La Cuisine

blonde-thinking-on-sundays

Publié le 17 Mars 2013 sur http://blonde.thinking.on.sundays.overblog.com/ Texte écrit en atelier d'écriture

Affairée, piétinante, pressée.

Elle ouvre les placards, claque les portes sans y prêter attention, cherche le bol introuvable, peste parce qu'il est sale - "c'est celui-ci qu'il me fallait" - retourne le contenu d'une étagère - fracas de vaisselle - ôte ses pantoufles, monte sur une chaise, se hisse sur le bout de ses orteils, à la recherche du récipient le plus inaccessible, le corps tendu, meurtri par tant d'efforts... Elle s'obstine, déniche enfin le cul-de-poule usé qui fera le meilleur met, "les meilleures soupes dans les plus vieux pots".

Retour sur le plat de ses pieds, nus sur le carrelage glacé. Je frissonne. Elle expire très lentement, les mains sur le ventre. Silence. Elle se plonge ensuite dans la recette. Celle qui reste dans la famille et qui ne se passe que de femme en femme...

Je retourne à mes moutons. Je les fais gambader sur le bois de la marche d'escalier. Ils sautent les uns au-dessus des autres, se prennent les pattes dans les moutons de poussière. Tout s'accélère...

Les œufs cognés contre le bord en verre du cul-de-poule, larguent leurs bombes dorées. Picoti, picota. La poule aux œufs d'or a encore bien donné. Le jaune mousse sous une pluie de sucre. Il pleut bergère, je rentre mes blancs moutons et m'approche.

Mais la tempête arrive. De la farine par flocons... Fouette cocher ! Elle soupire, lâche le fouet, étire le bras, fait tourner ses poignets dans une prière, les mains jointes sous la poitrine. Elle souffle encore, se passe la main sur le front, fait tomber trois mèches de cheveux de son oreille. Je m'accroche à son tablier. "Pas maintenant crevette..." Sa tête roule sur les côtés. Devant... Derrière... Doucement. Puis un sursaut. Le fouet bat de plus belle et ne s'avoue pas vaincu. Sur le feu, les carrés noirs rendent les armes dans le bain-marie. L'odeur sucrée et gourmande envahit la maison et me fait mille promesses. Je tire sur le tablier, je trépigne et mes petits pieds fous dansent la gigue. Vous avez appris la danse, vous avez appris les pas... "Attends !" râle t-elle. Elle tourne alors sur elle-même pour se défaire de mon invasion. Impossible. Ronde folle. Excédée, elle plie les genoux, se met à ma hauteur, se plonge dans mes yeux et me fixe durement. Petite moue, nez baissé sur petits pieds. "Tu veux voir?" Pas le temps de répondre. Envolée contre son cœur, petite main sur son visage, de la farine sur sa joue rose...

"Un bisou alors !" Troc accepté.

Sourire chasse petite moue, baiser claqué, minois atterri sur le plan de travail...

Aux premières loges lorsque reprend l'étrange balai...


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