LE CHAOS SELON SOPHIE -2

La nuit avance et je ne dors toujours pas. Je me remémore les dernières journées, je n'arrive toujours pas à faire la paix avec moi. J'en suis désemparée. Le bras d'Angela m'entoure.

J'entends des voix qui m'appellent. Je me libère sans l'éveiller et je luis offre mon oreiller. Elle reprend immédiatement sa pose. Que de découvertes à regarder les gens dormir.

Je me lève aussitôt, j'enfile mes vêtements et je me glisse dans la nuit. J'entends de nouveaux ces voix qui murmurent. Je démarre ma voiture et je me rends à domicile.

Dès mon arrivée, les silences de la maison m'agressent. Je me sens isolée et je suis seule. Je me dirige vers le grand salon et, sans trop savoir pourquoi, je prends, un à un, les vases et je les dépose au sol. La noirceur est cuisante. J'allume quelques petites bougies et les parsèment un peu partout. J'ai ce goût d'encens à la framboise, cette saveur des baisers de Marie. L'urne d'Emmanuel est vide. Que doit-elle contenir? Sûrement pas l'un de ses membres! Que sont les cendres, sinon l'âme, le cœur et le corps d'un être cher, réduites à une totale décomposition... Je me rends à mon bureau et j'imprime quelques poèmes d'Emmanuel, sur un papier très fin. Je craque une allumette et je les brûle. Je ramasse délicatement les cendres et les dépose là où elles doivent enfin se retrouver.

Je m'assois les jambes repliées et je contemple les ondulations que les flammes peignent à l'infini. Autant d'images que de souvenirs. Curieusement, je fais partie de ces tableaux. Maintenant je ne suis plus seule. Je participe à une farandole que je ne connais pas : Le grand ballet de l'éternité.

Tout en me laissant bercer par cette danse incandescente, je ne peux que me rappeler cette si courte phrase, que m'offrit, un jour, un prince de Tottori, me disant si doucement ceci : «SueMai, prends soin de ceux qui t'aiment.»

Sur ces paroles, le sommeil me gagne et je m'étends sur la moquette. Ma nuit est magnifique. Elle m'entraîne dans des mondes imaginaires, là où le temps se meure. Nous parlons... Je ne reçois pas d'explications, mais la si grande joie de tous les revoir réunis.