Jeanne
Juliette Delprat
J'avance, la Danse Polovtsienne de Borodine m'accompagne. J'assiste au plus beau spectacle qui soit ; le lever du soleil. Dehors il fait froid, les arbres nus ne laissent apparaitre que des branches biscornues qui semblent se tordre de douleur sous la gelée.Le soleil innonde de lumière jaune orangée toute cette blancheur, tout devient ocre et lumineux; j'assiste au réveil du monde. Le premier mouvement de Borodine est une douce mélodie qui resemble étrangement au réveil d'un enfant encore fiévreux de sommeil dans son lit, à l'étreinte que des bras aimants lui offrent pour le sortir de ses rêves, à un baiser tiède déposé sur un front lisse et une joue dodue. La nature se réveille, je suis réveillée depuis des jours.Et toi, Jeanne? Tu ne te réveille pas de ton lit chaud d'enfant. Tu dors dans ton linceul polaire. Chaque matin je me demande combien tu as froid, combien Borodine ou le soleil peuvent cajoler ton coeur glacial au fond de ton trou. Mais le second mouvement arrive déjà et le troisième aussitôt et des sentiments étranges se mêlent: c'est l'incompréhensible danse de la vie, les tambours, les percussions, toute cette cacophonie de douleur, de colère, de tristesse...Oui tout ce néant lancinant qui me ronge. Jeanne toi ce qui te ronge, je le sais...c'est la vermine. Jeanne tu n'es pas une étoile dans le ciel, foutaise, Jeanne tu es un petit corps inerte dans un bel écrin blanc de bois, ta tête repose sur un coussin de satin blanc qui ressemble à la ouverture glaciale du dehors, de tout ce qui t'entoure mais que tu ne verras plus jamais...Et moi je reste là à me demander combien de temps ta boite restera blanche, combien de jours, de mois, d'années il faudra pour que toute cette vermine qui s'est ruée sur toi te mutile. Que vont devenir tes cheveux aussi blonds que le soleil ? Qu'adviendra t'il de tes grands yeux cachés derrière tes paupières à jamais closes ? Et ton sourire Jeanne? Comment vais je faire pour ne pas l'oublier ? Est ce là mon dessein de te redessiner chaque jour de mes pensées pour que jamais tu ne sois abîmée ? Chaque nuit Jeanne je lutte, je m'acharne pour qu'aucun atroce insecte ne vienne dévorer ta petite chair d'angelot. Mais combien de nuits encore pourrais je lutter ?
Tiens, Borodine envoie son Allegro. Le tourbillon de la vie Jeanne, la vie sans toi.
Jeanne, je suis égoiste et lâche. Jeanne, j'ai peur et je ne vaux rien. Jeanne je ne mérite pas le souvenir de ton sourire et de ta petite voix aigue, ni même celui de tes yeux bleus azurs qui découvraient avidement le monde que tu étais, que nous contruisions avec toi, pour toi. Parce que tu sais Jeanne? J'aurais aimé Jeanne, ne jamais te connaitre. Pardonne moi Jeanne, trois ans c'est si peu et c'est une éternité; trois ans qu'une vie ne suffira pas à effacer...
Amélie, merci de me faire redécouvrir ce texte qui résonne si fort. Tu m'avais déjà parlé de Jeanne, et l'hommage que tu lui rends, la force que tu déploie pour qu'elle reste intacte émeuvent et déclenchent toute mon admiration. Jeanne, là où elle est a du sentir ton souffle d'amour, ton souffle de vie, pour que jamais elle ne disparaisse. Tu as du talent, Juliette, reviens nous vite, fais nous palper tes mots, fais nous tressaillir de tes émotions.
· Il y a plus de 12 ans ·valjean
Jeanne; je porte en moi la même colère que toi depuis le départ de jeanne,3 ans. Pour moi rien ne peut justifier une telle injustice et je ne crois pas en un autre chemin....
· Il y a presque 14 ans ·Borodine,pour moi comme (presque )tous les compositeurs slaves excèle dans la suscitation de sentiments forts et contrariés...c'est une musique qui émane du coeur, une musique "Brute" et pure
Juliette Delprat
Ton texte me touche en plein coeur car tu y répète ce prénom qui est également le mien, Borodine et les danse Polvtsiennes ont bercées toute mon enfance...sentiment étrange que ton texte, qui me bouleverse et me met tellement hors de moi de colère, la mort est injuste...il faut voir les choses autrement pour aller au delà de cette colère intérieure ; se dire que quelque part cette petite Jeanne continue son chemin, un autre chemin pour une autre existence...j'en suis certaine
· Il y a presque 14 ans ·Jeanne S.
Merci pour ce partage très émouvant...
· Il y a presque 14 ans ·Edwige Devillebichot
Tes mots sont rares et précieux Juliette. Un texte très bien écrit d'une sensibilité extrême...Bravo !
· Il y a presque 14 ans ·leo
Extrèmement touchée!
· Il y a presque 14 ans ·meo