. Cette violence révoltée qui couve en toi. Ce sentiment d'injustice qui te pourfend. Ce harcèlement de conflits auquel tu me confrontes. Ce silence grondant où tu te réfugies. Ce rejet des règles et de l'arbitraire. Ce long hurlement que t'arrache la découverte du monde. Ces blessures à vif que tu rapportes de t'être frotté aux autres. Tes tout-ou-rien sans concession.
C'est dans le noir des pierres froides et esseulées qu'il est le plus important de croire. Alors je crois, obstinément. Je crois en toi. Sans relâche. Surtout quand tu n'y crois plus. Quand tu te perds. Quand tu désespères.
Je sais le verre inusable. Mais si vulnérable. Le moindre petit caillou jeté par un aveugle peut te faire exploser en mille morceaux. J'en ai vu les effets. Patiemment, à chaque pierre haineuse ou simplement maladroite, j'ai ramassé les débris, même les plus petits. Même ceux qui s'enfonçaient dans le bout de mes doigts et me faisaient saigner. Et je les ai recollés, jusqu'à te retrouver tout entier, jusqu'à te faire tenir à nouveau debout bien droit.
Garder ma foi intacte même quand tu te noies dans la nuit, c'est tout ce que je peux faire.
Le temps passe. Tu grandis. Je vois ton regard se tourner vers le monde pour l'observer à travers tes couleurs. Et revenir se poser sur moi.
Questionner. Accuser. Lutter. Exiger. Tester. Demander.
Alors je puise dans mes forces, prends toute cette lumière que je porte en moi, pour qu'elle te traverse et illumine ton chemin vers ailleurs. Toutes ces prières accumulées entre mes murs, tous ces espoirs déposés dans mes pierres, ils sont pour toi.
Mon ventre s'est ouvert, tu n'as plus besoin de son abri. Juste de savoir qu'il est présent constamment, juste là, à tes côtés. Prêt à restaurer tes brisures, prêt à recoller les morceaux, prêt à combler les lacunes.
Le jour où je t'ai nommé, je t'ai donné la lumière. Ce que je voulais t'offrir pour respirer, c'était cette vie qu'elle apporte à toute chose, la façon qu'elle a de faire exister ce qu'elle touche. Même si parfois elle brûle, même si parfois elle aveugle.
J'ai eu raison de croire en toi, Lulu. De garder la foi au milieu du purgatoire. Parce que je vois ta lumière.
Elle grandit. Pas toujours au même rythme que toi, mais elle grandit.
Et je la vois commencer à rayonner. Tes couleurs font des envolées timides vers les nuages. Prennent de l'assurance dans les chemins de terre. Battent le macadam du bout de leurs pinceaux. Par petites touches encore douces et timides, elles teintent ceux qui t'entourent. Donnent un éclairage particulier aux scènes qu'elles frôlent.
Tu grandis et je te découvre un peu plus chaque jour. Cette logique tourbillonnante que tu appliques selon les règles du cœur. Cette maturité blessée qui te soutient dans ta sagesse impulsive. Cet éclat de rire révolté que tu as choisi pour étendard.
Tu grandis et je t'aide à trouver ton équilibre. Accepter le monde sans renoncer à le changer. Même si c'est une goutte d'eau. Apprendre à vivre au milieu des autres sans renier ce que tu es. Même si parfois la solitude est le prix à payer.
Tu grandis et je m'émerveille d'avoir réussi à te transmettre ces deux choses.
La lumière, et la foi. La foi en la vie, et l'appétit pour la dévorer.
Pour croire, rêver, créer, imaginer. Aimer. Parce que sans tout cela, la vie n'a pas de sens.
Et moi je t'aime mon Lulu bariolé. Si fort.
Un texte plein de tout ce que ma mère m'a dit avoir traversé avec moi. Très touchant, très touchée...Très beau en tous cas :-)
· Il y a environ 9 ans ·Yeza Ahem
Alors là tu me gonfles d'espoir...Si quand on traverse tout ça on peut arriver jusqu'à toi...ça en vaut la peine !! ;))) Mais chaque sourire en vaut la peine ;)))
· Il y a environ 9 ans ·carouille
ma mère en a bavé avec moi... :-)
· Il y a environ 9 ans ·Yeza Ahem
:))))) moi j'en ai trois qui m'en font baver !! :))
· Il y a environ 9 ans ·carouille
:) ))
· Il y a environ 9 ans ·marielesmots
Des sentiments exprimés avec l'adresse d'un Maître verrier, j'aime beaucoup le parallèle ...
· Il y a environ 9 ans ·marielesmots
Merci Marie :) tu as du flair : je travaillais sur l'histoire du vitrail quand le nom de Lulu a été choisi, en hommage au st patron des maîtres verriers :))
· Il y a environ 9 ans ·carouille
Tout est dit sur ce texte irradiant d'amour, tu as beaucoup de talent. :))
· Il y a environ 9 ans ·julia-rolin
Si c'est un talent d'amour, je prends !;) merci Julia ;)
· Il y a environ 9 ans ·carouille
difficile d'écrire après cela. J'ai lu des yeux jamais des lèvres, impossible de se désouder de ton rythme intérieur, cette lumière qui se réfléchit entre toi et ton fils. Je n'ai pas tout compris des problèmes que tu évoques.Mais j'étais empoignée par le charme de ton écriture.
· Il y a environ 9 ans ·elisabetha
Merci infiniment Élisabeth. Les problèmes d'un enfant qui a du mal à trouver sa place, un peu à vif. Les diagnostics n'ont pas vraiment d'importance, du moment que vit la lumière. C'est ce que tu as ressenti, c'est ce que je voulais transmettre. Donc encore merci à toi .
· Il y a environ 9 ans ·carouille
Encore une fois, touchée plein coeur. Ce regard... Merci Carouille
· Il y a environ 9 ans ·ellis
Merci à toi Ellis. Chacun de tes passages chez moi est important... :)
· Il y a environ 9 ans ·carouille
Pas de mots..tu sais ce que je peux ressentir après cette lecture..Tu es une Maman géniale et ton Lulu il en a de la chance de t'avoir à ses cotés. Gardez la foi, la lumière et donnez un sens à vos vies ! Je t'envoie un doux rayon de soleil biz
· Il y a environ 9 ans ·ade
Ton rayon de soleil est d'autant plus le bienvenu qu'il commence à faire froid, et je ne suis pas équipée pour !! ;)) Va falloir faire de belles flambées de mots pour se réchauffer ;))) Lulu a aimé la lumière que je lui ai envoyé, donc c'est moi qui ai de la chance !! ;))
· Il y a environ 9 ans ·carouille
;))
· Il y a environ 9 ans ·ade
Elle est magnifique cette lumière que tu portes à ton loulou. Elle est magnifique parce qu’elle te fait rayonner toi aussi. Cet amour de maman que tu ’assènes ‘’ à ton lulu est la véritable voie pour qu’il y trouve son épanouissement. Traverser les difficultés de son enfance avec cet amour, c’est juste énorme. Tu es plus qu’une lumière Carouille, tu es un soleil ! Ceux qui sont près de toi ne peuvent que rayonner.
· Il y a environ 9 ans ·erge
Ben mince, c'est une énorme responsabilité que de faire rayonner ceux qui m'entourent !! Mais comme je suis un soleil, je vais essayer d'être à la hauteur. Et de m'y épanouir ;))
· Il y a environ 9 ans ·carouille
:-)
· Il y a environ 9 ans ·erge