Georgette au rendez-vous obligatoire de la médecine de travail

Je vais bien je vous dis. Stressée ? Pas de tout. J’adore mon travail. Cela fait sept ans maintenant que je suis auxiliaire dans un cabinet dentaire, une vraie carrière ! Vous vous rendez compte le nombre de prothèses qui sont passées entre mes mains ? Le mélange de pâte, suis une pro, l’aspirateur de salive n’a plus aucun secret pour moi. Non, je n’avais pas pensé à suivre une formation pour évoluer dans ma carrière. Je ne manque pas d’ambition, non, mais avec quatre enfants, auxiliaire, ça me suffit.  Quatre enfants, oui, et en bas âge. Le plus âgé a trente sept ans, enfin, celui-là c’est mon mari. Ce n’est pas qu’il refuse de m’aider à la maison, mais souvent j’hésite ; c’est plus rapide de laver nos trois enfants, que la salle de bains, quand il se donne à la tâche. J’insiste, je ne suis pas en surmenage, je préfère être sur-de-mon-ménage. Je me porte bien ! ça n’a pas l’air ? Pourtant je mange équilibré, enfin, quand j’arrive à manger. Vingt minutes, oui, j’ai vingt minutes de pause au cabinet, ça suffit largement. Je garde la ligne, moi ! Faut voir mon patron ! Il se tape des entrecôtes frites tous les midis, je te dis pas les bourrelets. Comment ? Il faut prendre le temps de vivre ? Mais c’est ce que je fais moi ! Je consacre deux heures tous les jours rien que pour moi. Oui, deux heures, voire plus si le métro est en retard. Je fais des mots-croisés en traversant les banlieues, ça me détend. Oui ça me détend ! Puisque je vous le dis ! C’est comme le camping, des moments privilégiés avec Marcel et les enfants, la pétanque, les soldes chez Kiabi. Vous n’avez jamais fait les soldes chez Kiabi ? Mais vous plaisantez ! C’est très bien pour le moral, vous devriez essayer. Bien sûr que j’ai la carte privilèges, suis une femme futée, moi, je me suis même abonnée à leur newsletter. Je vis avec mon temps ! Comment ça je ne suis pas une femme moderne ? Mais j’adore mon boulot moi ! Je devais changer de vie ? Non mais vous avez vu l'état de vos dents ? Je sais reconnaître un besoin de détartrage en un clin d'oeil. Et ça c'est la preuve d'une réussite professionnelle, voyez ! Je peux avoir dix pour cent de réduction pour vous. Enfin, si vous arrêtez de m'énerver, parce que vu comment c'est parti... Vous avez dit... vous voulez simplement m'aider ? Manquait plus que ça ! La médecine du travail n'est plus ce qu'elle était. Venez pas avec vos conseils tarabiscotés, heim ? Si je connait Paulette ? Non, ça me dit rien. Enfin, j’avais une voisine dans le temps qui s’appelait comme ça, mais je pense que vous ne parliez pas d’elle non ?