La belle-mère

elyde

Elle cultive subtilement le chaud et le froid. Tout un art réuni entre les mains de démoniaque Jeanine.


“ Attend, j'embrasse mon fils d'abord !” claqua Jeanine. Le regard posé dans une autre direction que la mienne.

Je me ravise et remballe ma joue tendue en me décalant sur le côté, un bouquet de fleurs à la main, j'essuie mon premier vent d'une série sans nom. Je patiente et assiste à la scène où belle-maman embrasse de façon tragique son fiston chéri. Les larmes aux yeux, elle interprète son rôle à merveille et je me dis intérieurement que le séjour va être très long. C'est ainsi que se déroule cette première rencontre entre Jeanine, mère de mon mec, et moi la godiche humiliée.


Mais qui est Jeanine ?

La cinquantaine, elle fait forte impression. En femme dirigeante, elle commande tantôt sur son lieu de travail, tantôt à la maison. Sa toute-puissance ne souffre d'aucune remise en question. Et celle ( en l'occurrence moi ) ou celui-ci qui osera transgresser cette hiérarchie prendra une salve bouillante en pleine figure. C'est le genre de matrone qui pique pour ridiculiser, vous savez celle qui vous achètera comme cadeau d'anniversaire des vêtements de sport, sous-entendant peut-être que vous êtes un peu trop grosse et qu'il est temps de se remettre à une activité physique ! Mais plus que de le sous-entendre, le pantalon de gym sera deux tailles trop grandes ( juste un 48 quand vous faites un 44 ). Mais alors que vous croyez tenir votre vengeance, oui le débardeur qu'elle a pris avec et trop petit, vous lui signifiez fièrement que votre poitrine est plus imposante que ce qu'elle a cru. Et bien le sort s'en mêle, en magasin il n'y a pas plus grand que le modèle qu'elle a choisi. Vous voilà réduite à un amas de chairs ( que vous détestiez déjà ) molles, parce que vous êtes maintenant convaincu que tout le monde le voit.


Portrait chinois.

Frustrée de ne pas faire partie de l'aristocratie, Dame Jeanine est une somme d'éléments improbables. Maniérée à souhait, elle fait les “choses” car il est bien de les faire. Baskets et jeans sont à proscrire et la place de la femme se définit selon le guide de Geneviève de Fontenay et compagnie. Toujours bien assortie, les cheveux blonds et lisses donnent à Jeanine une sorte de physique de poupée de porcelaine que l'on voudrait bien jeter à terre voir si elle se casse en mille morceaux. En autant de pièces où elle a mis votre ego finalement.

Elle est le genre de belle-mère qui a un avis sur tout et qui surtout n'hésite pas à vous le donner même quand vous ne l'avez pas sollicité. Mais elle est aussi ce genre de personne qui ne vous félicite pas quand vous venez d'acheter votre premier appartement, peut-être parce que vous lui arrachez à jamais sa progéniture. Maintenant qu'elle sait que vous et fils chéri c'est du solide, il faut qu'elle se tempère un peu, pour ne pas se mettre à dos la descendance éventuelle. Pour coller au script, elle cultive subtilement le chaud et le froid. Tout un art réuni entre les mains de démoniaque Jeanine. Quand vous croyez qu'elle fait un effort pour venir vers vous, elle fait aussitôt deux pas en arrière vous crucifiant sur place.

Que dire de ses manigances dignes des plus grands dirigeants de ce monde. Quand pour les cadeaux de noël, elle vous offre un séjour au ski pour quatre, s'incluant d'office dans le voyage. “Ah bon, on ne peut pas décider de qui on invite ? Mais c'est pas un cadeau ça !” Mais mieux encore, Jeanine sait très bien que vous détestez la neige (bien sûr, vous êtes née dans le sud, source d'autres conflits d'ailleurs). Que faire alors ? Faire la gueule alors qu'on vous offre une semaine tout frais payés à la montagne, impossible parce que vous êtes quand même pas une ingrate. Vous souriez en avalant de travers votre salive ! Et là, il vous vient en tête des images de ce futur périple, confiné dans un minuscule appartement avec belle-maman. Vous vous surprenez en train d'imaginer son homicide ou lui collant du Scotch sur la bouche pour qu'elle la ferme ! C'est d'ailleurs sa voix mielleuse qui vous ramène à la vie. Vous vous éclipsez quelques minutes et vous repensez de manière ironique à la pub pour le papier toilette où Gilbert ne supportant plus sa belle-mère prend une pause aux WC. Isolé, il s'autorise un craquage complet et rejoue la scène de Rambo sur la musique “everybody is kung-fu figthing”. Mentalement à cet instant, je suis Gilbert ! Je veux crier, hurler, courir sans me retourner… mais je ne peux pas, dehors il pleut !


Belle-maman et mes pensées...

Vous pensez alors à tout ce qui va inévitablement vous lier à elle. Dans l'éventualité où vous vous marierez avec le fils prodigue, il faudra endurer la journée de la cérémonie en sa présence et entendre que ceci et mieux que cela, qu'untel aurait pu mieux s'habiller, que le repas n'est pas d'assez haut standing et que blabla. Mais que cela ne tienne vous suggérez à votre homme un mariage en très petit comité voire même un mariage à l'étranger. Voilà ce qu'il vous reste, des parades pour éviter d'être dans le radar de belle-maman qui vous met les nerfs en pelote en une vision.

Mais il y a mieux encore. Comme vous habitez loin, et c'est bien là votre réconfort et votre seule raison pour rester avec chéri, elle vous sort de butte en blanc que pour la retraite elle viendra s'installer près de chez vous, histoire de se rapprocher. “Quoi ? Non il n'en est pas question !” Vite il vous faut une autre riposte. Démunie, vous proposer à votre moitié d'opter pour un job où la mobilité est prioritaire. “Ouf !”, il est d'accord, à croire que lui aussi ne supporte plus sa mère.

Continuons dans les tréfonds de ma mémoire erratique. Imaginez un instant qu'à un âge avancé on soit obligés de l'héberger chez nous, déjà qu'à son âge elle est chiante, en vieillissant ce trait de caractère ne peut pas s'adoucir, bien au contraire. Elle sera une vieille rombière doublée de la plus sournoise des mégères à qui il faudra torcher les fesses. “Oh bon sang, j'ai peur…” Si tatie Danielle devenue Belle-Mère Jeanine emménage chez moi je finirai indubitablement en asile ou en prison.

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