La méduse

Virginie

Dans le mouroir...la méduse s'éveille


Son regard est transparent, ses yeux s'accrochent au plafond puis descendent lentement vers mon visage comme deux petits ballons crevés.

Je regarde, tétanisée, le corps mou, ratatiné...la méduse échouée.

Je reste à distance, j'ai peur qu'elle projette ses tentacules vers moi, m'enlace, me ligote, m'attire dans ses eaux troubles, enfouisse ma tête dans le bouillon de ses draps de vagues froissées Je respire avec difficulté, mon cœur bat à tout rompre. Je me contrôle, je me contrôle.


Encore un pas en arrière. Trop tard. Elle ouvre la bouche. L'écho me parvient.

Une voix caverneuse à peine audible, une voix que je ne connais pas...

-Caaaa …caaaaaaaaa vaaaaaaaaa aaaaalleeeer…


La bête remue, ses tentacules se rétractent, prêtes à déployer ses harpons gorgés de poison.

Le cnidaire n'a pas de cerveau ni de poumons ni de sang, c'est une masse gélatineuse, en son centre une bouche-anus.

Elle capture ses aliments grâce à ses tentacules.

Lorsque le nématocyste est injecté, sa proie est immédiatement paralysée.


Méfiante je recule encore d'un pas. Je chuchote :

- Ça va aller maintenant. Tout va bien, ne t'en fais pas.

Encore un pas en arrière et je serai dans l'entrebâillement de la porte, la tête hors de l'eau.

Une épaule me bouscule, deux formes blanches ont surgi, les voilà qui ondulent autour de moi, me font signe de sortir. Je ne me fais pas prier.

J'ai encore un peu d'eau salée sur les joues, mes cheveux sont humides, je m'ébroue, resserre ma veste autour de mon corps pris de tremblements nerveux. J'ai froid, j'ai envie de vomir. Je porte à ma bouche un kleenex usagé, crache une petite glaire en forme d'algue verte.

J'avale une grande goulée d'air, j'ai bien failli me noyer.


Bientôt on arrache les bras translucides de la méduse qui perforent les poignets et l'estomac de ma mère, on tire d'un coup sec sur le piercing en plastique accroché à son nez .

La bête a enfin quitté le corps de maman!


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