La serre aux glycines.

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Confinés, on ne faisait que lire. Non pas pour nous divertir ou nous instruire, mais parce que l'on s'ennuyait à mort, et que la mort c'est ni drôle ni intéressant.

La maison était en ruine et le vendeur très impliqué. Il me faisait penser à ce délégué médical qui pour son employeur et pour un séjour gratis à Ibiza avec sa pute, aurait vendu du Prosac à la pelle.

« Si si Docteur, ça marche ! »

« Vous vous foutez de moi ? Le Prosac c'est pour rafraîchir la sérotonine, remettre les neurones dans le bon sens ! Ça n'a aucun effet sur la kératine ! »

« Si si Docteur ! Le Prosac, ça marche aussi sur la repousse du cheveux ! Il suffit juste que le patient y croit ! Et puis la calvitie, c'est quand même la zone qui se situe au plus près du cerveau, non ? »

« Et à raison de combien par jour ? »

« Autant qu'il veut ! Perdu pour perdu, il aura tout essayé, non ? »


C'était l'année où je déprimais grave. Mes cheveux avaient fait de mon moral, une épidémie galopante. Je dormais plus que mon chat et la serpillère réunis. J'avais tiré mes volets et la couette à moi. Je m'alimentais de crottes de nez et de packs de 48 yaourts. J'étais devenu exécrable. Je réduisais en poudre tout ce qui se trouvait sur mon passage : autant le poivre que l'escampette. Je fuyais la réalité et ma salle de bains. J'en avais plein le cul de ma tête. J'étais à 2 doigts de sucer tout le plasma de ma télé pour pouvoir régénérer mon état. J'aurai pu aussi tuer un ours à la main si j'avais voulu ! 

« Oh la vache ! C'était quand ? »

Betty prenait pour argent comptant toute la trésorerie de mon désespoir. Les mots tels que 'crottes de nez' et 'yaourts' avaient formé sur ses lèvres une sorte de déplaisir. Pour elle qui déteste la texture des escargots et l'onctuosité des laitages fermentés, j'étais à ses yeux, un homme désorienté.

« Tout ça pour un trou ? Moi je l'aime bien ton petit nid !»


La maison n'avait de charme que son jardin, et il aurait fallu compter sur un camion de la Brinks pour imager un quelconque résultat à l'intérieur. Le vendeur sautillait d'enthousiasme à chacune de ses remarques, tel un poisson qui à l'approche des Baléares, refait surface pour un peu plus de David Guetta avant de replonger boire un coup.

« Oui bon là, on est bien d'accord, faut ré-enduire un peu les murs, refaire le toit, changer les robinets, les portes et les fenêtres ! Mais à ce prix-là, franchement, pourquoi se priver  ? Je ne vous cacherai pas qu'il y a déjà du monde dessus ! Je vous la fais visiter parce que vous avez pris rendez-vous, mais je ne me fais pas trop de soucis ! »

« Elle est déjà vendue ? »

« Presque... mais si vous appuyez un peu, elle est pour vous ! Vous savez, avec la Covid, les maisons se vendent comme des petits pains ! Un truc qui valait rien, 10 balles, en vaut 20 aujourd'hui ! Tout le monde veut son petit nid douillet avec son petit jardin !  »

« Et sinon, l'eau dedans, elle est potable ? » demanda Betty...



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