he-ho

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HE-HO

                            Hé, ho, il y a quelqu’un ici ? Bon sang, j’ai traversé toute la ville  et je n’ai vu personne.

                            Là-bas, au coin de la rue, je vois un écriteau ‘’commissariat’’, et ce truc là est ouvert 24h sur24, comme France Inter. Les flics d’habitude, ils sont toujours là, sauf bien sûr quand on n’a pas besoin d’eux, et ça tombe bien aujourd’hui je n’ai vraiment point besoin d’eux ; je veux simplement voir quelqu’un de vivant : il n’y a personne dans ce patelin.

                            Tiens, un poste de téléphone, une cabine de douche sans eau chaude et sans pomme d’arrosoir, je vais essayer d’appeler un numéro au hasard, parfait : il marche ou plutôt il fonctionne, c’est pas comme d’ordinaire, il faut refaire le satané numéro une bonne dizaine de fois et après être passé par un tas de sonneries bizarres qui ne sont même pas reconnues par les P.T.T… Bon cette fois-ci ça sonne mais ça ne décroche pas. Je vais tenter un nouveau numéro, bof, c’est du kif, pourtant celui-ci je le connait, c’est le numéro d’une célèbre station de radio : on gagne 50000 balles quand on l’informe d’un scoop inédit. Et là, j’en est une ‘’kommack’’ d’information, j’ai même l’impression de me balader dans un vieux décor de western un jour de grève des machinos. Personne non plus, les bagnoles sont figées au carrefour et tous les feux clignotent en position ‘’détresse’’. Ma parole, pas possible, ils dorment tous, sont partis faire une sieste mémorable.

                            Moi, j’arrive de ma province natale ; on m’avait dit avant mon départ en ville il ya plein de monde  et bien je n’ai encore vu personne, et puis pas un seul bruit, pas un piaf qui chante, pas un clébard aboyant, rien : le silence, c’est très perturbant, déstabilisant.

                            Bon, d’accord, durant le voyage, je me suis arrêté et j’ai trop bu avec les désœuvrés des transports en commun. En bref, j’ai récolté une musette, ha mes aïeux ! Une comme ça, ça vous file un bal dans la tête où les cuivres s’en donnent à cœur joie, ça ne s’oublie pas et pourtant je ne me rappelle de rien. Je me suis réveillé dans une caisse métallique, plomb je crois, vu le poids du couvercle, sur le quai de la gare de marchandises. Comment je sui entré là-dedans, je n’en sais rien, mais bon dieu que cette saloperie de couvercle était lourd quand j’ai voulu en sortir, j’y ai laissé toutes mes forces et toujours personne pour m’aider. Enfin, maintenant je suis parfaitement dessoulé, frais et dispo, je ne vois plus double et je marche droit à faire plaisir à un juge de paix, pourtant j’ai le fort sentiment d’être dans un cauchemar post éthylique.

                            Hé, ho, il y a quelqu’un ici ? Mince c’est un peu gros, alors même au bistrot du coin : pas un chat, ni une chatte bien mignonne fardée comme un clown, arpentant le boulevard en ondulant des hanches aux cardans super huilés : c’est tout à fait normal que les chats soient absents car ici on ne sert pas de lait. Ni un pékin, pourtant ce n’est pas les jaunes qui manquent sur cette terre ? Assez rigolé, je me sers un godet, je laisse 100 balles sur le comptoir en zinc et je me casse.

                            Hé, ho, il y a quelqu’un ? Personne au super marché et pourtant, ici, il s’y passe toujours quelque chose, selon la publicité racoleuse tapinant à tous les coins de rues. Pas même une caissière, ni le mec à l’entrée qui vous mate soupçonneux pour voir si votre portrait n’est dans les habitués de la roulotte. Une journée comme ça ferait le bonheur des loubards de banlieue ; un magasin sans caissière, quel rêve mes enfants !!! Je suis peut-être au paradis après tout !!!Ca serait bien ma veine, me retrouver seul au paradis, c’est pire que l’enfer cette histoire. Je ne suis sûrement pas complètement blanc, j’ai du pêcher au cours de ma jeunesse.

