JUILLET

marie-nat

J’entends ma sœur et maman qui débarrasse la table dans le jardin. Elles rient. Il fait très chaud en ce jour de juillet, pourtant mon cœur a froid, il grelotte, je me recroqueville sur mon transat. J’aimerais les aider, rire avec elles, j’en suis incapable. Je ne peux pas.

Une larme roule sur mon visage, puis une autre, et encore une autre, elles tombent en silence, sans faire de bruit. Une boule se forme au creux de ma gorge, c’est douloureux. Mon corps est engourdi, comme paralysé. Tu es parti, après m’avoir conté mille mots doux, des je t’aime…Tu m’as laissé là, en proie à une terrible tristesse, un énorme sentiment de frustration, l’angoisse de l’abandon, et celle de la culpabilité…elles me rattrapent toujours. J’essaye de  les canaliser, de les apprivoiser, j’y travaille.

Mon regard se pose sur une fourmi, je l’observe, elle tracte avec peine et courage une miette de pain deux fois plus grosse qu’elle. Elle avance lentement, avec force et courage. Je me dois d’être comme elle dans les jours à venir, je le sens, le pressens.

Mon père fait sa sieste à l’ombre du mûrier platane, les enfants jouent avec le chien, heureux.

Un oiseau déchire le ciel bleu azur, un vent chaud caresse soudain mes épaules nues, je repense à tes  mains sur moi, mon corps entier te réclame, une douce torpeur sensuelle m’envahit, je revois tes baisers tendres sur ma bouche, tes mains sur ma peau, suis parcourue de frissons…Je rêve…Je rêve que nous faisons l’amour, ça me rend folle.

Je suis posée là dans ce tableau estival, posée par erreur. Erreur de casting, je ne fais pas parti du film, suis hors champ. C’est une belle journée, mais pour moi il ne fait pas beau. Travelling  arrière…Je repasse en boucle les courts moments passés à tes côtés, tes mots qui roulent sur moi comme une mélodie, celle du bonheur enfin retrouvé.

Espoirs vains, happés, arrachés d’un coup, c’est violent.

…Pause, arrêt sur image, la douceur de ton regard…

Soudain un éclair de lucidité, n’est ce pas là le propre de ce que l’on nomme le cafard ?

C’est fini, terminé, ce n’était qu’un doux leurre, tu ne reviendras pas.

Je me hisse à regret du transat, je dois étendre le linge frais posé dans la corbeille à mes côtés. Elle est lourde, je courbe le dos. Je dois le faire, je peine à sortir les draps alourdis par le lavage, ils sentent bon l’assouplissant et la lessive, je porte le premier drap sous mon nez, je le hume, le respire et cherche une trace de ton odeur, une trace de nous, de nos derniers ébats : rien. De mes mains fébriles je le suspends au fil. Un bout de tissus noir dépasse de la corbeille, ma petite robe noire, celle que j’avais choisie pour nos retrouvailles, celle que tu aimais tant. Celle que tu m’as ôtée délicatement l’autre soir. Mes gestes sont lents car douloureux, je voudrais conserver ces souvenirs, ces traces furtives, éphémères. Chaque étoffe suspendue est un morceau de nous, les retenir, ne pas qu’elles s’enfuient dans l’air du temps, qu’elles ne s’échappent pas comme toi. Le linge vole dans le ciel, accroché solidement par les épingles à ce putain de fil, il nargue le vent d’autan, j’aimerais une violente bourrasque, qu’il disparaisse à jamais de ma vue.

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