Hong Kong ou Une connerie à la minute, une idée au gramme

koss-ultane



Hong Kong ou Une connerie à la minute, une idée au gramme

« Le souci des pauvres est la survie, celui des riches l’inutilité ».

George Bernard Shaw avait diablement raison mais avait omis une catégorie croissante en nombre et capacité de nuisance en ce monde n’ayant jamais compté autant de riches : les « femmes de ». L’histoire vraie, devenue légende urbaine en Asie, de ce diplomate occidental a laissé une trace dans la conscience collective des « soleils levants », de ses brides aux yeux et sa cire au teint. Ne sachant rien foutre de ses dix doigts et trois neurones, puisqu’ayant autant épousé la carrière de son mari que celui-ci, elle décida de parcourir l’immense territoire hongkongais. D’autres « femmes de », regroupées en gang autour de leur centre névralgique « Théières et petits fours », saluèrent la nouvelle arrivante en lui vantant l’incroyable exotisme d’un vieux magasin chinois de Chine implanté depuis toujours à Hong-Kong puisqu’avant l’empire grande-breton, ici, c’était déjà la Chine !

Il y avait donc du mandarin au milieu de tout ce cantonais et ces cancans.

Un jour, n’y tenant plus de faire des ronds avec sa bouche et du vide avec sa tête, la belle vaporeuse s’élança d’une banquette en retrait de son chauffeur dans les dédales de rues du quartier Wan Chai. Son petit carnet de croquis dans une main, afin de se faire mieux comprendre du plus arriéré des autochtones, et son courage dans l’autre, l’éthérée s’avança seule sur une bonne trentaine de mètres en pleine ruelle grouillante de distingués Britanniques et autres indistincts. Quand soudain pâte à tarte ! Tout s’éboule sur la belle poule en foule. Le magasin est clos, fermé, éteint, hermétique malgré ce que les autres lui avaient juré. Mais la gourdasse en pleine mélasse fut touchée par la grâce au milieu de la populace. Elle n’était pas venue dans un endroit crasseux pour rien et léchait la vitrine contre mauvaise fortune bon cœur. L’échoppe avait son cachet et la cliente son cacheton. Quelle torture quand on avait picaillons à foison de ne pouvoir acquérir du tout plein mignon ou du machin « à la con » à portée de moignon !

Quand soudain bis ! Oui, nouvelle stupeur-ce texte n’est pas dénué d’une certaine violence-la diaphane, pauvre en octane, fut chamboulée par la beauté d’un zigouigoui affiché à même la porte. Lâchant ce courage prit par la main quelques minutes plus jeune, elle saisit son stylo et recopia à même la rue, langue tirée d’application, cou tordu de résolution, le magnifique sigle frappant l’entrée muette et sombre. De retour au foyer, elle oublia totalement cette trépidante aventure. Quelques semaines plus tard, comme quoi le destin, son mari lui demanda ce qu’elle désirerait comme cent-vingt-huit-millième cadeau. La belle fronça fronton, demanda délai de réflexion, essora quelques sachets de thé entre congénères et revint avec la proposition d’un seul bijou mais unique ! Du sur-mesure pour sa démesure.

Quoi d’autre poser sur une déesse sinon un gyrophare afin d’être remarquée de loin et distraire le badaud d’une ligne de carrosserie discutable ?

Quand soudain ter ! L’apprentie vigie grande dame se souvint de son esquisse à pied et main levés au milieu d’un monde éberlué par tant d’à propos. Le plus grand, car unique lui aussi, joaillier de la ville-colonie fut sollicité afin d’enfanter le chef d’œuvre. Plusieurs semaines durant, il « joailla » dans la joie et de la perle rare se délivra. Large pendentif ultrafin, en or dix-huit carats comme il se doit, accroché à un collier plat et ténu comme un poil de cul, le « truc » se signalait sur la poitrine de la belle tel appel de phares dans un bain turc. La soirée du gouverneur s’annonçait, le diplomate hésitait entre une boîte de douceurs et son épouse à offrir en pâture au monde mais décidait de garder les chocolats pour la bonne bouche : la sienne.

Les sucreries et la caravane passent.

A la date fatidique, il emmena donc sa créature originelle affligée de sa création originale et, à son bras, déboula dans le fatras des falbalas et cancrelats. L’avant-scène de l’obscène aurait guidé les navires en détresse jusqu’au port en eau profonde un soir de tempête sans lune tellement il était or, luisant, imposant sur son lit de gorge et poitrine. Impossible de manquer ce carré de métal ouvragé de trois pouces sur trois et deux seins en soutien. Jamais elle n’avait autant levé le menton, afin de ne pas faire d’ombre à son plus bel atour, depuis la partouze chez les Martin-Bernard. Et sans avoir à s’agenouiller cette fois-ci ! Il y avait là mélangées en salade toutes les huiles et grosses légumes du mouchoir sino-rosbif. Les Occidentaux levaient les yeux au ciel à la contemplation de ces nichons sous parure quand les Orientaux fuyaient à l’air libre achever de passer la meilleure soirée de leur existence à coup sûr luttant contre la sismique des fous rires et sa corollaire incontinence. S’étonnant de cette brusque scission des races à l’arrivée de sa blonde, un érudit ne put s’empêcher de renseigner la dinde et le dindon sur la farce et toutes les petites patates autour : « Madame, se désenroua-t-il, je ne sais pas quel esprit chagrin, ou crétin mal intentionné, a eu l’idée de votre bijou, mais ces forts jolis idéogrammes mêlés signifient :  C’est en travaux par devant, veuillez passer par derrière ». Le monde s’esclaffa, la petite assemblée se désagrégea, la blondasse du nez piqua et le diplomate on rappela.

Alors, si buveur d’eau comme moi, vous ne savez jamais apporter quoi à une soirée de connaissances ou pas, rabattez-vous sur la boîte de chocolats car la bêtise en ce monde s’écrit aussi « plagiat ».

  • J'ai bossé quatre ans en Asie. Ouf, j'ai échappé à ce genre d'idéo-drame!

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

  • Jolie démonstration, style très net, quelques phrases cultes en plus,
    ça raye, raille, ça mord et c'est drôle.

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    Christophe Paris

  • un certain talent de conteur ... bravo pour les allitérations multiples et bien placées

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    woody

  • Je l'avais lu aussi (pas commenté mais lu).
    Les barrières de la langue peuvent déjà être terribles, alors celles de l'écriture deviennent carrément formidables :-)

    Par contre, j'avoue ne pas avoir capté l'allusion dans la dernière phrase...

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    wic

    • "Plagiat" parce qu'elle a recopié sans comprendre. "Mieux vaut ne pas monter bien haut mais tout seul" (Tintin au Tibet ou Herzog... sais plus)

      · Il y a plus de 10 ans ·
      Droopy bogie orig

      koss-ultane

  • Comme c'est bon ça !!
    J'adore l’acidité du thon...ou du ton, au choix, la cruauté incisive de la plume et la morale, très bien vue.
    C'est âpre et savoureux...
    CDC

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    lyselotte

    • Merci... pour le thon... j'aurais préféré tréteau...

      · Il y a plus de 10 ans ·
      Droopy bogie orig

      koss-ultane

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