Le coeur, la raison et moi

christinej

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Je devais faire un choix et je l'ai fait.

On ne peut pas rester planter indéfiniment au milieu d'un croisement.

L'indécision ça gratte la peau.

En plus, me sentir tirailler de l'intérieur entre mon cœur et mon semblant de raison. A l'extérieur, d'un cote mon bel et tendre Amour et ma famille vraiment bornée, ça le faisait moyennement.

Alors j'ai choisi de suivre mon cœur, vous voyez.

Quand on est assis au milieu d'un carrefour il faut bien réagir avant de se faire écraser, moi j'ai donné la priorité à ce qui me faisait du bien. A ce courant d'air chaud que me caressait de l'intérieur.

A cette époque je devais penser que j'étais une montgolfière, mes pieds qui touchaient plus terre et gonflée d'air chaud.

On dit que l'amour rend aveugle, ça rend sourd aussi et je suis à peu près sûr que cela lobotomise aussi.

Car, dès que les petits nuages, les p'tits pioupious et leur chant casse-bonbons sont virés, la réalité c'est comme quand tu prends une douche bien chaude et qu'il y a un con qui tire la chasse en même temps, ça brule et après, putain que t'as froid.

Je viens d'avoir 25 ans, quoi!

Merde 25 piges, on dirait pas, hein?

J'ai l'impression d'en avoir au moins 100 et c'est pas les cernes sous mes yeux qui diront le contraire.

Avant, je m'habillais sexy, je faisais attention à moi. Des dessous, très coquins, des dessus, très féminins. Mais attention, rien de vulgaire, hein. Je me trouvais jolie alors…je le montrais aux autres. J'avais un certain succès, j'étais pas non plus une Marie-couche-toi-là. Je faisais attention à moi, c'est tout.

Aujourd'hui je vis en jeans, t-shirt avec des culottes de grand-mère, en coton, aux motifs de tasses à café. Je n'en reviens même pas, d'être descendue aussi bas.

Des culottes de grand-mère quoi, à mon âge!!!!

J'ai quitté ma famille, mes amis, pour suivre l'amour de ma vie, vous savez celui avec un A de tout à l'heure.

J'avais un boulot, ok un boulot de serveuse, mais c'était pénard et le boss était super cool et je me faisait des tips d'enfer.

Je suis toujours dans le milieu de la restauration, je suis en rouge et jaune, je pue les frites du matin au soir et je peux vous dire que ça fout la gerbe.

Je vivais chez mes parents, moi, avant. Tout était gratis, la bouffe, l'électricité…

Tout quoi!

En plus je faisais rien, ma maman elle faisait tout pour moi, mon linge, le ménage, le repassage, la cuisine. Mes vêtements ils sentaient toujours bon la lavande, celle des petits sachets qu'elle mettait dans mon armoire. Combien de fois je lui ai dit que c'était ringard et que je me suis foutue de sa tête de vieille…

J'étais bien, en fait, dans leur petit pavillon bourgeois de banlieue, avec jardin. La façade en crépis blanc cassé. Les gravillons dans l'entrée qui crissent, quand une voiture roule dessus. Les parterres de fleurs et la pelouse, le petit coin potager. Tout ce que je trouvais si vieux, si moche, eh bien je le regrette maintenant.

Je regrette tout ce que je leur ai dit, qu'ils puaient le vieux, qu'ils me faisaient honte.

Je me fais honte moi maintenant, vous savez.

Là, je vis dans un HLM miteux, encore plus graisseux et poisseux qu'un fond de friteuse, même ma poubelle, sent meilleure. Pas de jardin, il y a un parc pas loin, où pousse des fleurs de capote et des brassées de mégots. On a une vue imprenable sur un boulevard qui ne dort jamais. Et je vais pas voiler la face, mais j'suis nulle pour m'occuper d'une maison. J'ai failli faire cramer l'appart au moins 2 fois en essayant de faire la bouffe.

Je sais ce que vous vous dites, qu'elle a trouvé au moins l'amour. Oui, ben, l'amour ça nourrit pas son homme ou sa femme.

Oui mais nan…

Au début j'ai cru vraiment que j'avais trouvé le bon, le seul, l'unique grand amour de ma vie. Au début, oui, on était bien, c'est vrai. Mais ça dure pas.

Le tableau que l'on se peint dans la caboche, il s'effrite, ça tombe en…comment on dit déjà….ah oui dé-cré-pi-tude.

Maintenant, on fait que s'engueuler, pour tout, pour rien. Et quand on s'crie pas dessus, il y a trop de silences, trop d'absences. On est plus rien, que des colocs pas plus.

Oui, enfin, quand je dis colocataires, lui il est en jachère, il en fout pas une rame dans l'appart, sauf peut être balancer ses chaussettes partout, et il est au chomdu depuis presque deux ans maintenant, vous vous rendez compte. En plus il invite ses potes de beuverie. Et ses potes ça fument, ça se goinfrent comme des porcs, ça petent, ça se grattent les couilles et ça vous dit merci en rotant, alors…

Parfois lui, il part pendant plusieurs jours, pour s'aérer la tête, comme il dit. Je vois pas ce qu'il doit aérer, il est vide à l'intérieur, même pas un neurone, rien. Nada, zip, nothing…le néant total. He bien quand il rentre, sans explication, on dirait qu'il s'est roulé dans une fausse à purin tellement il pue.

Je le trouvais beau mon Michel, un peu badass, rebelle, un super tatou sur l'épaule, toujours un peu crade mais je pensais que c'était juste un genre. Non, il est crado naturellement, sans attitude. Je pensais qu'il était rebelle car il disait F**k you à tout, mais en fait c'est quand il ne comprend pas qu'il dit ça et je peux vous dire il comprend pas grand-chose, Michel.

Quoi?…..pardon?…oui je suis désolée….

S'il vous plait, ne vous énervez pas monsieur l'agent, je sais que je bloque la circulation, que je suis au milieu du carrefour. Je le sais, c'est l'histoire de ma vie. Je dois décider ce que je dois faire maintenant, car je pense vraiment qu'il faut que je le quitte, vous croyez pas?

Il faut que je retrouve ma priorité et c'est moi et mon bien être. Oui, je dois le faire, je vais le faire.

Merci monsieur l'agent, vous m‘avez vraiment beaucoup aidé.

C'est bon, je circule, monsieur l'agent, promis je ne recommencerai plus.

Je devais faire un choix et je l'ai fait.

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