Fumée
elisabetha
Fumée. Ce que fait ma cigarette, dans l'espace. Amertume légère, plaisir fugace. Ne penser à rien. Tracer du blanc dans le temps. Empreinte des lèvres. Fine caresse. Silence.
Fumée. Recommencer. Les mots, la valse des souvenirs, les mains nerveuses d'un homme ou d'une femme qui écrasent un mégot, triste de solitude, de lassitude. Toujours fumée, soif, faim, désert des sentiments, plaisir des secrets, échapper à la question: Et la vie?
Travailleurs du matin, crooners de la nuit, célibataires mariés à l'Ennui, lycéens en mal de ressemblance, adultes définitivement jeunes ,femmes douées pour l'attente éternelle, séductrices du deuxième âge.
Portraits, traits, ambiances, intérieurs, extérieurs, scénarios multiples. Fumées croisées d'amants heureux, fumées étincelantes d'amants clandestins, bars des dérives, rivages des désirs, fleuve des jours et des drames, fleurs des hasards incendiés.
Fumée .Comme un refrain. Le matin, espérance, petit moment à soi. Fuite douce, plaisir goûteux de la première bouffée. Deuxième cigarette, seconde seconde pour échapper à l'angoisse, se perdre dans la foule des individus ordinaires, sereinement malheureux. Dire merci aux habitudes, bonjour aux rituels, ne pas se démarquer encore. Plus tard quand on sera avec lui ou avec elle, serrés l'un contre l'autre, chauds de lumières étoilées.
Fumée sans destin, fumée sans dessein, fumée à tout va, fumée acerbe, solitude revenue, silence étouffant. Alors parler, parler, parler. Éteindre sa cigarette, s'étreindre. Renoncer à sa liberté, créer un autre soi. Comme une soie. Facétie. Finir. La nuit qui tombe. Les premières lumières. Les repas en famille. Les baisers respectueux. Les amants passionnés. Les nuits de pleine lune. Pierrot qui chante ses larmes
. Plus de cigarette. Le sommeil vous attend. Rêves en cascades, grand manège de l'inconscient. Un dernier murmure encore. Un souffle qui décroit, mais un souffle de vie.
Fumée, demain, un souffle. Un souffle de vie, de souvenir, d'envie.
texte à encadrer , très beau très fluide très sonore
· Il y a plus de 9 ans ·Christophe Paris
ah c'est bien tu l'as lu à haute voix?
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha
je savais bien qu'il y avait moult raisons à ne pas s'arrêter de fumer. beaucoup d'élégance dans ce que vous écrivez
· Il y a plus de 9 ans ·seb365
merci. Je suis toujours sensible à de nouveaux lecteurs. J'ai fait l'effort de leur plaire, donc je suis heureuse s'ils en sont touchés.
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha
je l'aime bien cette pensée là... du bon rythme qui pourrait donner un grand slam...
· Il y a plus de 9 ans ·Apolline
tu as raison je l'ai slamé(mais pas récité en lisant) il y a plein de rimes entre les soupirs du silence. Merci de ton commentaire.
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha
J'adore le thème et il est si bien traité !
· Il y a plus de 9 ans ·Mélanie Courtois
La cigarette des solitaires, réelle ou non dans nos bouches.. J'aime beaucoup vos mots comme toujours, que de délicatesse et de force.
· Il y a plus de 9 ans ·Pas vraiment fumeuse comme vous j'aime décrire l'effet de la cigarette, votre texte m'a fait penser à "Cigarette" de Saez ;-)
"mon amour quand tu tires,
quand tu fais brûler l'oxygène,
quand tu fais du bien dans la veine,
quand tu consommes et tu consumes,
quand on parle avec Dieu,
quand de nos feux c'est l'extinction
de l'incendie à l'horizon,
quand j'ai plus le choix que m'éteindre, rallume-moi,
rallume-moi, rallume-moi, rallume-moi."
mamzelle-plume
merci de ce partage. C'est assez proche au moment de l'extinction des feux.
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha