L'eau se déplie*.

ellis

Sans crier gare sous la courbe de mes sourcils j'ai les mots d'Eluard qui se mettent à bouger. Des bouts de. Indistincts. Avalés il y a mille ans. Expirés inspirés avec tout ce qui est inspiré expiré. Souffle. Ils chantent dans le creux de ma bouche, quelque part suspendus juste avant la gorge. Ils frémissent ils courent sous ma peau.

Plusieurs et différents. Des humeurs comme des couleurs comme des vagues. Le rythme. Comme ce sur quoi je danse à peine. Légère et le regard ne se fixant nulle part. Je suis toute entière sur la pointe des pieds. J'ai le poids du vent.

Dans mon chagrin rien n'est en mouvement.

Mon chagrin je ne le connais pas, je ne veux pas le regarder. Pourtant il me parle. Il se fraie un chemin. Chagrin du manque et mes lèvres trouveront vite le chemin de vos peaux. Chagrin de ce qui n'a pas de nom. De ce qui se termine et s'étend derrière moi. Ombre et cicatrice. Rien n'est en mouvement.

Quelque chose poursuit le chemin de la blessure encore.

Fais à cet homme de pardon une blessure
Plus profonde que la solitude
Crève ses yeux qui lui servaient à t'ignorer
Ses yeux plus dangereux que les sables mouvants*

Mais ils disent une colère une morsure dont je ne veux pas être pleine. Pourtant, ils me viennent encore parfois, et ils tirent de mon cœur des larmes libérées, des larmes qui ont le droit. Ils caressent mes cheveux et me disent des jours plus clairs. Ils me disent des acceptations que je tiens encore serrées dans mon poing.


Puis il y a ceux-là, dans lesquels ton ombre claire vient me toucher avec l‘évidence du sourire.

Le sommeil a pris ton empreinte
Et la colore de tes yeux*

Et je n'ai rien. Rien à dire. Limpide limpide limpide. Là où tu es.

Tu te lèves l'eau se déplie
(...)
Tu es la ressemblance*.

 

Mes ombres et mes lumières me font un corps. Un corps d'eau de sang dissout dans les nuits et les jours et les nuits.
Corps de chaleur pleinement habité.
Corps qui te sourit en pleine lumière. 



* Paul Eluard. 

  • Au delà de ce que nous savons, je ne peux pas m'empêcher de sourire. Parce que, tu sais, c'est redécouvrir ce qui s'est dit plus tard, sentir ce qui essayait de se taire avant, et comprendre et entendre maintenant.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Vie1

    thib

    • je sais. merci...

      · Il y a plus de 8 ans ·
      248407193 78b215b423

      ellis

  • oh très joliment écrit toujours très dense et profondément humaine tu es

    · Il y a presque 9 ans ·
    P 20140419 154141 1 smalllll2

    Christophe Paris

  • Texte très juste, très fin, j'adore. J'ai été tout simplement captivée par ces mots, ils sont tellement bien choisis et m'ont tellement faite vibrer...

    · Il y a presque 9 ans ·
    Vava wlw

    ella

    • merci beaucoup :)

      · Il y a presque 9 ans ·
      248407193 78b215b423

      ellis

  • il arrive parfois que l'on croise des textes devant lesquels on se trouve tout petit. Parce que l'on perçoit et ressent plus que l'on devine l'incommensurable grandeur humaine de celui ou celle qui qui l'a écrit...
    et tu sais quoi ? ben je crois qu'il y a un peu de ça ici ;-)
    bonne journée.

    · Il y a presque 9 ans ·
    332791 101838326611661 1951249170 o

    wic

    • devant ton commentaire c'est moi qui me sens petite. merci. beaucoup. vraiment.

      · Il y a presque 9 ans ·
      248407193 78b215b423

      ellis

  • J'aime vraiment beaucoup !!

    · Il y a presque 9 ans ·
    Ade wlw  7x7

    ade

    • merci ! (c'est un peu sa magie à lui ça)

      · Il y a presque 9 ans ·
      248407193 78b215b423

      ellis

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