Jouer avec les pingouins

Christophe Paris

Visite d’un zoo au milieu d’une jungle que l’on nomme Paris.


Après vingt minutes d'attente je bénis le badge de mon job de me laisser renter pour zéro euro. Ouf, c'est quand même 22 pour les grands vieux et 16.50 pour les modèles réduits. Réflexion faite, et après avoir branché la moitié des soigneurs, le trauma n'est que passager laissant place au plaisir qui lui n'a pas de prix.
Observer ces animaux visiblement heureux, ravive votre âme de gamin pour quelques heures. L'endroit est splendide à tous points de vue surtout celui des animaux. On les sent chouchoutés et bien dans leurs pelages. Je commence la visite en sens inverse. Esprit de contradiction certes, lié à des parents contrariants, mais offrant l'avantage dans le cas présent de faire la visite avec moins de monde, 90% des visiteurs suivant l'itinéraire conseillé. J'approche de la serre tropicale, véritable arche de Noé futuriste et découvre un félin juste sublime. Je reste scotché quelques minutes à tel point que j'en oublie son nom. Je me dis que la serre va me remettre à niveau et vlan. Une brume en chaleur gorgée d'humidité, des plantes tropicales à plus de dix mètres de haut, on comprend la démarche. Immersion totale, masque,  tuba, c'est parti.
Des aras volent au-dessus de vos têtes en toute liberté, se piquent les plumes des fesses en braillant dans tous les sens. C'est la balade d'Indiana Jones. Elle est où la location de coupe-coupe ? Au milieu de ce vaisseau de débauche verdoyante je chemine entouré de petits oiseaux rouge volcanique complètement barrés qui virevoltent au milieu des quidams façon patrouille de France sous L.S.D. Des fleurs tout droit sorties d'un film d'héroïc-fantasy vous dévorent les pupilles. Stupéfiant. Je transpire comme un marathonien, pourtant je ne cours pas, je traîne même. Traîner, temps de l'enfance ou tout peut attendre. J'ai plus les mêmes yeux, mon cœur redevient celui d'un petit d'homme devant ces énormes tamanoirs aux  si denses fourrures se délectant de leur repas du jour. Je fonds en guimauve devant ces singes tamarins si craquent. « Dis Monsieur ça s'achète à l'intérieur du dedans de ta boutique ? ».
D'un coup je prends peur, je sens qu'on me contrôle, je me retourne, c'est le serpent chien. Waow ! Il me fixe comme Kâ le boa du livre de la jungle et s'avance lentement, moi aussi. Il colle son nez à la vitre, moi aussi. Intense. Je suis dans ses pupilles, mes poils se hérissent. Les larmes, telles un venin brouillent ma vue, je suis mordu. J'ai chaud, je bois avant le boa. A mes pieds, collé à la vitre peinard, et pas du tout effrayé par ces mômes qui testent la résistance de la dite vitre. Je passe une fougère qui traverse le chemin en digne aventurier devenu, et découvre le lamantin. Grosse vache sous-marine qui ressemble à s'y méprendre à un rocher posé au fond de l'eau attaqué par la mousse et les algues. Impressionnant le bestiau. Je continue mon trekking tropical entre mygales et crocodiles, singes et lémuriens, toucans et aras et tant d'autres espèces typiques de ce climat.
Sortie. Le panneau « Merci de bien refermer cette porte » me ramène sur le vieux continent. Le soleil tape, début de fin de journée, lumière dense et légèrement dorée, ombres en début de stretching, je suis ébloui. Comme avec ce Jaguar noir dont pourtant les sombres tâches restent visibles. Noir velours sur noir encre de chine aux yeux brillants comme deux pleines lunes. Je suis re-scotché pour un bon bout de temps, si ça continue j'vais bouffer un rouleau. Je déambule d'enclos en enclos aux grillages discrets et aux excellentes baies vitrées disposées sur plusieurs axes permettant une vision optimale de l'animal tout en lui permettant de se planquer en cas de grande timidité. On n'a plus peur du loup il est dans sa tanière et on se fend la poire avec les gloutons étrangement situés à côté d'une baraque à sandwich… Arrive son altesse le Lynx, si parfait. Quelle beauté, quelle classe de félin avec ces yeux entourés de blanc divin. Je ne suis plus scotché, je suis collé, mais à la vitre. J'ai envie de pleurer de beauté, je n'ose pas… y'a des gens. Je bascule du coup et vire à droite en direction de la serre aux flamands roses et 15 autres espèces d'agités des ailes évoluant en toute liberté et sans scrupules au milieu de vous. La sensation de bien-être est immédiate. L'immersion est totale, poétique, onirique même. Cette mare d'un vert émeraude si dense traversée d'envolées qui vous passent à 15 centimètres des épaules, têtes, genoux, enfin de partout pour peu qu'on y séjourne un temps, est une véritable réussite paysagiste. On y est, c'est-à-dire ailleurs, là-bas, loin très loin. Les flamands braillent et font des petits pendant que d'autres volatiles se tirent la bourre en rase-motte ou pleine lucarne. Je ne suis pas scotché mais cloué sur ce chemin de planches à voir tout ce petit monde s'arranger en harmonie. Magique sensation d'être dans un conte de fée. Bel exemple de fraternité que nous devrions suivre nous les bêtes humaines. Une fois échappé de la volière et encore encharmé, je quitte le paradis pour les enfers. Je suis déjà bien cuit et me voilà devant les vautours qui m'auscultent d'un regard de Tyrannosaure. Ces pas des titis de gros minet, l'envergure peut atteindre 2m60, mais même les ailes pliées il fait toujours pas titi le zoziau. Je passe aux loutres mais elles n'en sont pas d'accord et se cachent.
Intérieur. Traversée du vivarium. Les vitres sont bien achalandées de visiteurs et moi je ne suis pas un maousse assez costaud pour lutter. Je ressors donc, mais fier d'allure… En quelques pas je tombe amoureux des plus beaux yeux jamais croisés dans ma vie. Elle est magnifique avec ses grandes amandes surmontées de si longs cils qu'aucun mascara ne saurait les égaler. Sa tête à mes pieds, elle s'approche élancée et lascive, lente et élégante, cette maman girafe qui veille sur son girafon d'un mois. Le point de vue en contre plongée magnifie la gracieuse femelle, on s'agenouille pour mieux croiser son regard et le cœur bat fort. Aussi fort qu'avec les lions flemmards, le rhino blanc pas si blanc, les oryx aux couleurs d'îles flottantes, les addax tout relax et la bande de drôles de zèbres, tous logés a priori grand luxe sur de belles surfaces. Soudain j'entends des cris, mince les babouins j'ai failli les rater, demi-tour, ça m'apprendra à faire les trucs à l'envers.
trente six énergumènes tous âges confondus, sur un décor de troncs et cordes du plus bel effet. Ça sent l'art contemporain. Pourtant ici ça ne chuchote pas, ça s'agite, ça joue, se bouffe les puces ou le bec, se chamaillent. En ce moment c'est l'adultère d'une femelle qui fricote avec deux chefs de clans opposés qui défraye la chronique. Du coup les deux mâles ont des rapports plus que virils le tout avec des fesses aussi rouges que les miennes après une chute en skate. Le puma me fait la gueule, du coup je passe aux pingouins. Pur bonheur. Si vous avez des kids ou si vous n'en avez pas faites vous-même ce qui suit au risque de passer pour un débile dans un premier temps et un spécialiste des manchots dans un second. Le bassin permet des vues sur et sous l'eau sur une grande longueur. Mettez-vous d'un côté et courez à fond en allers retours. Les pingouins vous suivront dans chaque course comme votre ombre, vous filant le train dans des virages à la limite de la physique aquatique. Du fun pour vous et eux aussi, ils adorent ça ! Au début tout le monde vous regarde effrayé ensuite tout le monde vous imite. On passe aux lions mais de mer cette fois dans un joli bassin avec trois grandes baies vitrées. Quatre torpilles furtives déboulent dans tous les sens ou posent leurs couennes sur les rochers échaudé de soleil. Choisissez la vitre au bout du bassin vous les verrez foncer sur vous en une sorte de feu d'artifice sous-marin dans un bouquet final de demi-tours explosifs sur le dos, nageoires en pleine ouverture et regard droit dans vos mirettes. ôôôôôôôôh bô. Il est l'heure de renter, le vigile souriant mais déterminé me demande de rejoindre la sortie. Je salue les émeus et les lamas et passe devant le restaurant où les serveuses plient bagages. Le voyage est terminé fini les culottes courtes je repasse en mode adulte avec une petite étincelle en plus dans mon regard et une grande flamme de bonheur dans le cœur.

