Les enquêtes d’Hercule Foireaux (39)

Hervé Lénervé

Une simple affaire de suicide assisté, simple comme mes robes sont vieilles.

-         Ça, monsieur l'inspecteur, c'est tout mon Marie, voyez-vous ? Nous avons, comme vous pouvez le constater, via la baie vitrée, un grand jardin arboré. Qu'avait-il besoin d'aller, dans celui de la voisine, pour se pendre ?

-         Vous pensez à un suicide ?

-         Pas vous ?

-         J'ai un doute !

-         A cause des mains attachées dans le dos ?

-         Non ! A cause de toutes ces blessures à l'arme blanche, partout sur son corps.

-         Il est vrai, je dois vous l'avouer, que son côté masochiste, m'irrite un peu.

-         Surtout, celles dans le dos.

-         Il est resté très souple !

-         Etait, car là, il est tout raide, nous l'avons, même, un peu cassé pour le rentrer dans le fourgon.

-         Je comprends, ce n'est pas grave, je ne comptais plus l'utiliser.

La belle jeune femme croise haut ses longues jambes fines et galbées. Dommage qu'elle portât un jogging. Hercule rêve : « comment une fée pareille s'est-elle acoquinée avec un tel vieillard ? »

-         Vous voulez une tasse de thé, inspecteur ? (Ah, ces anglaises !)

-         Oui, merci, jeune-fille ! Avec deux glaçons dans le Bourbon, s'il vous plait.

Voyez-vous, pour en revenir au sujet qui nous occupe de près, par sa préoccupante élévation suspensive.  J'imagine mal un homme de l'âge de votre ex époux, se pendre à la plus haute branche du noyer.

-         Il aimait les challenges.

-         Vingt mètres, ce n'est plus un challenge, c'est un défi… à la pesanteur gravitationnelle des grabataires terre à terre.

-         Il a toujours aimé l'alpinisme.

-         Il la pratiquait, lui-même ?

-         Non ! il la faisait faire par d'autres, car il avait le vertige sur un simple tabouret.

-         Je vois !

-         Où cela ?

-         Non, c'était juste une réflexion, comme ça, une bête réflexion idiote : n'aurait-il pas été un peu aidé, un petit peu, des fois ?

-         Qu'allez-vous donc chercher, ah, vous les policiers, vous voyez le mal partout.

-         Non, ça, ce sont les curés ! Nous, nous nous (ils sont trois à présent ?) basons sur les faits.

-         Bien sûr ! Je comprends, faites votre devoir, monsieur l'investigateur ! Mais si vous me connaissiez davantage, vous comprendriez ma position elle n'était plus tenable.

-         Je ne demande qu'à vous comprendre davantage, mais surtout à vous connaître à votre avantage.

-         Imaginez, les efforts, qu'une frêle personne de ma constitution, 90-60-90, devrait fournir pour hisser un poids mort à vingt mètres de haut.

-         En effet, peu probable, d'où la présence de cette grue dans le jardin de votre voisine.

-         Effectivement, ma voisine est une vraie grue ! Elle lorgnait mon époux depuis longtemps, en lui faisant les lorgnons doux et en me cherchant des poux dans le cerveau.

-         Il n'était pourtant guère séduisant, pour le peu que j'en ai vu !

-         Parce que vous ne l'avez pas vu dans ses meilleurs jours. Bien sûr, là, tout bleu, avec la langue qui pend et une érection, dû à la strangulation, car il ne bandait plus depuis bien des lustres de cristal. Il n'était pas au plus haut de sa forme, le chameau, pardon, le chapeau. Vous l'auriez vu sous un tout  autre aspect, assis devant son coffre à la banque. C'est là, qu'il donnait le meilleur de son image, toute la mesure de son sex-appeal.

-         Donc, d'après son notaire, vous êtes une femme immensément riche.

-         On le dit, certes ! Mais qu'est donc, la richesse, à part l'argent ?

-         Vous héritez de la totalité de ses biens.

-         C'est bien naturel, non ? Un simple dédommagement, en somme, pour les deux années passées à ses côtés, en somme, trébuchante TTC, cette fois !

-         Je lis « deux mois » sur l'acte de mariage.

-         Oui, le temps est subjectif.

-         Très bien ! Je ne vais pas vous importuner davantage avec toute la paperasse bureaucratique. L'affaire est limpide comme un lipide !

-         Pour ce soir, un petit Sauternes avec le foie gras, ça ira ?

-         Parfait ! Je courre arrêter l'autre mégère d'à côté et le temps de tout boucler, elle avec, je suis là, dans, disons, une petite heure. Ça ira ?

J'essaierais de tenir cette éternité, en me languissant sans vous, mon héros fugace, mais perspicace !

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