Fin de route [Extrait]
Jean Louis Michel
La femme est tétanisée, les yeux grands ouverts, horrifiés. Elle fixe l’étranger désespérément et devine sa fin toute proche. Il la plaque contre le mur, une main enserrant sa gorge, elle est incapable de crier, elle aimerait pourtant. Elle aimerait hurler à s’en éclater les cordes vocales, elle aimerait qu’il vienne des passants, n’importe qui. Elle est seule. Elle sent la lame froide lui caresser paresseusement le ventre et descendre vers son sexe après lui avoir découpé la jupe et la paire de collants. Elle se lâche d’un coup, incontrôlable, sa vessie l’abandonne. Le jet puissant éclabousse le pantalon de l’homme qui explose d’une colère qu’il ne peut maîtriser. Alors, la main qui tient le Ka-Bar, la lame de combat traditionnelle des Marines, sert encore plus fort le manche de cuir et se lève vers son visage. Les coups tombent dru, violents. La femme sent sa pommette exploser, l’os de son nez craquer, alors que sa vue se brouille dans un mélange de larmes et de sang. Les coups de poing se font plus précis, visent la mâchoire qui explose et crache quelques dents. Tout juste a-t-elle le temps de se demander pourquoi lui était venue cette envie soudaine d’aller au cinéma toute seule ce soir. Pourquoi n’avait-elle pas plutôt loué un film sur une chaîne spécialisée du câble local.
Elle ne sent maintenant plus rien, plus de douleur, sa vue se brouille. Les coups semblent de plus en plus lointains, comme dans un mauvais rêve. Elle sombre, inconsciente.
L’homme continue, il ne dit rien, il a le souffle fort et l’haleine chargée. Il respire avec l’application d’un coureur de fond. La femme ne tient plus debout, elle est désormais comme un poids mort dont les pieds se dérobent. Il la lâche, elle s’écroule.
Il fait un pas en arrière. Il contemple son œuvre quelques instants puis se penche et fouille les poches et le sac à main de la femme. Il n’y a que quelques dollars dans une pochette, un étui plein de cartes de crédit inutilisables, un tampon hygiénique de secours, des clés, du maquillage. Il fait le compte, il y a vingt-cinq dollars, rien de plus, une vraie misère.
La scène aura duré moins de dix minutes, si elle ne lui avait pas pissé dessus il aurait pris le temps de la violer. Ça aurait pu continuer plus longtemps, il le regrette un peu, elle est plutôt jolie. Là, c’est terminé, n’importe qui d’un peu curieux pourrait le surprendre dans ce petit passage plongé dans l’ombre, n’importe quel clodo ou n’importe quel gars pressé d’une soudaine envie de pisser.
Il se rend compte qu’elle a vu son visage, tant pis pour elle. Alors, la lame du vieux Ka-Bar lui perce le cœur, un geste précis, sans violence inutile. Fin de l’histoire, l’homme quitte la ruelle d’un pas bien assuré.
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tu me rassures...
· Il y a plus de 12 ans ·woody
En fait, il s'agit de l'intro de "Fin de route" un roman noir sorti chez Numériklivres. Cette intro est très noir, effectivement, mais c'est malheureusement pas quelque chose d'improbable, mais je vous rassure, le roman n'est pas parsemé de cadavres !
· Il y a plus de 12 ans ·Jean Louis Michel
limite trop noir pour moi ! Ca me mets mal à l'aise... où est la limite du voyeurisme dans ce genre de texte ? j'ai 2 filles et ton texte me glace...
· Il y a plus de 12 ans ·woody
j'aime beaucoup, c'est froid, glaçant et glacial, ça fait peur, c'est violent... et toujours si bien écrit!
· Il y a plus de 12 ans ·heureuse de te retrouver! tu m'as manqué!
Karine Géhin
Oui un retour... glaçant, "noir de chez noir" qui fait froid dans le dos... Quel prologue!
· Il y a plus de 12 ans ·Elsa Saint Hilaire
Brrrr....... "joli", ce n'est pas le mot qui me serait venu en premier !! C'est sombre, et froid comme la fameuse lame.
· Il y a plus de 12 ans ·Mais j'aime toujours autant ta façon d'écrire, même quand il s'agit de scènes que je préférerais ne pas si bien visualiser (la faute à tes mots!)
Merci de ton passage..
junon
Merci Mathieu !
· Il y a plus de 12 ans ·Jean Louis Michel