Le diktat de l'envie
Fanny Chouette
Tu es à moi.
Je l'ai su à la seconde où mon regard s'est posé sur toi. Mon encéphale aussitôt a pris le relais pour te détailler, la moindre de tes cellules disséquée, tu es à moi. Les résultats sont formels : notre taux de compatibilité dépasse l'entendement. Je sais aussi que ta liste de prétendantes est longue comme un opéra russe non sous-titré. Que la meilleure gagne.
Tu vois, ces choses-là ne se commandent pas. Tu n'as rien dit, rien fait pour attirer mon attention. Il devait en être ainsi, youpi.
Depuis l'extérieur, je vois déjà les nombreuses têtes féminines s'amasser autour de toi, groupies pré-pubères face à leur rockeur de fantasme. En retrait, je préfère la jouer fine. Si je dois t'obtenir, tu viendras à moi. L'histoire est écrite.
Renonce dès à présent à l'idée tordue de me fuir. Je te reconnaîtrais entre mille, toujours. Toi seul sais posséder ainsi le regard de quiconque se laisse hypnotiser. Toi aussi, tu sais ce que tu veux.
J'imagine déjà les présentations alentours de rigueur, et pour masquer la jalousie de mes amies incendiant leurs pupilles, elles se contenteront d'un "Tu le mérites, vous allez vraiment ensemble." Je veux, oui !
Chaque fois que je devine te croiser, je m'apprête, travaille ma tenue pour élire celle qui nous mettra le plus en valeur, toi et moi. Je te préviens, je vais vite en avoir assez de me cacher, de vivre au rythme de mon palpitant désaccordé de ne pas te posséder totalement. Attends-toi à ce qu'un de ces prochains matins brumeux, ma robe assortie à tes nuances vienne te cueillir. Ce sera doux tu verras, je réglerai ta caution libératrice en espèces. Ne pas faire de vagues, c'est le secret des Grands.
Devant l'enseigne, tu me demanderas ma main, les yeux pétillants j'accepterai, jusqu'au bout des ongles. Et puisque c'est tout ce que tu obtiendras de moi : je t'offrirai mes dix doigts, soumis au désir de brillance, et te rangerai là, bien en valeur aux côtés de tes trente-quatre déclinaisons pigmentées. Vernie de notre idylle, j'attendrai alors que tu t'écailles, lentement. Et puis je me lasserai de trop te posséder. Le dissolvant aura raison de nous, mon Trésor.
Alors seulement tu réaliseras : hé, tu t'es fait entuber.
(c) 2012.
Très joliement amené
· Il y a plus de 12 ans ·bravo Fanny
Laurent H
Effectivement, je me suis dit, en lisant le dernier paragraphe, que vous ne parliez pas d'un homme, mais, après avoir été déstabilisé un temps, je suis revenu à cette première idée. En lisant "tes trente-quatre déclinaisons", j'ai cru que ce pauvre garçon avait 34 ans !
· Il y a plus de 12 ans ·J'aime bien la violence de ce texte.
Christophe Dessaux
je me suis faite avoir!c'est très bien tourné!
· Il y a plus de 12 ans ·Sweety
Merci pour vos encouragements ! Et permettez-moi une précision concernant la dernière phrase : l'emploi du verbe "entuber" est tout à fait assumé, c'est un jeu de mot déguisé pour signifier que je parlais bien durant toutes les lignes d'un flacon, ou "tube" de vernis à ongles.
· Il y a plus de 12 ans ·Fanny Chouette
Je n'aime pas la dernière phrase, trop vulgaire! mais ce qui précède est bien tourné et original. J'ai tout lu, c'est bien. Encore!!!
· Il y a plus de 12 ans ·AMISDESMOTS
amisdesmots