Le pharmacien

Hervé Lénervé

Comment un pharmacien crée une destinée.

- C'est quoi, ton nom, déjà ? Silfride Alanver ! Si cela ne te dérange pas trop, je vais t'appeler Sil. Car, sans vouloir te vexer, ton prénom accroche. Il ne coule pas de sources liquides. J'ai toujours eu des difficultés avec les mots qui rocaillent. Par exemple, « Préservatif ». Là, ça va, parce que je suis dans une ambiance amicale, apaisée, décontractée du gland. Mais jeune, j'étais incapable de le prononcer correctement à la pharmacie et j'avais droit au sourire condescendant sarcastique du pharmacien. Il faut dire, qu'ils n'ont pas beaucoup d'occasions de distraction à distribuer leurs médocs, du matin au soir. Une petite vexation, par-ci, par-moi, ça fait toujours passer le temps. Puis, il me remettait une boite de dix, en rectifiant bien fort pour que tous en profitent. Une boite de PRESERVATIFS pour le jeune homme ! Enculé, va ! Ce fut ce jour où j'abandonnais ma vocation de faire médecine. Je quittais le CM1, pour rentrer à l'Usine voisine.

J'ai aussi, « obnibulé », qui me pose problème à l'orale comme à l'écrit.

Et « inoptisé », car je m'endors avant. Autrement, je n'ai aucune difficulté avec « Jean », même « Jean-Luc » ou même encore « Jean-Luc-Pierre Alanver » pour ceux qui ne veulent pas vexer les ancêtres. Tu me diras et s'ils sont une tribu ? On les met sur la liste d'attentes pour les prochains.  Mais je parle, je parle et tu n'as encore rien dit.

- Pourquoi, il y avait quelque chose à dire ?

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