Fucking Good, Bitch

fabiolam


Fucking good, Bitch. Aujourd'hui, j'ai dix-sept ans et je sens la musique. Je me laisse aller en à peine quelques secondes. Il fait soudainement chaud et j'ai la fièvre. La fièvre du rock qui me fait suer comme un maniaque dans la fosse. Et la langue des Rolling Stones glisse sur ma peau. Elle flirte avec mon myocarde et titille toutes mes connections nerveuses jusqu'à me tailler la pipe du siècle. Je ferme les yeux et murmure les paroles en même temps que Mick Jagger. J'arrive à jouir en fermant les yeux. Je m'imagine la brume des cigarettes et l'odeur de l'alcool fort des studios d'enregistrements. Je parviens sans trop de peine à visualiser les partitions, valant désormais de l'or, éclairées par la lumière dégueulasse d'une lampe côtoyant les capsules de bières, les rails de coke et autres paradis artificiels. Sobre, la musique est moins aimable. 

Tu crois que même après mille et une écoutes, la musique t'appartient. Mais jamais tu ne peux la choper : belle à en crever, cette connasse commet l'adultère depuis des décennies. Sautant de génération en génération, tu te surprends à trouver Wild Horses dans le baladeur de ta gamine. La clameur des souvenirs et des grattements de guitare monte en toi comme des salves de sanglots. Ça te fait penser au temps qui passe... passe... passe : tu deviens décrépis, tu rapetisses, tu vois les bébés rockers débarquer. Tu étais à quelques concerts des Stones, mais les Stones, eux, n'ont pas vieillis. Les jeunes se déhanchent toujours autant sur les musiques de Satan. Ils connaissent par coeur Dead Flowers. Transgénérationnel. Ça t'émeut. Ça te fait chialer comme une gonzesse : I Got The Blueus. The sweet blueus... 

Mais finalement, le Beau dans la musique - avec un putain de grand B - c'est de savoir qu'elle sera toujours reprise mais jamais égalée. En réalité, je ne suis plus un adolescent et je réécoute Sticky Fingers dans mon bureau. En 1971 j'avais déjà dix-sept ans et j'ai pris trois résolutions dans ma vie : devenir rock-critique, appeler mon premier fils Keith et continuer de bander devant Sticky Fingers jusqu'à ce que la mort nous sépare.

On dit souvent que la musique adoucit les mœurs. Mais Sticky Fingers avait comme unique dessein de les pointer du doigt : il n'y aura pas d'after Stones pour les gamins des 70's. En bref, c'est l'histoire de quelques branleurs qui ont réinventé le rock'n roll : les plus belles découvertes se font souvent par hasard. Un médiator, des baguettes, une voix, quelques joints et parties de sexes plus tard, jailli de l'écume de la musique Stincky Fingers. 

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