La parenthèse russe (v2)
wen
Julien n'en revenait pas. Toute la journée, il tourna et retourna les événements du matin et chaque minute qui passait l'éloignait de la réalité.
Comme chaque jour, avant d'aller au bureau, il achetait son journal au kiosque non loin de là et allait s'installer dans le parc voisin.
La veille, il avait remarqué une jeune femme. Entre vingt-huit et trente-cinq ans, pas plus, se dit-il. Habillée sport, elle était grande, mince et élancée. La longueur de ses jambes fines et musclées était soulignée par la jupe courte sombre, type jupe de tennis qu'elle portait. En haut, elle avait un débardeur assorti tout ce qu'il y avait de plus classique. Les cheveux tirés soigneusement, elle portait une queue de cheval plutôt haute et ils étaient attachés une seconde fois près de leur extrémité par un élastique identique au premier, les disciplinant d'autant. Ses yeux étaient d'un vert absolument magnifique. Son regard illuminait tout autour d'elle.
Parcourant paresseusement son journal étalé sur sa jambe remontée sur l'autre genou, il la vit marcher dans l'allée devant lui. Leurs regards se croisèrent lorsqu'elle fut à son niveau. L'attitude de Julien et sa manière de la regarder ne dut pas lui faire peur puisque, soutenant son regard tout en continuant d'avancer, elle lui sourit doucement en tournant la tête pour laisser ses yeux clairs plantés dans ceux de Julien.
Ils détournèrent les yeux presque simultanément. Cette belle inconnue sportive continua son chemin et Julien la regarda s'en aller de sa démarche aérienne contemplant autant ses jambes définitivement musclées que sa jupette qui se soulevait à chaque pas à la limite de la décence.
Il continua à rêvasser pendant de longues minutes durant lesquelles il arriva à la conclusion que la vie était définitivement faite de plaisirs extrêmement simples et que le sourire d'une jeune fille valait toutes les psychothérapies du monde pour se sentir bien dans sa peau, beau et heureux.
Le lendemain, suivant le même et immuable rituel, sur le trajet en entrant dans le parc et son journal à la main, il se surprit à repenser à sa belle inconnue entrevue la veille et à son sourire.
Il la revit dans ses souvenirs. Il imagina enfouir son visage dans son cou, enlacés. Il inspira comme s'il respirait son odeur. Il sentit la douceur de ses cheveux sur sa main glissant à leur base, juste au-dessus de son cou. Il imagina la volupté de sa peau sous ses doigts caressant le haut de sa jambe jusqu'à atteindre le bord de sa culotte à ses hanches. Il devinait la douceur de ses lèvres l'embrassant précautionneusement sur sa joue, dans son cou, sur son torse puis sur son ventre. Il tentait d'entrevoir la chaleur de son corps contre le sien, la douceur de ses mains passant sous sa chemise pour le caresser tendrement.
Il imaginait tout cela, se laissant aller à la douceur matinale du parc qui s'éveillait.
Entendant des pas sur les graviers de l'allée, il se reprit rapidement, tourna la tête vers la gauche et la vit.
Sa belle inconnue au sourire s'avançait dans sa direction, exactement de la même manière que la veille. S'il n'avait pas été lui-même habillé différemment, il aurait pu croire revivre la même situation car il lui semblait qu'elle était habillée exactement de la même manière. Lorsqu'elle arriva à son niveau, le petit manège de la première fois eut lieu à nouveau.
Julien lui sourit en premier franchement. Elle lui répondit de la même manière. Gênés et ne sachant pas trop comment réagir, ils dirent tous les deux presque en même temps un bonjour totalement inaudible pour quiconque à plus d'un mètre d'eux.
C'était comme s'ils avaient chacun eut peur d'être trop engageant en disant bonjour. Il y avait manifestement quelque chose en plus, un on-ne-sait-quoi impalpable entre eux.
Ni l'un ni l'autre ne bougea et Julien la regarda, cette fois-ci avec attention, s'éloigner après avoir dépassé le banc où il était assis. Elle et sa démarche si assurée. Elle et sa jupette de tennis qui rendait ses ondulations de bassin terriblement sexy bien qu'elles furent loin d'être exagérées ou provocantes.
