La bête

clouds6

always the same.

Les lèvres sèches, comme un roc. Babines retroussées, depuis combien d'années déjà ?
Animale. Tendrement sauvage. La chair à vif, les nerfs à bloc. Remontée comme un coucou, prête à exploser de haine à toute heure. Ça sent la poudre, les tripes à l'air, mais qu'en a-t'on à foutre, on embarque pour la prochaine galère. Pas de retour, pas d'issue autre, plus de souffle.
Rien, rien, peut-être à peine l'acharnement.
Et mes mots s'emmerdent, mes maux se perdent, ta voix court dans mon crâne et s'emballe et s'en va. Tes cris stridents d'enfant résonnent. Dis bonjour à l'horreur, bonjour, même pas peur. Tu t'imposes et tu guides ta meute de fantômes. Qui, au nom du ciel et de tes yeux décolorés, implorent, que ta raison ne fasse plus de rage.
Fuit, fuit, vile salope. Sans cœur, sans foi ni loi.
Les ombres griffent et arrachent. Tu es désormais une bête blessée. Tu souffles entre deux reins. T'essouffles entre deux refrains. Car tu sais. Et ô combien tu le sais : l'horreur appartient aux éveillés.

Le soleil se lève et brille, se reflète sur les flaques de sang. Tout autant que ton macabre reflet mouvant.
Au simple son de tes hurlements j'en ai le cœur qui se tord et vrille comme un tube de dentifrice. J'ai longtemps cherché pourquoi ils tombaient si bien dans mes oreilles. Puis j'ai su. J'ai vu cet être dégoûtant que tu es dans mon miroir.

Alors j'inspecte ces membres vieux et frêles. Qui bougent, et tu bouges aussi. L'ombre passe dans mes rétines. Cette même ombre qui t'habite et t'habille. Je sens tes ongles sur ma peau. Je sens ton odeur, le poids de tes maux. Ils deviennent instantanément les miens.

Tous ces échos lointains sonnent trop perso.
Alors c'est cela, finalement. Ce partage de ressentiments fait de nous une seule et même entité. Un seul et même loup affamé, à l'affût. Nous ne sommes qu'un sous la lune. Qu'un. Aux entrailles qui brûlent. À l'aversion commune pour l'amour et la foule.

Une seule âme qui rôde et erre, désabusée, animée par le même démon intérieur.
Allons donc avaler l'ombre.
Nous ne sommes qu'un.

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