La voix et la raison
ysabelle
Je ronge mon frein. Il est en retard. Enfin, il ne m’a pas donné d’heure mais il est plus tard que d’habitude. Je regarde la télévision en changeant rapidement de chaine, incapable de focaliser mon attention sur les programmes. Au fond de moi, une petite voix raisonnable m’appelle au calme. Au bout du compte, il ne s’agit que d’une demi-heure. Il suffit qu’il soit entré en conversation avec l’un ou l’autre pour que le temps passe sans qu’il ne le remarque. Je l’entends cette voix mais l’autre, plus pernicieuse, s’insinue dans ce discours rassurant.
Il a peut-être eu un accident en chemin. C’est vite arrivé. Et puis comment veux-tu être prévenue ? Qui sait que tu es sa compagne ? Qui peut donner tes coordonnées ? Même sa mère n’a pas ton numéro de téléphone.
En même temps, vous avez la même adresse et il y a toujours moyen de trouver reprend la première voix.
Oui mais…
Es-tu certaine qu’il est bien allé où il le prétendait ? Ne serait-il pas avec une autre ? Ne devrais-tu pas essayer de le joindre pour voir s’il répond de suite ?
Sagement, l’autre rétorque : de toute façon, il n’a pas son portable à portée de main là où devait aller. De réponse tu n’en auras de toute façon pas. Attends, il rentrera. Ne montre pas ta nervosité. A priori, rien de mal. Vous n’en êtes pas encore au point de devoir rendre des comptes sur chaque minutes que vous passez chacun de cotre côté. Toi-même tu ne supporterais pas qu’il s’énerve dans la situation inverse.
Tu es jalouse, l’inquiétude n’est qu’un prétexte, tu te mets à imaginer la pire des infidélités. Tu sens l’angoisse qui petit à petit s’insinue dans ton ventre. Et ça bout, ça bout. Tu fais les cent pas. Tu oscilles déjà entre l’obligation de rester tranquille et l’envie d’explications.
Tu entends la clef dans la serrure. Vite, tu te rassieds dans le fauteuil et zappe sur une émission culturelle faisant mine d’être absorbée. Mais à l’intérieur, la vilaine petie voix est encore là. Elle se débat, piétine, hurle et te chauffe le cœur.
Dans un premier temps, tu restes muette mais tu ne te tournes pas lorsqu’il s’approche pour t’embrasser. Tu n’as rien dit mais il a compris.
Tu as un problème ?
Alors cette sale voix explose dans ta gorge, fière d’avoir écrasé la raison. Elle exulte et crache dédaigneusement un : où étais-tu ? sourd et cinglant, ça fait plus d’une heure que ta séance de sport est finie. J’avais peur qu’il te soit arrivé quelque chose – mensonge – Tu aurais pu prévenir !
Dans un premier temps, posé, il croit à ta peur et se veut apaisant. Non, tu vois, tout va bien, je suis là.
Ton regard est noir. Loin de te calmer, tu prends sa réponse pour de la désinvolture. Qu’est-ce qu’il croit ? Que tu vas en rester là ? Qu’il suffit d’une seule phrase pour que le problème s’évapore ? El le doute qui coule au fond de toi, le doute qui fait de toi la femme vieille, moche, insipide et trompée. Que vas-tu faire ? Comment l’effacer alors qu’il t’empoisonne ?
Face à l’agressivité de ton attitude, réponse agressive évidemment.
Qu’est-ce qui se passe, tu ne te sens pas bien dans ta peau ? Le ton est cynique.
Tu es blessée, une fois de plus. C’est de ta faute, toujours, il ne se remettra jamais en question. Tu as eu une heure pour visualiser les scénarios les plus sombres mais c’est toi qui est déséquilibrée.
Il a raison. Ça fait encore plus mal. Tu te rends compte qu’il est trop tard pour faire marche arrière. Trop orgueilleuse, tu refuses catégoriquement d’admettre que tu as pu te fourvoyer.
Il était avec une autre. C’est impossible qu’il en soit autrement. D’ailleurs, tu sens son parfum sur son pull. Il a pris une douche mais la laine a gardé la trace de celle qui est, certainement, plus belle, plus jeune, plus compréhensive. Tu les vois. Tu le vois avoir ces gestes avec elle qu’il te refuse à toi. Tu le vois aimer ses caresses alors qie les tiennes, il les repousse. Tu le vois lui sourire alors que toi tu affrontes sa froideur depuis des mois. Tu le vois heureux alors qu’avec toi il ne l’est plus. Tu ne le mérites pas !
J’entends la clef dans la serrure. La porte claque. Il dépose ses affaires, bouge son manteau et vient vers moi. Je suis odieuse. Il va me quitter ce soir.
....c est très beau....comme d habitude...
· Il y a presque 12 ans ·mery
Que la jalousie est bien décrite ici, cela m'a fait penser à un magnifique film de Claude Chabrol avec Emmanuelle Béart et François Cluzet intitulé "l'enfer" tourné je crois en 1994.
· Il y a presque 12 ans ·valjean
la jalousie est le meilleur moyen de se pourrir la vie, et certaines ne s'en privent pas lol!!!ici ceci fait un excellent texte alors pourquoi ne pas en profiter
· Il y a presque 12 ans ·franek
je ne te savais pas attirée par la Galice à ce point mais tu nous dira quand tu pars à Noia
· Il y a presque 12 ans ·surtout s'il ne venait pas ...mais s'il venait...ou pas ...viendra-t-il...voudra-t-il venir ...AaaHhhhh...l'angoisse...pentacoeur ma priviliégeoise...Amicalement jm
Jean Marc Frelier