Il commençait à se faire une raison et à la voir disparaître dans quelques mètres, au coin du kiosque à journaux, juste avant le virage pour atteindre le portail de la zone des jeux pour enfants.
Soudain elle se retourna.
Tout en avançant, elle regarda derrière elle en direction de Julien. Elle vit parfaitement qu'il continuait de la regarder. Il s'en était fallu de peu se dit-il. Un quart de seconde plus tard, je me serais retrouvé le nez à nouveau dans mon journal, pensa-t-il en se disant paradoxalement qu'il avait de la chance. Paradoxalement, car loin de craindre de passer pour un pervers obsessionnel, il estimait qu'il avait eu de la chance d'avoir gardé ses yeux sur elle pour qu'elle constate qu'il la regardait toujours. S'il avait voulu lui envoyer un signal, même le plus faible possible, cela n'aurait pas pu mieux se dérouler et il en était ravi car il lui avait peu coûté celui-là. Le hasard s'avère parfois merveilleusement utile et profitable.
Elle s'arrêta. Julien ouvrit grand les yeux. Elle fit demi-tour et commença à revenir sur ses pas. Elle avait le visage d'une jeune femme légèrement perdue. Comme si elle cherchait son chemin. Puis elle s'arrêta net de nouveau, regarda Julien. Elle lui fit signe. Elle lui adressa un signe de la main tout ce qu'il y a de plus simple. Il signifiait sans la moindre ambiguïté : Viens ! Viens là grand nigaud ! Je ne vais quand même pas refaire tout le trajet inverse. Si tu veux me parler, fais un effort et lève-toi de ton banc pour venir vers moi.
Du moins, c'est ainsi que Julien le comprit.
Julien replia son journal, se leva, et prit la direction de la jeune femme.
Durant les quelques dizaines de mètres qu'il avait à parcourir, Julien prit et reprit son souffle plusieurs fois. Que voulait-elle bien pouvoir lui dire ? Il lui restait six ou sept pas avant d'arriver à son niveau. Lorsqu'il n'en restait plus que deux, elle en fit un vers lui pour aller plus vite.
Elle entama la conversation en anglais enrobé d'un accent slave à couper au couteau. Elle alla droit au but, elle était pressée, sa French lesson allait commencer et elle ne voulait pas être en retard.
Elle était libre à seize heures. S'il le souhaitait également, elle aimerait beaucoup le revoir en fin d'après-midi. Ses phrases voulaient en dire énormément plus que ce qu'elles disaient vraiment.
Ils échangèrent leurs numéros de téléphone et se promirent de s'envoyer dans la journée des messages afin de caler leur rendez-vous de l'après-midi. Elle s'appelait Veronika. Elle était russe. Julien trouva ce prénom très joli.
Ils échangèrent quelques SMS dans la journée et rendez-vous fut pris à 18 heures, chez elle.
— Comme ça, elle aurait le temps de se changer, lui avait-elle écrit.
A 17h50, Julien se présenta au pied de l'immeuble dont elle lui avait donné l'adresse et sonna à l'interphone désigné auparavant.
— Troisième étage, entendit-il dans l'appareil avant même qu'il ait eu le temps de dire quoi que ce soit.
Il poussa la porte qui venait de se débloquer et monta par les escaliers. Lentement. Dans quoi allait-il se fourrer, se demanda-t-il. Elle l'attendait à la fenêtre, il ne pouvait pas en être autrement. Un frisson d'inquiétude lui parcourut le dos. Il arriva sur le palier.
Trois portes se trouvaient devant lui. Il se demanda laquelle choisir, jusqu'au moment où il vit que l'une d'elle était entrouverte. Il la poussa doucement dans un grincement.
Elle l'attendait au milieu du salon dans lequel l'entrée donnait directement. Il manqua de ne pas la reconnaître tellement elle était différente.
Elle avait endossé une robe courte moulante blanche dont la simplicité n'avait d'égale que sa beauté saisissante. De toute évidence, elle ne portait rien dessous. Elle s'avança vers lui, faisant lentement claquer ses talons vertigineux sur le parquet hors d'âge de cet appartement typiquement parisien. Ses cheveux blonds reposaient en une tresse soignée sur son épaule. Elle s'approcha lentement. Très près. Ses lèvres maquillées de rouge brûlant s'entrouvrirent. Elles se plaquèrent contre celles de Julien ébahi et toujours immobile.
