La violence engendre la violence
daniel-m
Voici un film très controversé, culte pour les uns, scandaleux pour les autres. Pour certains une ode à la violence, pour d'autres un pamphlet sur l'hypocrisie de notre société. Sorti en 1971, ce film de Stanley Kubrick surprend, choque, il interpelle par son sujet « la violence » gratuite. Après la sortie du film, plusieurs délinquants britanniques ont déclaré avoir pris exemple sur le film. Des lettres de menaces envahissent la boîte aux lettres de Stanley Kubrick qui prend peur pour ses enfants. Il demande à Warner de retirer le film des salles de cinéma britanniques en dépit de son grand succès. Le film est alors retiré et ce n'est qu'en 2000, c'est à dire après la mort de Stanley Kubrick, que le film est à nouveau projeté au Royaume-Uni. Il avait fait plus de 7 600 000 entrées rien qu'en France.
Orange mécanique est tiré de l'œuvre de Anthony Burgess, « A Clockwork Orange » paru en 1962. Le titre Orange Mécanique vient d'une vieille expression londonienne, « bizarre comme une orange mécanique », c'est-à-dire très étrange ou inhabituel. Bien que l'œuvre cinématographique de S. Kubrick dépeigne assez bien le roman d'Anthony Burgess (que j'ai lu il y a trente ans), quelques instants clés ou quelques détails ont été supprimés donnant au film son caractère, tout en incrustant les manies cinématographiques de l'immense S. Kubrick qui était réputé n'avoir qu'une seule référence, la sienne.
Mon synopsis sera volontairement court, car je n'ai pas trop envie de dévoiler ce film aux plus jeunes qui ne l'auraient pas encore vu. De nombreux autres sites l'on d'ailleurs déjà fait. Disons que l'univers qu'a créé SK est fantastique d'authenticité et d'originalité. Il y a d'abord l'histoire en elle-même, divisée en trois chapitres d'environ 40 mn chacun. Le film dure ~ 135 minutes.
Il y le langage, le vocabulaire de ces hooligans. Alex et sa bande, les « droogs » ou « droogies », s'expriment dans un argot anglo-russe auquel l'auteur du roman, Anthony Burgess, a donné le nom de « Nadsat », le mot « droog » faisant ainsi référence au mot « ami » en russe. Leur boisson préférée est le « Moloko+ », un lait « dopé » (speed, crack et mescaline synthétique). Ils errent dans la ville en enchaînant passages à tabac, viols et affrontement entre bandes ennemies.
Il y a les images, épurées, sobres. L'architecture et la déco surlignée très seventies. L'histoire était censée à l'époque se dérouler dans un avenir proche et de nombreux clichés caractérisant aujourd'hui les années 70 sont criants de caricature mais également d'authenticité.
Et puis il y a la musique qui tient ici une place de choix. Nous connaissons la préférence pour la musique classique de SK à travers notamment le film 2001 odyssée de l'espace. Dans Orange mécanique c'est la 9ième de Ludwig Van Beethoven qui est à l'honneur. L'œuvre est d'ailleurs étroitement liée au personnage principal du film. La touche particulière à cette bande son est l'utilisation d'instruments et d'effets « modernes » pour l'époque, tels que le synthétiseur, le vocodeur ou le flanger qui détournent une œuvre classique. Une grande première alors, dans l'histoire du cinéma.
L'histoire se passe en Angleterre, dans un futur proche. Alex DeLarge est un jeune délinquant passionné par la musique de Beethoven, obsédé par le sexe et adepte de la violence qu'il se plait à appeler « ultraviolence ».
Un jour, un cambriolage dégénère en meurtre et, trahi par ses fidèles « droogs », Alex est arrêté par la police et condamné à 14 ans de réclusion criminelle. Deux ans plus tard, pour sortir de prison, il se porte volontaire pour tester une thérapie révolutionnaire, financée par le gouvernement. [...] Après sa remise en liberté, il apparaît totalement brisé et sans défense face au reste de la société.
