La jumelle

wen

Contribution du concours de nouvelles érotiques VSD, sur une idée originale d'une amie...


Julien s'était installé sur la banquette de la bien-nommée Brasserie du Départ, à deux pas de la gare. Lorsqu'elle entra, il sentit son cœur manquer un battement. Il se prit une gifle vieille de quinze ans. Anaïs et Julien se reconnurent comme une évidence.

Son regard et son attitude débordaient d'une assurance tranquille. Lui qui pensait avoir rendez-vous avec une banlieusarde fatiguée, vit débouler une Inès de la Fressange, ignorant superbement tous les regards tournés vers elle, pour se diriger vers lui avec grâce. Il était soufflé. Elle n'avait pas changé et pourtant tout était différent. C'était elle, comme avant. Mais en mieux.

Il se leva pour l'accueillir et l'embrasser. Une pointe de stress perçait de part et d'autre lorsqu'ils s'installèrent. Le verre de Julien était intact. Le serveur arriva pour prendre la commande d'Anaïs.

Il suffit de quelques minutes pour qu'ils se retrouvent complètement. Ils échangèrent sur leurs vies respectives. Passèrent en revue les dix dernières années. La vie de Julien fut vite résumée. Celle d'Anaïs semblait beaucoup plus compliquée mais elle ne s'attarda pas, comme si elle souhaitait aller de l'avant, sans se retourner sur ces années visiblement douloureuses.

Julien mit bout à bout les quelques bribes dont il avait connaissance et, oubliant la bienveillance pudique, insista pour qu'elle confie ce qu'elle retenait avec tant d'efforts. Comme si elle n'attendait finalement que ça pour lui avouer autre chose que des banalités, elle murmura :

— Tu me connais trop bien.

— Non Anaïs. Je te connaissais. Celle que tu es devenue, je la rencontre aujourd'hui.

Anaïs reposa son verre, le regarda dans les yeux et lui raconta.

— Tu te souviens qu'il y a cinq ans, j'ai passé une année entière sans te donner de nouvelles. C'est la seule année où j'ai laissé passer ton anniversaire…

Julien se souvenait très bien, il la laissa continuer.

— J'ai eu un accident. Un jeune idiot qui a grillé un feu rouge avec ses potes dans la voiture. Les deux passagers morts sur le coup. Lui indemne. Quant à moi, les médecins pensaient que je ne marcherais plus jamais.

Sous le choc, il l'écouta raconter sa rage, sa haine de cet accident imbécile, son envie de se remettre. Elle lui raconta les ressources qu'elle avait dû puiser au fond d'elle-même pour la rééducation.

Son discours évitait tout sentimentalisme. Elle ne s'excusa même pas lorsque Julien tenta de lui demander pourquoi elle n'en avait rien dit. Elle se contenta de le regarder durement.

— Pour te dire quoi ? Qu'aurais-tu fait ? Tu étais parti je te rappelle. Tu serais revenu ?

Elle avait lâché cette dernière phrase avec un ton bizarre. Un mélange d'agressivité et d'espoir. Toute l'ambiguïté de leur relation était contenue dans cette question.

Elle lui parla ensuite de sa longue convalescence, passa vite sur l'apitoiement suscité auprès de sa famille et de ses collègues, et lui révéla surtout combien cela l'avait changée.

— Après ça tu sais, je suis devenue ivre de vivre. Anaïs laissa passer un long silence avant de reprendre. Mais je ne me suis pas perdue.

Devant le visage interrogatif de Julien, elle se sentit obligée de continuer. Confidences pour confidences, elle se dit que c'était le moment.

— Avec cette… mésaventure, j'ai compris à quel vitesse le temps glisse entre les doigts. Julien, je ne veux plus rien laisser me glisser entre les doigts.

Le regard qu'elle lui jeta ne laissait aucune équivoque possible. Julien était totalement abasourdi. Il tenta de reprendre le dessus.

— Tu parles de moi, là ?

— Je te parle de nous.

En cinq mots, elle venait de le clouer au sol. Elle lui porta le coup de grâce.

— Je n'ai jamais compris ce que tu trouvais à ma sœur. Depuis le début, depuis que tu nous as rencontrées, je suis convaincue que tu t'es trompé de jumelle. Toutes ces soirées où tu étais là, juste à côté de moi, avec elle. Où je mourrais d'envie de prendre sa place, d'être dans tes bras au lieu que ce soit elle. Combien de fois j'ai rêvé que ce soit avec moi que tu t'en ailles, que ce soient mes lèvres que tu embrasses langoureusement pour faire rager toutes les autres filles autour de nous. Pendant toute votre relation, j'ai rêvé qu'un jour tu te tournes vers moi en me disant que malgré notre ressemblance, nous étions totalement différentes, que tu t'étais trompé, qu'en fait c'était moi que tu aimais passionnément. Pas elle.

