La mort du père…
Hervé Lénervé
Il est des choses que l'on fait tellement machinalement que l'on oublie complètement de les avoir faites.
Mon frère m'appelle au téléphone.
- Je sais que vous n'étiez pas en très bons termes tous les deux, mais viendras-tu, quand même, aux obsèques de notre père ?
Et là, ça m'est revenu d'un seul coup ! Bien sûr mon père était mort ! Et pour cause, c'est, moi-même, qui l'avais débranché ! Ça m'était totalement sorti de la tête.
- Oui ! Je viendrais, évidemment, il faut savoir oublier, faute de les pardonner, les vieilles querelles, dans ces moments-là.
Certains tuent symboliquement le père, moi, je ne suis pas trop symboles. Maintenant existe-t-il une grande différence entre la mort symbolique ou l'assassinat réel du père ? Ça se discute ! On peut en discuter, ça nous fera toujours passer une minute.
La mort symbolique du paternel en psychanalyse, c'est bien, mais cela peut laisser des séquelles et créer des symptômes névrotiques. Sans parler des regrets et de la dévalorisation morale de soi par cette pusillanimité d'action réelle. Donc, je préconise plutôt le passage à l'acte. Un bon coup de machette derrière les oreilles, efficace, rapide, presque inodore, par contre, pas très propre pour le tapis du salon.
Le sang, ça dégueulasse un max, si le cœur fonctionnait à l'eau on serait moins emmerdé. Mais c'est le prix à payer, qu'est-ce qu'un peu de ménage à faire pour être tranquille le reste de sa vie ?
Bon, plus sérieusement, moi, mon père il ne m'a pas emmerdé beaucoup, je ne l'ai même pas connu, il est parti à ma naissance. Ah, je vous entends, d'ici, vous qui voyez des corrélations partout, où il n'en existe d'aucune sorte.
Ce n'est pas moi qui l'ai fait fuir, je venais juste de sortir du ventre de ma mère et il ne s'est même pas penché sur mon berceau.
Par contre, dans la famille, d'autres l'ont fait et ils l'ont regretté, car après avoir crié : « Oh, mon dieu ! Oh mon dieu ! » Puit fuit, pschitfuite, ils ont fait des terreurs nocturnes pendant des mois.
Ce n'est pas que j'étais moche en soi, c'est que j'avais un visage atypique, voilà ! Il n'est quand même pas commun d'avoir deux nez, à peine né et qu'une oreille au milieu du front. Mais avec la chirurgie plastique, on fait des merveilles aujourd'hui. Merci aux gueules cassées.
Donc, après mes cinq ans, ils m'ont opéré de tous les côtés et franchement, bien qu'ils aient fait énormément de progrès, le résultat est … bon, passons. Maintenant, il faut bien reconnaître, pour les dédouaner, qu'ils partaient de très loin. Je suis encore plus proche du cubisme de Picasso que du romantisme de Michel-Ange. Pas grave, on s'habitue à tout, il suffit de casser tous les miroirs de la maison. De toute façon je ne me brosse jamais les dents et je suis chauve comme une chauve-souris sans poil, alors !
Au début, effectivement, on est vexé quand les enfants détalent en criant : « Maman ! Maman ! T'as vu le monsieur-monstre ! Il est moche, hein ! » Puis avec le temps, on s'en amuse en faisant même des grimaces. Effet garanti, je vous assure ! De futurs patients-clients garantis pour les psychanalystes.
Pas plus tard qu'hier, un des gosses est resté tétanisé sur place, il a fallu que ses parents le prennent sous le bras et l'emporte, raide comme une bûche pour le ramener à la cheminée.
Vous voyez, il faut rester positif en gardant toujours à l'esprit qu'il y a toujours pire ailleurs. Si ! Du moins, on peut le supputer, non ? N'est-ce pas madame ?
D'ailleurs, en parlant de ça, même les professionnelles ne voulaient pas que je les drague.
***
Que voulez-vous, je sais, j'aime bien me flageoler à mort, mais symboliquement seulement.
"Ça" est encore revenu ! pffff :o)
· Il y a plus de 4 ans ·daniel-m
Ce qui revient souvent est récurent, mais ne lave pas ! :o))
· Il y a plus de 4 ans ·Hervé Lénervé
La "flagelle dans ton cas soulé", je comprends je comprends que ça devienne irrespirable et que tu commettes des impairs... :))
· Il y a plus de 4 ans ·Apolline
... quoi, des impers ! Il va encore pleuvoir ? :o))
· Il y a plus de 4 ans ·Hervé Lénervé
Perso, je dépose un coquelicot, tous les ans sur la tombe de mon père. En souvenir de tous les insecticides qu'il utilisait à la ferme, en souvenir de mon éducation politique. Par contre, toi t'as triché avec la photo, où tu conduis le camion….
· Il y a plus de 4 ans ·phil-29
Je n'ai jamais mis d'insecticide dans le camion, c'était un mazout bien polluant. :o))
· Il y a plus de 4 ans ·Hervé Lénervé
Tu peux m'expliquer comment tu passes de la mort de ton père - que tu as débranché - à ta gueule cassé qui fait peur aux enfants :-))
· Il y a plus de 4 ans ·Lady Etaine Eire
Je pourrais effectivement, mais je crains que ce ne soit trop tiré par les cheveux. Aie ! Et je n’aime pas me tirer les cheveux. :o))
· Il y a plus de 4 ans ·Hervé Lénervé