La dame noire prend les blancs (concours)
divina-bonitas
Ce soir, je laisserai sans doute un peu de mon âme, de mon énergie vitale au cours d'une séance très spéciale. J'ai bien prévu d'atteindre un niveau nirvanesque de plaisir intense.
Ce qui m'excite, c'est l'orgasme qui met la brasse, sème le trouble, laisse mes partenaires de jeu sur le flanc, transpirants, le regard trouble, la machoire tremblante, réclamant muettement des "encore", le corps tendu, le plaisir en attente.
Ce soir, je serai la figure de proue d'un bâteau de pirates, nue, exposée, comme sculptée à la machette de guerre, cheveux détachés, poitrine dardée, fardée, avançant fière, un poil apeurée au milieu d'eux. Je sais qu'il y aura Monsieur M, un narcissique, amateur de plaisirs pervers, obsédé par l'idée de franchir de nouveaux niveaux, Monsieur K, celui qui ne dit mot mais prend son pied tout seul plusieurs fois quand il me voit destabilisée, Madame G, l'anglaise, qui opinera du bonnet à tout ce que les mâles en présence diront, leur répondra en feulant telle une chatte découvrant la séduction, Monsieur R qui se léchera les babines en attendant son heure, celle où il passera des images douloureuses, puis un dernier, scientifique de profession, amateur de courbes pleines et de règles dures. Ils vont tous essayer de me prendre, chacun à leur façon, alors que je serai coincée, incapable de bouger, la British les encourageant d'un signe de tête et d'un sourire enjoleur.
Je me suis préparée. J'ai choisi ma jupe flamenco, la noire avec les volants, un haut assorti, moulant, sexy. Il ne faudra pas que j'oublie de mettre ma large ceinture de cuir boutonnée, ni mes mules de chevreau dont les talons claquent sur le sol. Je sais qu'en arrivant, ils vont se retourner, surpris, se demandant ce que je vais bien pu avoir imaginer pour les apâter. Au moins une semaine que je réfléchis, mets au point ma stratégie, invente des scénari. En plus, cette fois-ci, je serai seule, l'autre femme a renoncé à venir. Elle a eu beaucoup trop peur lors de la dernière séance, à moins que ce soit moi et ma langue agile, habile, qui l'ait fait partir. Je crois qu'elle ne s'est pas sentie de taille à entrer dans cette arène où se joue chaque fois une partie serrée, chaque tempérament en cherchant qu'à s'exprimer, avançant ses arguments sur le sol lustré. Je ne suis pas trop surprise. Il y a trois mois, elle n'arrivait qu'à se tortiller, était beaucoup trop contractée, semblait effrayée. Je serai seule pour les affronter. Mais moi, je suis armée. Cuir noir cloûté, pensées comme des baguettes de coudrier. J'ai l'habitude de me foutre à poil, d'être dévisagée, matée, contrariée, retournée, rabaissée. Je sais comment esquiver, faire semblant d'être conquise, le regard baissé et les chevilles croisées. Je suis très patiente. J'aime bien leur laisser croire qu'ils vont gagner, que je vais céder. Je me demande toujours lequel va se rendre compte le premier, qu'au strip-pocker proposé, c'est moi qui joue le mieux, que je sais m'effeuiller sans perdre le contrôle de mes émotions ni de mes connections cortexées, jouer le pute sans jamais embrasser. Chacun ses cartes, chacun son jeu. Je joue la dame des noirs sur l'échiquier. La baise, chez moi, c'est d'abord dans la tête.
Ce soir, je vais au conseil de classe de seconde du lycée. S'ils pensent pouvoir briser la destinée de 15 gamins sur 30, des enfants d'immigrés, en les envoyant dans des filières pros par défaut, il va falloir qu'ils me passent sur le corps avant. Leurs positions du kama-soutra éducatif m'indiffèrent, comme leurs courbes de moyennes projetées sur écran géant, leurs objectifs de résultats, leurs babines retroussées devant pareille idée. Ils ont l'air bien excités à l'idée d'en virer autant, mais moi, j'ai trente pirates décidés et motivés à mes côtés.
Finalement, je suis heureuse de voir que certain(e)s finissent par accrocher avec ce texte. Je me disais que beaucoup n'avaient pas dû lire jusqu'au bout, effrayés de voir une mère de famille se lancer dans un bad trip! Les derniers échos que j'eus hier de cette affaire, disent que les protagonistes sont sur le flanc, n'ont jamais en 20 ans, vécu une expérience aussi remuante...comme quoi!
· Il y a plus de 12 ans ·divina-bonitas
En tout cas, j'aime beaucoup. Mais il faut partager chère Sophiescribouillarde !
· Il y a presque 13 ans ·wen
Chaud les marrons chauds! Je savais que ce serait hot, mais quand même pas au point où ce le fut. Une dame s'est mise à hurler atteignant à vue d'oreille le La d'une soprano, pendant que j'appris consternée, que cette classe était un "océan de médiocrité". Je comprends que cette allégorie laisse sceptique certains lecteurs, peut paraître hors sujet, que ça ne fasse pas monter la tension attendue à l'endroit convenu. En même temps, quand on écrit une nouvelle, à priori, c'est pour sa chute, qui n'est pas toujours celle des reins. On verra bien! Merci Wen pour le commentaire.
· Il y a presque 13 ans ·divina-bonitas
Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle. Mais pourquoi pas en effet. L'allégorie est plus qu'intéressante même si le plaisir n'est pas partagé par les participants. Tant pis pour cette fois. A l'abordage moussaillons !!!
· Il y a presque 13 ans ·wen