  • J'y amène ma petite Irina la prochaine fois que je vais à Paris…

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Avatar

    nyckie-alause

    • bon alors le coup des pingouins ça marche tip top si y'a pas trop de monde, prévoit un tee-shirt de couleur vive ou un objet brillant ou clair il te suivent mieux, je te souhaite d'y passer un bon moment les fauves et loups c'est plutôt en milieu fin d'après midi que tu les vois, serpents renseigne toi auprès sur les jours de nourrissage , impressionnant, et dans la serre tropical avec un peu de pot tu peux récupérer des plumes de haras et autres perroquets qui évoluent en pleine liberté, bonne visite donc et merci encore pour toutes tes lectures, ainourmes bijes !

      · Il y a plus de 9 ans ·
      P 20140419 154141 1 smalllll2

      Christophe Paris

  • magnifique merci pour la visite ça réchauffe le cœur en effet

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Laure cassus 012

    Laure Cassus

  • Excellent. Vrai de vrai le jeu avec les pingouins? :p

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Cat

    dreamcatcher

    • ah oui je déconne pas marche super bien vraiment mais il ne faut pas qu'il ait trop de monde en même temps sur le spot. merci pour ta lecture et tout et tout. Bijes

      · Il y a plus de 9 ans ·
      P 20140419 154141 1 smalllll2

      Christophe Paris

    • ça doit être trop drôle :p

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Cat

      dreamcatcher

    • voui !

      · Il y a plus de 9 ans ·
      P 20140419 154141 1 smalllll2

      Christophe Paris

  • Tu étais sur zoooorbite! d'enfance... Ara sans h Sinon cela ferait mal...Lol Bravo pour la visite à l'envers je fais cela aussi... kiss

    · Il y a plus de 9 ans ·
    One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

    vividecateri

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