Le logement parfait (2)

arthur-roubignolle

Le logement parfait (2)


J'ai toujours rêvé d'être architecte !

Aussi lorsque le gouvernement me proposa de prendre en charge le programme de reconstruction des logements suite à l'attaque nucléaire du Monténégro sur la France, j'acquiesçais tout de suite et me mis au travail...


Ne voulant pas faire n'importe quoi, j'étudiais tout d'abord les théories de Le Corbusier, ce grand précurseur du béton joyeux.

Je me penchais sur les œuvres des maîtres du Bauhaus. (Le beau Bauhaus qui plait tant aux bobos en hausse...)

J'examinais aussi soigneusement les réalisations audacieuses de Frank Llyod Wright et de Ieoh Ming Pei.


Mais tout ça me paraissait un peu suranné, un peu surfait, dépassé pour tout dire...

Ce n'étaient en fin de compte que des bétonneurs astucieux, du verre, du béton, du verre du béton, toujours la même chose, et de temps en temps du béton coloré pour changer...

Rien que du tape-à l'œil pour décrocher des commandes d'État...

Il fallait trouver quelque chose de radicalement différent, de complètement neuf...


Et là, j'eus une illumination, une géniale illumination...


Pourquoi construire « des » logements ?

Ne valait-il pas mieux, dans un souci d'économie, de rapidité d'exécution des travaux, ne construire qu'un seul logement ?


Oui, mon idée révolutionnaire c'était ça, ne construire qu'un seul et immense logement pour les quarante trois millions de français survivants...


Mon idée fut acceptée avec enthousiasme par le gouvernement, on me donna tous les crédits, tous les ingénieurs nécessaires.

J'avais carte blanche totale.


Et la construction de la plus massive et plus haute tour que le monde ait jamais connu commença...


Elle faisait cinquante kilomètres carré de base et s'élevait à cinq cent mètres de hauteur...


Une fois qu'on y eut mis les quarante trois millions de survivants de l'holocauste nucléaire, il restait encore plein de place... de quoi loger encore le double...


Pour gagner de la place dans ma tour, chaque français disposait d'une cellule d' 1,60 m de long, large de 75 centimètres et haute de 80 centimètres.

Certains me diront que c'est petit, mais je leur rétorque qu'on s'y fait vite...

C'est une question d'habitude...

Dormir les genoux pliés, la tête penchée légèrement inclinée vers le ventre et les bras le long du corps, sans bouger, on s'y fait très vite et ça devient même agréable...


Si agréable qu'au début on retrouva pas mal de gens morts à l'intérieur de leurs cellules, ils n'avaient pas voulus en bouger tellement ils s'y sentaient bien...


Ce fut d'ailleurs à ce moment que j'eus ma seconde idée de génie...

Comme il n'y avait plus de place dans les cimetières, il suffisait de boucher la cellule avec un bloc de béton et celle-ci devenait une tombe tout à fait convenable...


Les français, un peu réticents au départ (vous les connaissez, ils sont toujours un peu septiques sur les idées nouvelles), m'applaudirent bientôt, me félicitèrent pour mon audace...


Vingt ans après la construction de la tour, l'on constata que la nouvelle génération de français était plus petite que la précédente.

Un français moyen ne mesurait plus qu'un 1,60 sur 0,75 de large...


C'est fou comme mes compatriotes s'adaptent rapidement aux nouvelles situations...




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