Elle avait énoncé cela doucement, sans la moindre agressivité.

— Jamais je ne m'en suis douté, lui répondit-il dans un murmure.

Elle se mit à rire.

— Qu'est-ce que tu crois ! J'ai bien caché mon jeu… mais que j'en ai souffert ! Déjà lorsque vous étiez ensemble c'était impossible. À partir du moment où elle t'a quitté comme elle l'a fait, tu es devenu l'interdit absolu. Et même si je m'étais jetée dans tes bras, qui crois-tu que tu aurais embrassé à ce moment-là ? Anaïs ou Sophie ?

Julien était incapable de réagir. Elle avait tellement raison. Il fouilla dans ses souvenirs, repensa à des dizaines de moments bien réels où tout prenait un autre sens. Il se rendait compte aussi à quel point leur entente et leur amitié de l'époque était l'arbre qui cachait la forêt intense, dense et fiévreuse des vrais sentiments qu'ils se portaient.

Maladroitement il tenta de démentir, de jouer l'incrédule, de s'expliquer. Quelques minutes plus tard, sans même qu'Anaïs eut à dire quoi que ce soit, il admit lui-même à quel point il avait été aveugle et idiot. Il lui fit sentir sans l'avouer explicitement qu'il regrettait. Cela ne servait à rien, pensait-il, d'en rajouter.

Anaïs se leva.

— Quand reviens-tu ? lui demanda-t-elle en remettant son trench.

— Je ne sais pas, fit-il, soupirant de dépit. J'aurais aimé pouvoir rester un peu plus avec toi.

Elle posa un billet de vingt euros sur la table et le regarda dans les yeux.

— Ecoute Julien… sa voix était douce mais ferme. Je ne peux pas remonter le temps mais je peux t'offrir une nuit. Tu m'embrasses, là, maintenant, et nous passons la nuit ensemble. Ou tu me laisses partir, tu prends ton train et cette conversation n'aura jamais existé.

Julien se leva. Il prit le visage d'Anaïs au creux de ses mains et s'avança. Son corps tout entier se tendait vers elle. Il posa délicatement ses lèvres sur celles fraîchement maquillées d'Anaïs. Il ressentit à peine le contact de sa peau humide. L'odeur fugace de son rouge à lèvres carmin se diffusa sur sa bouche. Elle posa doucement sa main sur sa joue, comme pour caresser l'objet d'un désir si profond, si intense, qu'un simple frôlement suffit pour en ressentir toute la substance. Comme si le toucher plus fort risquait de faire s'effondrer le château de cartes de ses espoirs et illusions.

Ce geste les libéra tous les deux.

Elle entrouvrit la bouche et happa sa lèvre inférieure. Julien baissa la tête légèrement, une de ses mains se posa sur sa hanche et se crispa contre le tissu de sa jupe. Leur baiser s'embrasa alors sans la moindre retenue.

Un quart d'heure plus tard, ils entraient dans une chambre d'un des nombreux hôtels du quartier Montparnasse.

Ce fut comme une délivrance lorsqu'ils passèrent la porte.

Ils recollaient les deux parties d'une photo ancienne, déchirée depuis quinze ans. Ils trouvèrent l'imbrication de leur corps naturellement, leurs mains se plaçant instinctivement aux bons endroits. Il n'était plus l'heure de se demander s'ils faisaient une erreur. Ils vivaient. Tout simplement.

La passion reprit ses droits. Anaïs repoussa Julien en arrière et le déshabilla intégralement. Alors, elle l'invita à s'asseoir sur le bord du lit. Debout bien droite devant lui, elle l'observa un instant, et se mordit le coin des lèvres, ses yeux en forme d'amandes souriant d'envie. Puis elle retira ses propres vêtements.

Le sexe de Julien se dressait déjà mais il n'esquissa pas le moindre geste. Elle était en train de l'envoûter.

Debout, nue sur ses escarpins, Anaïs était à un pas de leur plaisir. Elle le franchit et s'installa à genoux entre les jambes de Julien. Elle le prit dans sa bouche sans le quitter du regard. Son regard bleu s'enfonçait dans le sien comme son membre dans sa bouche. Méthodiquement, elle suça l'extrémité de son sexe. Ses lèvres le maintenaient tandis que sa langue caressait délicatement la corolle de son pénis. Ses mains allaient entre ses bourses et son bas-ventre. Julien poussa de longs soupirs en harmonie avec les mouvements d'Anaïs.

La fellation qu'elle lui administrait l'excitait elle-même follement. Elle adorait le pouvoir qu'elle détenait sur lui. Elle dut se faire violence pour cesser ce délicieux supplice et dérouler sur son sexe, le préservatif tout juste extirpé de son sac à main.

