La petite Alice
Lou
Le soleil se couchait doucement à l'horizon, peignant le ciel d'une belle couleur orangée. Un peu de rose, ainsi qu'une touche de jaune venaient parfaire cette teinte. Aucun nuage ne venait gâcher ce tableau.
Derrière de multiples branchages, cachée par d'énormes sapins, coupée du monde par une forêt épaisse, une gare abandonnée. Plus un train ne passait depuis belle lurette. La petite bâtisse en bois qui servait pour l'achat des tickets, n'avait plus fière allure. Du toit, il ne restait que quelques planches, et les trous avaient été caché par des branches de chênes. Les murs, Dieu seul sait comment ils tenaient encore debout. On avait l'impression qu'un souffle de vent aurait pu les faire tomber. Et les deux petites fenêtres, sans carreaux, donnaient sur une pièce vide et minuscule.
Les rails commençaient à ne plus se laisser distinguer parmi les hautes herbes et les pousses rebelles. Cependant, l'acier rouillé, le bois vermoulu, les violettes poussant ci et là, et l'immense soleil qui dardait ses chauds rayons sur ce paysage, oui, l'ensemble était fort joli. Poétique. Si seulement les gens, du dehors, pouvaient venir explorer cet endroit plein de mystères !
« Et une, deux, trois »
Perchée sur un rail, Alice chantonnait. Elle jouait à l'équilibriste, ses cheveux blond relâchés volant dans le vent soufflant. Ses yeux, d'un beau vert émeraude, étaient baissés sur le sol, plissés en deux car Alice se concentrait pour ne pas perdre l'équilibre. Elle avait 10 ans et venait souvent ici. Au loin, elle entendait les klaxons des autos, et le crissements des pneus. Ici, elle était bien, avec le gazouillis des oiseaux et le murmure du silence.
Ses parents se disputaient encore. Une question d'argent, sûrement. Les cris, les pleurs, les insultes... Pourquoi elle devait endurer cela ? Elle était partie. Comme toujours.
Vite, en enfilant ses baskets et en prenant son gilet, elle a couru, loin, très loin, ici, dans sa cachette à elle. Elle en avait assez.
Elle leva les yeux vers le ciel. Un avion passa.
Si seulement elle pouvait voler, avoir des ailes, pour fuguer en Asie, avec sa grand mère, mamie Perle. L'avion semblait lui faire un signe, un sourire d'encouragement pour qu'elle attende de voir si des plumes lui pousseraient sous les bras.
« I beliee I can fly...
I believe I can touch the sky... »
Et elle chantait, doucement, pour ne pas réveiller les marmottes ou les rats endormis. Alice était comme ça. Toujours là pour les autres.
Ses parents s'inquiétaient-ils ? Non. Impossible.
Sa mère était avocate. Le genre de femme qui faisait attention à son apparence stricte: un chignon, et pas un cheveu qui ne dépassait ! Sinon, une grosse crise de nerfs se préparait.
Des yeux verts, soulignés d'eye liner et de mascara souvent noir ou gris, ainsi qu'une jupe droite, et un chemisier blanc. Un véritable tailleur, en dessous de la tenue officielle.
Et son père ? Un scientifique, un prof de SVT un peu rêveur, mais dur. Costume/cravate, la barbe rasée et les cheveux plaqués sur le crâne par des tonnes de gel.
Toujours plongé dans ses calculs.
Et elle ? Que ferait elle plus tard ? Chanteuse, danseuse, comédienne ou actrice ? Non. Ses amies le voulaient, elle, hors de question. Elle n'était pas un robot ou un clone. Et puis, avec sa voix de casserole et ses pieds gauches, aucune chance.
Mathématicienne ? Non. Elle adorait la littérature.
Écrivaine, musicienne ? Ou encore Funambule ! Oui. Oui, oui, oui, dix mille fois oui !
Mais elle ne le pourrait pas. Trois métiers mal payés, d'après ses parents. Pas les bons. Mais c'était son rêve.
Les nuages se coloraient d'orange, de rouge et de jaune. Des couleurs si vives que cela rappelait à Alice sa mamie Perle.
Comment s'appelait-elle vraiment ? Aucune idée. Elle l'avait toujours appelée comme cela, à cause de ce collier en perle roses.
Une "mamie gâteau" habitant en Asie, ce pays de liberté.
Mais elle ne devait pas s'attarder sur ces pensées. Cela lui faisait trop mal de savoir qu'une personne l'aimait bien plus que tout ceux qui peuplaient la planète.
Elle soupira. Liberté. Rêve. Avenir.
Des mots inaccessibles, comme la boîte de bonbons placée en haut de l'armoire dans le salon. Impossible de les attraper. Si lointains...
Et les larmes coulaient sur ses petites joues rebondies. Cela faisait longtemps que l'enfance avait quitté ces yeux. La joie, le rire, tout ça étaient partis. Pfiou ! Envolés. En même temps que son bonheur et que l'amour de ses parents. Plus rien.
Les bras tendus pour garder son équilibre, la petite Alice ferma les yeux. Elle s'imagina être dans un cirque. Les lumières étaient braquées sur elle. Habillée d'un tutu rose, qui formait une auréole autour de sa taille, et les cheveux remontés en queue de cheval, elle se tenait sur un fil, pas plus gros qu'une aiguille à coudre. Ses petits pieds, de pointure 34 et chaussés de ballerines violines, avançaient doucement. Elle tenait une ombrelle en dentelle, et
Hop ! Elle la fit tourner.