Chassé et agressé par tous, il se réfugie chez un homme, qui s'avère être une de ses anciennes victimes....
Malcolm McDowell : Alex DeLarge Patrick Magee : Mr. Alexander, l'écrivain Michael Bates : le gardien-chef Warren Clarke : DimJohn Clive : l'acteur Adrienne Corri : Mrs. Alexander Carl Duering : le docteur BrodskyPaul Farrell : le clochard Philip Stone : Mr. DeLarge, père d'AlexAnthony Sharp : le ministre Steven Berkoff : le commissaire David Prowse : Julian
Récompenses.
Prix Hugo 1972 NYFCC Award du meilleur réalisateur.
4 nominations aux Oscars du cinéma : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleur montage.
Le film a été élu meilleur film de l'année 1972 par le New York Film Critics Circle
La première partie du film est une démonstration amorale de violence, de viols et de débauche, particulièrement indigeste et souvent difficilement supportable, mais elle est pourtant nécessaire à la compréhension du message de Stanley Kubrick et d'Anthony Burgess. Orange mécanique n'est pas un film sur l'apologie de la violence, mais une réflexion sur les impasses de notre société. Les parents d'Alex sont très absents et se conduisent de manière assez irresponsables. On peut d'abord se poser la question si des parents qui n'ont pas ou plus de repères sont capables d'en transmettre à leurs enfants. La violence est ici l'expression de la haine, le refus des règles de la société. C'est ensuite la jouissance du sentiment d'être libre, sans contrainte. Les lois et le respect étant ignorés, tout devient facile et sans limite. J'appellerais cela « l'anarchie stupide ».
La deuxième partie du film nous interroge sur le conditionnement que provoque volontairement ou involontairement notre société. Ce que l'on appel également la théorie de Pavlov, très en vogue et très controversée dans les années 70. Clin d'œil à la religion, à ses doctrines sur l'asservissement des masses, à travers l'aumônier de la prison.
Un individu, qu'il soit mauvais ou bon, perd il tout ou partie de son intégrité ou de son identité et donc sa liberté en étant conditionné par les contraintes infligées par la société, par des règles et des lois ?
Il n'était pas encore à l'époque, habituel de parler du lavage de cerveau que nous subissons nous aujourd'hui quotidiennement de par les médias, bien que des allusions très claires soient faites quant à la manipulation des peuples par ce moyen. Une autre question, pas innocente du tout qui est la suivante se pose également. Un homme à qui on a retiré tout moyen de se défendre, à qui l'on a inhibé toute forme de violence est il encore capable de répondre logiquement à la violence ? A vivre et à s'intégrer dans la société ? Le film nous dit que non.
Enfin, un homme est il encore un homme si on ne lui laisse plus son choix de vie ? Si on lui impose sa ligne de conduite.
La troisième partie essaye de nous démontrer simplement qu'inévitablement, la violence engendre la violence. Que les gouvernements qui se gargarisent de vouloir faire disparaître la violence par tous les moyens pour la sécurité et le bien être du peuple, n'hésitent pas à la provoquer pour faire tourner les choses à leur avantage.
Orange mécanique est un carton rouge à l'hypocrisie de notre société, une œuvre cinématographique majeure.
Je soulignerai également le côté moderne et avant-gardiste de ce film de l'immense « movie maker » qu'est Stanley Kubrick. En effet, même si le film vieillit un peu, si la bande son paraît un peu surannée, les questions posées, restent elles, terriblement d'actualité.
Ce film un peu particulier est un immense chef d'œuvre. Je n'ai pas rédigé cette chronique pour les gens de ma génération qui l'ont probablement tous vu. Mais pour les plus jeunes d'aujourd'hui, à partir de 16 ans, qui connaissent pô !!! Pour qu'ils se creusent un peu le ‘goliwak' en se posant ces simples questions, ...
« La violence a-t-elle encore sa place dans notre société moderne ? »
« La violence fait elle avancer les hommes ? »
« La violence est elle une finalité en soi ? »
Let's singing in the rain, just singing in the rain, to be happy again...