                            Bon, faisons le test. Pas une tire, je prends la bande blanche centrale au milieu de la route et je marche en fermant les yeux, oui, je suis très pudique. Ben oui, je marche droit. Sur les Champs Elysées, pas un quidam, même dans la guérite du planton au palais présidentiel, on y entre comme dans un moulin, faut dire qu’ici on en passe des choses et des gens à la moulinette et c’est aussi un réel moulin à paroles de putes.

                            Même le métro est désert et  pourtant il est 6h du soir. Les rames automatiques circulent mais personne dedans, pour la première fois je vais être assis en première classe entre 17h et 19h, c’est le rêve, l’extase, le pied, un panard inimaginable !!! Oui, je rêve, c’est sûr, j’ai beau me pincer je n’arrive pas à me réveiller et c’est tant mieux. Je suis si bien dans cet état, je préfère ne pas savoir si je rêve, je verrai à la fin de mon aller sans retour.

                            Hé, ho, il y a quelqu’un ? Je suis maintenant à la chambre des députés, normalement c’est gardé  jour et nuit pour éviter toute tentative de fuite de ces têtes pensantes et bien mes potes, c’est vide comme le crâne d’un présentateur télé. Dans ce haut lieu de la parlotte, on n’entend rien, c’est vraiment formidable et majestueux : il y a beaucoup de silence pour rien. C’est extra, pas une connerie, pas une insulte, rien. Ce n’est déjà pas passionnant habituellement même avec un perroquet comique au perchoir, là, c’est désolant, le reflet exact de la triste platitude du travail de ces parlementaires gonflés à l’autosatisfaction et à l’hélium du bourrage de crânes. Pas supportable, je me casse.

                            Hé, ho, il y a quelqu’un ? Ouf, je vois enfin un gus au bout de la rue, hé, ho, attendez !!! Mais il ne bouge pas, immobile tel une statue, une moule sur son rocher, un bonze en méditation, je coure vers lui, hélas déception : c’est une affiche publicitaire collée au mur aguicheur.

                            Hé, ho, il y a quelqu’un, je commence à paniquer. J’ai la trouille, des sueurs dans le dos et les mains moites.

                            Moi, tout seul dans cette grande ville désertée, complètement perdu, aucun pigeon perché sur les toits ou planant  et roucoulant sur les corniches des monuments, pas un toutou levant la patte le long des murs et des réverbères : je me retrouve au cœur d’un Sahara de béton et d’asphalte, arpentant les avenues d’une forêt aux frondaisons de crépis crasseux percés de trous d’un noir angoissant.

                            Je cueille le dernier journal au kiosque, non pas de match sportif, ni de meeting politique important, pas un seul concert de pop ou de rock ainsi qu’une rave partie dans un terrain vague, rien de particulier dans ce canard…si…tient…une rubrique en dernière page, une brève de dernière minute dans l’anonymat des infos fourre-tout :’’Risque de danger de guerre atomique’’.

                            Hé, ho, il y a quelqu’un, je hurle tout à coup dans les rues, il y a quelqu’un : JE SUIS LE SEUL SURVIVANT.

  • Le style est fluide et cohérent tout du long. Un texte très très familier, oral, même, parti pris totalement assumé, et bien écrit.
    En revanche, et c’est une histoire de point de vue, donc ça vaut ce que ça vaut, je n’adhère pas du tout aux images employées, qui ne me parlent pas pour la plupart, et du coup, ça me gâche un peu la lecture.
    Mais par contre, la chute est géniale, et ça, ça rattrape tout ! bravo !

    · Il y a presque 12 ans ·
    Logo bord liques petit 195

    octobell

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