Le coeur s'ouvre sur la langue.

Rose Bottlebrush

Dites-moi messieurs, n’avez-vous jamais pensé à décor­ti­quer le plaisir que vous apporte une clé­men­tine ? Vous la regardez, vous l’appréhendez, vous choi­sis­sez celle-là plutôt qu’une autre. Vous la prenez dans votre main, vous l’emportez… jusqu’au moment où vous décidez de la manger. Vous ne pou­vez pas cro­quer dans une clé­men­tine avant de l’avoir désha­bil­lée de sa peau pro­tec­trice. Vous l’avez vue mûrir, s’affirmer. Et puis elle nous annonce qu’elle est prête avec ses joues rou­gies. Il y a un cer­tain plaisir à éplucher une clé­men­tine. D’abord, vous savez que vous allez vous salir les mains, et sou­vent vous vous en moquez. Vous salivez, et vous enfon­cez douce­ment vos ongles dans sa peau. Morceau après morceau, selon l’envie de la clé­men­tine, vous la dénudez plus ou moins rapi­de­ment. Et dessous : la den­telle blanche. Si vous êtes gour­mand, vous pou­vez déjà cro­quer dedans sans atten­dre. Ou alors attraper entre vos doigts chaque ruban à défaire pour dévoiler sa chair. Mag­ique : la dégus­ta­tion de la clé­men­tine, con­traire­ment à l’orange, ne laisse jamais un goût amer, mais un sou­venir ten­dre et précieux.

Mais nous sommes bien loin de la sai­son de la clé­men­tine. Et avant de cro­quer dans la pomme, ne l’oubliez pas. Plus lunaire que luna­tique, en orbite autour des sou­venirs, elle reste clé­mente et cyclique. L’expression française dit que quelque chose qui est loin des yeux reste loin du cœur. En médecine chi­noise, on dit que le cœur s’ouvre sur la langue. Le Petit Robert devrait faire atten­tion à ses méri­di­ens. La femme est une clé­men­tine comme les autres.

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