L'Enfant-Nuit

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Et défilent les rues abandonnées.

L'enfant de la nuit, enchaîné à son propre sort que d'errer avant l'aurore, court. Il court sans s'arrêter. Ses prunelles imbibées d'encre se lèvent désinvoltement. L'insolent toise l'océan de ténèbres. Il jette l'ancre de ses yeux dans le sourire moqueur du croissant de Dame Lune. Il tend ses doigts effilochés. Il voudrait voler, mais les pavés dévergondés écorchent la peau infantile de ses plantes de pieds. Ses cottes, saillantes de ne dévorer que les rêves souillés de ses proies désorientées, brillent d'une lueur fantomatique.

Les ruelles se resserrent, l'étau se referme, sous lui la bête se débat. Inéquitable combat. L'enfant aspire les peurs tenaces et les recrâches puérilement à la figure de ses agresseurs, utopies dérisoires et larmoyantes de l'imaginaire falsifiant. Tromperie.

Dans sa prison, il se tortille. Nulles chaînes mais bel et bien entravé pourtant. Ses cheveux d'ange couvrent les morsures des démons qui rongent ses joues innocentes. Et il court toujours. Tantôt claudiquant comme un vieillard, tantôt gémissant d'un cri orphelin s'échappant de ses lèvres gonflées.

Le village est devenu labyrinthe ; l'infini reste sourd à ses plaintes. Ni remède, ni délivrance. Condamné.

Et à la fin de la nuit, boitillant de ses muscles endoloris, il tendra la main vers la pâle lueur de l'aube. Vers cet horizon où se devinent les premiers rayons traîtres. Et le soleil l'assassinera. Crime parfait et chaque nuit répété.

Ah, me disait-il, si le cauchemar avait le visage d'un enfant, on serait tout de suite plus clément.

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