En bas, dans les spectateurs, mamie Perle la regardait émue, effrayée, tandis que Monsieur Nounours, son doudou, lui souhaitait bon courage.
Allez hop, un aller-retour !
Elle s'en fichait de ses parents qui pestaient contre elle dans les coulisses, en colère.
Et hop ! Elle tourna sur elle-même et se laissa tomber dans le filet.
On l'applaudit de partout.
Alice rouvrit les yeux. Assise sur l'herbe sèche près des rails, elle souriait de toutes ses petites dents d'enfant. Oui, elle était encore petite, mais mature dans sa tête.
Un lapin pointa son museau hors des buissons. Au pelage blanc, Alice pensa au conte du même nom, son conte favori. On se demandait bien pourquoi.
Le ciel était maintenant presque entièrement noir. Un noir inquiétant, mais rassurant.
Plus un bruit, plus d'autos, plus de klaxons, plus d'insultes des passants, plus d'aboiements, plus de « cui cui », de « miaou » ou autres, plus rien si ce n'était le bruissement du vent sur l'herbe.
Alice se leva, chancelante. Elle s'approcha d'un sac orange, très gros, une valise même, calée contre le mur de la gare. Elle l'ouvrit doucement et en sortit un étui.
Scintillant, brillant sous les rayons de la lune et des lampadaires au loin qui éclairaient l'endroit abandonné, la vue de cet objet rassura tout de suite le cœur de la petite fille.
Elle ouvrit aussi le couvercle, et prit un violon, à l'air neuf, qu'elle tenait de sa tante. Elle empoigna l'archet et de la colophane. Elle enduisit les cordes de cet étrange produit, posa l'instrument sur son épaule et le cala sous son menton. Le contact froid du repose-tête la fit frissonner, mais elle n'en tint pas compte.
Et elle joua, joua, joua, sans s'arrêter, sans partitions, au filing. Des notes claires, justes, s'échappaient et montaient vers le ciel. La lune souriait, l'encourageant, et les étoiles dansaient, dansaient sans s'arrêter pour l'intimer à continuer. Et elle jouait, le cœur léger, car la musique douce qu'elle jouait était toute sa vie. Sa passion. Son âme. C'était elle toute entière qui vibrait au rythme des vas et viens de son coude.
Et elle jouait.
Parce que cela lui faisait du bien.
***
-Bonne journée, marmonna Alice.
Personne ne lui répondit. Comme toujours. Ils s'en foutaient d'elle. Ce qui les intéressait, c'était leur fric à la c*n. L'argent, il n'y avait que ce mot à leur bouche ? Oui. Ils ne connaissaient pas la poésie, la littérature, l'amour. Ils ne connaissaient rien. Comme toujours.
Super ! Il est... magnifique comme texte ! J'adore ! J'ai tout lu d'une traite, sans pouvoir m'arrêter ! Super !
· Il y a plus de 10 ans ·maelle
J'ai adoré, c'est un des plus beaux textes que j'ai lu. Mais en même temps, je n'en attendais pas moins de toi Lou ? Qui suis-je ? Comment je te connais ? Tu ne vois pas ? Tu ne sais pas ? Je suis Draculiana2012 sur Amour Sucré... Alors, tu t'en rappelles ?
· Il y a plus de 10 ans ·Bisous ! <3
Julia
coucou!
· Il y a plus de 10 ans ·Oui je me rappelle! ^^
J'ai du te refuser, désolé, je vais te redemander! ^^
Lou
Magnifique.Peut-être la fin à prolonger tellement que j'aime...
· Il y a plus de 10 ans ·Mais c'est optionnel! <3
oriana
Magnifique ! ^^
· Il y a presque 11 ans ·dark-dreams
Cette histoire est magnifique, agréable et tendre. J'aime surtout ton don pour décrire les lieux. Ça je ne l'ai pas. Dommage pour moi... En tout cas bravo encore une fois!
· Il y a presque 11 ans ·Aurore
merciii! ^/////////^
· Il y a presque 11 ans ·Lou
Cette nouvelle était très agréable à lire, j'ai particulièrement aimé la description des paysages. Merci pour ce petit moment de tendresse que m'a procuré ton texte!
· Il y a presque 11 ans ·elixir
merci, heureuse que cela t'ai plu!
· Il y a presque 11 ans ·Lou
Splendide, mais trop long à mon goût. Je me serais arrêté à "ils ne connaissaient rien".
· Il y a presque 11 ans ·Mais c'est ton choix et l'essentiel est la qualité d'ensemble.
Bravo
jean-soluc
merci beaucoup!
· Il y a presque 11 ans ·Je prends en compte, j'essaierai de faire des textes plus court! ;) merci!
Lou
Attention, quelques lignes "inutiles" à mon sens, çà ne veut pas dire que c'est une vérité universelle et que toutes tes nouvelles sont trop longues... de quelques lignes.
· Il y a presque 11 ans ·jean-soluc
C'est très beau!
· Il y a presque 11 ans ·Je crois qu'elle sera funambule... en équilibre sur le fil des émotions, sur la ligne des mots.
Frédéric Clément
c'est très beau ce que tu me dis là! :)
· Il y a presque 11 ans ·merci en tout cas, cela me fait chaud au coeur!
Lou