La Sirène

Julie Vautier

Poème autour de la figure de la sirène.

De ses bras de nacre, elle étreint la noble mer
Et des gouttes de sel se perdent sur son front,
Reine des nymphéas et des hadaux enfers,
Princesse de l'abysse et fille de triton.

Le vent marin se mêle à son accorte voix
Et courent les embruns entre chaque murmure,
Entre chaque berceuse aux refrains scélérats
Qui s'évadent, légers, d'un cœur aux mœurs obscures.

Elle guette, impatiente, une voile, un drapeau
Ou un hymne corsaire aux effluves de rhum
Et de sueur. Elle attend, prédatrice, un bateau
Et des cales remplies de poudre, d'or et d'hommes.

Une détonation dans le silence bleu
Réveille l'appétit de la sombre odalisque
Des océans. Au loin, pas un vaisseau, mais deux
Qui se livrent bataille en courant tous les risques.

Les plus horribles cris ornent les cieux tranquilles
Et la mer s'est parée d'un rouge sans appel.
La néréide attend sur son roc, immobile,
Les agapes de sang, les lippées les plus belles.

Le galion hollandais, malgré de lourdes pertes,
Reprend son cap au nord. Quant à l'anglaise nef,
Elle demeure là. Sa carcasse est ouverte,
Ses canons boivent l'eau, son timon est sans chef.

Le carême prend fin pour la gracieuse ogresse.
L'équipage vaincu laisse sur son autel
Une bien tendre hostie, un sanglant vin de messe,
Des hommes presque morts mais bien assez pour elle.

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