La perfection vibratoire

Laure Cassus

C’est peu de dire que JEFF BUCKLEY fut un ambassadeur de la GRACE (1994).



Un verre de cristal, peut être un de ceux rangés dans le buffet de votre grand-mère, peut être celui qu'une compagne a déniché dans un vide-grenier récemment, un peu d'eau sur le doigt vous tournez (ce n'est plus de votre âge bien sûr). Dans le sens des aiguilles d'une montre, le son se lève, accélère, décolle, la fenêtre résonne, le rideau bouge, un souffle s'installe jusqu'à percevoir la fragilité des épaisseurs entre les choses.

Les hauteurs vibratoires de cette voix de cathédrale s'en vont forcer le plafond, la guitare électrique repousse le plancher des anges, des murmures inférieurs retombent le long d'une colonne. On a ici un petit miracle de concentration et de verticalité. La pulpe des doigts sur les cordes fait jaillir une unique note, arrachée. De longues réverbérations s'ensuivent.

Attente, suspension, surtension. Il reprend, et la brise revient en insistances sauvages, cette fois sur les grandes plaines, et aussi sur celles qui sont coincées entre les files de voitures en ciseaux de Manhattan. Sous le lobe de vos oreilles, il y a un loup qui gît à l'arrêt. Il supplie lui aussi. Jeff prend son élan et son cœur part en sirène aigüe.

Dans un morceau centré sur une bouteille de rouge, il est plutôt dans les stupeurs amoureuses au niveau du sol. Tes plumes se sont-elles encore emmêlées dans les branchages ? Tendre un pied, la pointe d'abord, sentir le fameux tapis roulant du sentiment. Cette aspiration.

Pour moi c'est la clarté maximale.

J'espère que ce souffle continue.

(10/10).

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