Ceci fait, elle se releva et se pencha vers lui. Avec une grâce infinie, Anaïs, mince et droite, enjamba Julien. Attrapant son sexe en glissant sa main entre eux, elle le positionna à l'entrée du sien où il disparut tout entier, lentement.

Elle s'immobilisa quelques secondes pour parfaire la pénétration puis ondula d'avant en arrière. Leurs yeux ne se quittaient pas. Ils plongeaient ensemble dans une éternité faite de souvenirs autant réels que fantasmés.

Aidé par les mains de Julien accompagnant ses fesses, son bassin allait et venait. Elle lui faisait l'amour en décidant du rythme et de l'ampleur des mouvements. Comme pour prendre sa revanche sur tant d'années de frustration.

N'y tenant plus, elle se mit en équilibre sur une main et ramena l'autre entre ses jambes pour caresser son clitoris. Une véritable transe s'empara d'elle. Elle alternait les caresses sur leurs deux sexes. Il suffisait qu'elle se redresse un tout petit peu plus pour qu'il s'extirpe totalement de son corps. Elle le prenait alors à pleine main, le câlinait et retrouvait son souffle juste avant de le présenter à nouveau entre ses cuisses et de l'enfoncer en elle d'un seul coup de rein.

Julien eut envie de communier plus encore et se redressa. Enlacés, leur union était parfaite. Leurs mains glissaient sur la peau de l'autre, s'arrêtaient et l'empoignaient à certains moments lorsque l'extase était plus forte. Surtout, ils s'embrassaient sans cesse. Sur les lèvres, les joues, les épaules, dans le cou. Sans arrêt, frénétiquement. Ils ne s'interrompaient que lorsqu'ils se laissaient submerger par une vague de plaisir trop intense.

Julien descendit sur la poitrine d'Anaïs. Il goba l'un de ses seins et fit rouler son extrémité entre ses lèvres et la langue tandis qu'elle continuait à onduler sur lui. Cette succion la fit littéralement fondre. Elle jouissait, il le savait et cela ne faisait qu'augmenter son désir de jouir à son tour.

Soudain, Anaïs se contracta. Un orgasme puissant inonda son corps du plus profond de ses entrailles. La respiration coupée, elle s'abandonna totalement à l'onde de plaisir qui serrait sa gorge et l'empêchait de respirer.

Elle reprit son souffle l'instant d'après, en bougeant doucement son bassin sur le sexe de Julien. Ce dernier émit un râle juste avant de lui dire qu'il allait jouir. Anaïs se releva alors, vient s'asseoir sur ses cuisses, se pencha légèrement en arrière, attrapa d'une main son sexe turgescent et en enleva le préservatif. Le sperme de Julien retomba en plusieurs jets sur le ventre et le pubis d'Anaïs, atteignant presque sa poitrine.

Encore toute à la jouissance de son propre orgasme, elle passait sa main tour à tour sur la verge trempée et sur son corps maculé. Elle savourait cet instant, les yeux fermés, la main langoureuse. Elle avait rejeté sa tête en arrière, ses longs cheveux retombaient dans son dos. Julien la contemplait, assise sur lui.

Il caressait ses hanches douces, il écoutait les petits sons qu'elle émettait comme pour accompagner la diffusion de son plaisir dans tout son être.

Déployant son corps souple et léger, elle se blottit contre lui. Julien prit une profonde inspiration. Anaïs ferma les yeux.

Ni l'un ni l'autre n'avait dit un seul mot. Par peur de briser l'instant, de profaner leurs retrouvailles.

Il ne put s'empêcher de penser qu'elle avait sans doute raison. Qu'il s'était peut-être, à l'époque, trompé de jumelle.


  • super sympa comme texte pour le concours! je crois les doigts pour toi!!!
    du coup, suis allée voter pour toi!!!
    mais il fut un peu compliqué de le trouver dans la liste...
    je crois que le site bugue un peu :(

    · Il y a presque 9 ans ·
    Suicideblonde dita von teese l 1 195

    Sweety

    • Merci beaucoup chère Sweety pour ce petit mot et ce vote... inutile pour le site mais très utile pour mon amour propre !
      Obtenir le suffrage d'une femme comme toi n'est jamais anodin.
      Tu n'aurais pas une sœur jumelle par hasard ? (on ne sait jamais, je demande moi...)

      · Il y a presque 9 ans ·
      Francois merlin   bob sinclar

      wen

    • une "evil twin" ...oui quand ça m'arrange
      ça dépend surtout des moments ;)

      · Il y a presque 9 ans ·
      Suicideblonde dita von teese l 1 195

      Sweety

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