Le mot de la fin:
Il existe un ouvrage récent assez inquiétant que je n'ai pas lu en totalité qui se nomme « La France orange mécanique » de l'auteur Laurent Obertone. Le gars a été assez rapidement catalogué FN et tout le toutim, mais bon, c'est presque déjà un autre débat. Et puis, en France on aime les débats, blablater longuement sur les choses pour glisser, afin d'éviter le simple et si évident bon sens.
C'est lorsque l'on visionne aujourd'hui des œuvres cinématographiques comme celles de Stanley Kubrick ou de David Cronenberg que le mot « visionnaire » prend tout son sens et ça fout la pétoche ! Comme ils aiment à le dire aux millions de fans sur NetFlix, … Winter is coming ;o)
Prenez soins de vous.
En regardant ce film à l'époque nous étions tous et toutes trop loin d'imaginer que la réalité dépasserait, et continue toujours de dépasser, la violence mise en scène de façon si obsédante ar kubrick.
· Il y a environ 6 ans ·Mais nous n'avons pas vécu la guerre, la mère de toutes les violences autorisées de quelque bord que l'on soit !
Christian
Oui, la guerre, violence légalisée ! L'homme est un animal complexe.
· Il y a environ 6 ans ·daniel-m
En tout cas un film visionnaire à l'époque...
· Il y a environ 6 ans ·Sy Lou
J ai vu ce film 2 fois. Une fois lorsqu il a été
· Il y a environ 6 ans ·remasterisé sur grand ecran. J'avais a peine une vingtaine d'années et je me rappelle avoir trouvé le film génial il m avais même fait rire par moment. ... Je me rappelle ma mère qui m avait trainee au ciné pour ma culture qui avait l'air horrifiée a cet instant.
Je l'ai revu une dizaine d'années plus tard, j étais devenue maman. .. J'au cru vomir avant la fin....
Depuis, j'ai connu la viloences de l'Homme celle de la société, son laxisme, et sa justice sélective...
Je vois les banlieues s'enflammer la haine et la vilence monter, et on l'excuse pour plein de raison ... Viendra le jour ou on l officilisera comme dans American nightmare...
J'aurai juste une vision supplementaire a cette analyse : on essait de guérir de la viloence... mais la perversion peut elle être soignée ? Même après lavage de cerveau un être instinctivement violent ne finit-il pas par le redenir ?
Et une question : la perversion est-elle réellement liee a l'éducation, l'entourage familial (ou son absence) ou ne serais-ce pas quelque chose qui serait présent dès la naissance et contre lequel on ne pourrait rien en définitive ?
dentelles-rebelles
Un peu les deux je pense. Il n'y a pas de recette, je prends pour exemple le film "american psycho" où un golden boy plein aux as, s'emmerde tellement qu'il devient un psychopathe pour passer le temps. Dans nos sociétés dites modernes, la violence, quelle qu'elle soit, devrait être interdite. Mais nous avons toléré des zones de non droit, nous tolérons la violence pour certains, nous la punissons pour d'autres ... Je ne souhaite même pas parler de la violence sur les animaux qui est encore plus vile. La violence est la réponse des imbéciles, certainement pas celle des sages. Merci pour ce commentaire.
· Il y a environ 6 ans ·daniel-m
Belle analyse et culture encyclopédique du cinéma, bravo, l’artiste ! :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
Merci ! J'ai un peu de temps, je suis en vacance (jusqu'à ce soir) :o(
· Il y a environ 6 ans ·daniel-m
les grandes vacances, quoi ? ;oàà
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
J'ai revu quelques extraits, il n'y a pas longtemps et évidemment, ça m'a donné "froid dans le dos".
· Il y a environ 6 ans ·Chronique très instructive, merci.
Louve
Vous donnez envie de le voir ou bien de le revoir. J'aime assez votre chronique qui est très bien écrite.
· Il y a environ 6 ans ·Lady Etaine Eire
Merci !
· Il y a environ 6 ans ·daniel-m