Ni l'un ni l'autre n'avait encore prononcé le moindre mot quand elle déboutonna et enleva sa chemise.
L'instant d'après, elle s'accroupit et s'attaqua à sa ceinture. Au moment où elle abaissa sa braguette, Julien trouva la force d'inspirer profondément juste avant de parler. Son premier souffle s'éteignit contre le doigt qu'elle vint plaquer sur ses lèvres, lui intimant l'ordre de se taire en prononçant un “ chut ” tendrement réprobateur. Les yeux de Veronika quittèrent lentement ceux de Julien et se posèrent sur l'objet de son désir juste avant que celui-ci ne disparaisse dans sa bouche accueillante juste après qu'elle se soit accroupie devant lui.
Julien comprit qu'il ne résisterait pas longtemps. Tout s'enflammait en lui. Il la releva peu après et ils s'embrassèrent fougueusement. Veronika ne pensait qu'à une seule chose : faire l'amour avec lui. Alors quand il s'approcha de son oreille et lui souffla distinctement qu'il voulait glisser son visage entre ses cuisses pour la faire jouir, son imagination se déchaîna tout autant que son corps.
Elle sentit son sexe s'humidifier irrépressiblement. Elle frotta ses cuisses l'une contre l'autre pour tenter de réprimer les doux chatouillis provoqués par son désir ruisselant. Elle avait presque honte de mouiller ainsi.
L'instant d'après, Julien l'allongeait pour fondre sur elle et la faire jouir intensément. Sans même prendre le temps de profiter de l'orgasme qu'elle venait de ressentir, elle se redressa, poussa Julien lui ôta ses derniers vêtements avec frénésie. Elle voulait le sentir en elle immédiatement. Elle eut juste la présence d'esprit d'attraper le préservatif posé préalablement non loin.
Elle lui mit avec aisance puis, d'une main elle guida sa verge tandis que l'autre ouvrait son sexe trempé. Julien disparu dans son corps. Centimètre après centimètre, elle retenait sa respiration, se sentant petit à petit emplie au plus profond de son être. Elle attendit quelques secondes, reprit ses esprits légèrement, puis commença un mouvement de balancier crescendo qui les emmena rapidement vers l'extase.
Ils firent l'amour avec une intensité folle et brûlante. Ou plutôt, elle lui fit l'amour avec force et vigueur.
Julien ne maîtrisa rien. Rien du tout. Il s'était abandonné dès qu'il avait passé la porte d'entrée. Peut-être même dès qu'il s'était levé de son banc le matin pour la rejoindre à son invitation.
Il ne comprenait pas. Et elle l'avait parfaitement empêché de chercher à comprendre quoi que ce soit.
Ils connurent tous les deux une extase inouïe, presque insensée car totalement irréelle.
Ils discutèrent un petit peu ensuite devant un verre de vin blanc d'une bouteille déjà entamée. Veronika était à Paris pour deux semaines pour un stage de français dans le cadre de son travail. Elle repartait à Moscou demain matin. C'était l'appartement d'une amie. Elle n'avait pas prévu de revenir en France dans les prochaines années.
Elle lui dit qu'il devait partir à présent. Son amie allait rentrer.
Ils se dirent au revoir simplement. Julien la vit par la fenêtre lorsqu'il s'éloignait dans la rue. Après avoir, à regret, enfin tourné au coin de la rue, il se surprit à siffloter une vieille chanson de Michel Fugain.
C'est un beau roman, c'est une belle histoire…
sacré petit veinard ce Julien...
· Il y a plus de 9 ans ·tjs là où il faut qd il faut... ;-)
wic
Dis donc, tu t'es fait une séance de lecture sur WLW aujourd'hui dis moi !
· Il y a plus de 9 ans ·C'est cool. Et en effet, ce Julien, il a l'air d'être toujours là où il faut quand il faut. Un sacré veinard comme tu dis. Mais ça entretient le mythe... il paraît que ce genre de choses arrive dans la vraie vie réelle !
wen
Quelle parenthèse!
· Il y a plus de 9 ans ·yseult
Et oui, une simple parenthèse mais j'ai essayé de la faire aussi belle que possible. Merci de la lecture et du petit mot. A bientôt.
· Il y a plus de 9 ans ·wen