L'endimanché

petisaintleu

Lorsque je me rends au Louvre, c'est en général par désœuvrement. J'y ai pris mon abonnement en prévision des dimanches après-midis d'hiver. L'été, c'est plus facile. Les touristes y sont plus nombreuses et j'ai encore assez de testostérone libidineuse en réserve pour me motiver et aller fantasmer sur des fesses allogènes que je n'aurai aucun scrupule à caresser du regard.

La fenêtre de tir pour que je m'y rende est étroite. Le matin, je privilégie les courses que j'ai reportées tout au long de la semaine. Acculé par les placards vides et par la perspective d'une disette, je me transforme alors en acheteur compulsif. En général, ce sont les gâteaux chocolatés, les fromages à pâte molle et les chips qui se retrouvent en haut du panier.

En revenant, et si le Pont-l'Évêque fait preuve de suffisamment de maturité,  il devrait déjà être largement entamé avant treize heures. On tue les minutes comme on peut en attendant le déjeuner.

Après le repas, la sieste s'abat. C'est elle qui déterminera la suite des opérations en fonction de sa durée et de l'état de la météo. Un ciel bas et pluvieux pourrait être l'alibi rêvé pour prétexter la crainte d'un refroidissement. Il faudra un jour que je comprenne pourquoi cet état semi-comateux n'apparaît que le dimanche.

Dans le cas où je parviens à émerger, je n'insiste pas si mon fils ne souhaite pas m'accompagner. Je compatis à sa léthargie. Tout en sachant qu'une fois la porte franchie, il aura trouvé suffisamment d'énergie pour s'emparer de la télécommande et sélectionner un dessin animé. Je ne saurais dire si la force qui m'extrait du canapé pour me conduire jusqu'au métro tient du miracle ou du masochisme. J'aurais pu y rester tranquillement vautré, entouré de la douce quiétude émanant du chauffage électrique.

Si je trouve de la place pour m'assoir dans la rame, je retrouverais l'entrain de mon train quotidien. J'arriverais même à me concentrer pour réfléchir sur le département du musée dans lequel je déambulerais. Dans ce cas, je décide souvent de revenir sur les pas d'une précédente visite, quand abattu d'un désintérêt soudain, je m'étais trainé, titubant, à peine conscient de croiser le regard d'une Vierge à l'Enfant du XIIe siècle ou incapable de déchiffrer un hiéroglyphe de la XXVIe dynastie.

Cette fois-ci, je ferais l'effort de me concentrer un tant soit peu sur les explications du culte du taureau Apis alors à son apogée. Je me promettrais  de prolonger mes nouvelles connaissances par une recherche sur internet. À moins que je n'ai envie de dépenser inutilement de l'argent en me rendant à la librairie située sous la pyramide. C'est surtout que je gagnerais une bonne vingtaine de minutes à me croire occupé en slalomant entre les rayonnages. Une fois n'est pas coutume, je me ferais la promesse, tout comme ce fut le cas quand j'acquis d'épais et couteux ouvrages sur l'histoire la sculpture ou sur le Bauhaus de m'y consacrer jusque la dernière page. Finalement, ils feront jolis dans la bibliothèque.

De retour, peut être que l'envie me prendra de mettre de la musique. Sur Youtube, j'écouterais invariablement les mêmes titres. Dire qu'il y a vingt-cinq ans, je critiquais le conformisme des générations précédentes.

Une fois les enfants couchés, je cogiterai devant l'éternel film du dimanche soir. L'espace de deux petites heures,  publicités incluses, je ruminerai. De mon inconscience à ne pas réagir, alors que je sais qu'il n'a jamais été aussi temps de profiter de chaque instant. C'est ça l'ennui.

  • J'ai été sensible à ce portrait. Bravo. L'horreur de la situation...ce qu'éprouve l'endimanché, je l'ai éprouvé parfois avec effroi à l'idée de mourir comme un chien. Sans avoir donné de sens à ma vie, sans qu'à la fin il n'en subsiste que des inconséquences et que je me dise que je suis passée à côté de l'essentiel. Comme déambuler dans les musées au petit bonheur la chance, la vie donne parfois ce sentiment-là de vacuité et d'agir confusément, en esquissant seulement, en restant dans le vestibule. Ce portrait, par conséquent, qui dépeint des intentions suivies ou non, des habitudes parfois vidées de leur substance, un degré plus ou moins grand d'absurdité que l'on peut percevoir, et la vie humaine, si fragile, à côté de cela, est pour moi très parlant.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Mai2017 223

    fionavanessa

  • Mince ! Demain, c'est dimanche...

    · Il y a environ 10 ans ·
    Couv2

    veroniquethery

  • Que c'est triste dimanche... petite chanson qui me vient en te lisant...Mais bon... WE Kiss

    · Il y a environ 10 ans ·
    One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

    vividecateri

  • "Après le repas, la sieste s'abat." avez-vous écrit
    Et dire que j'avais lu "la sieste s'ébat" ...
    me voilà frustrée dans ma lubricité littéraire qui ne dépend pas d'une météo saisonnière -)

    · Il y a environ 10 ans ·
    Printemps   2011   n%c2%b0 n%c2%b0 016 n b

    akhesa

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