Les Envahisseurs

Ils étaient comme vous et moi en différent, à cause des plumes d'autruches qui les couvraient en leur entier, de la tête aux pieds et même dans l'autre sens. Les emplumés venus d'un autre poulailler galactique n'avaient pas fait le chemin en volant, ils avaient un engin spatial décapotable avec plein de lumières clignotantes uniquement pour faire moderne et se la péter grave. Leur taille était celle de ma femme, qui est la mesure étalon pour la taille du vivant ruminant des pensées dans tout l'Univers complètement entier, excepté la Terre.

David Vincent les observa en train de se déplumer grâce un éplumateur bionique à manivelle à bretelle à 25 € 55 chez Dartyflette. Une fois nus, leur apparence était la nôtre, on ne pouvait plus distinguer le vrai du faux, si ce n'est le fait que sans protection duveteuse, ils éternuaient en permanence. Cela ne les aurait pas empêchés de prendre le métro sans problème, s'il était arrivé jusque dans les sentiers des campagnes désertes et s'ils s'étaient préalablement abonnés au passe Navigo.

David Vincent sut, en suant d'effroi, que le reste de sa vie serait bien différente de son début. Il sut, en suant sang et eau des pieds, que le but de sa vie serait à présent entièrement destiné à démasquer ses vils imposteurs motivés par des intentions inavouées que l'on soupçonne sans mal, mal intentionnées.

Lui, qui cherchait un sens profond à sa vie morne et insipide, venait de le trouver par cette rencontre incongrue et impromptue, alors qu'il cherchait un endroit qu'il ne trouva jamais, même à l'envers, sur une rue de campagne déserte par une nuit éteinte.

Ainsi commença l'histoire de la Série, mais ce que personne ne sut, en suant un max des aisselles, c'est qu'un autre observateur les observait aussi, dans cette campagne pas presque si déserte que cela, du haut de son tracteur. C'était le brave Marcel, brave, mais bête comme ses pieds, qui ne suaient même pas, pourtant, mais qui puaient un max.

Qu'une personne les découvre passe encore, mais deux, bonjour les nougats. Pour que le Héros soit unique en son genre héroïque, face à l'adversité inique, il se doit d'être uniquement seul. Donc, oubliant son premier projet, le second dessein du reste de sa vie entière serait, de ce jour, il s'en fit le serment en faisant un nœud à son mouchoir, de débarrasser l'intrus de la Série pour rester le seul Héros solitaire. Imaginez-vous, ne serait-ce qu'une fraction infinitésimale de millénaire, un Zorro partageant l'affiche avec un Bond, James Bond ? Inconcevable, non ?

Je me demande, ma vieille mémoire n'étant plus ce qu'elle fut la veille, si je n'avais pas déjà écrit un truc sur cette série culte  des Envahisseurs ? Peu importe, vous me direz.

Ce qui est certain, c'est que le brave Marcel, lui des extraterrestres, tout aussi extra qu'ils puissent être, il s'en foutait royalement, son problème était qu'ils avaient planté leur tente interplanétaire sur Terre et plus précisément sur ses terres, son champ et ça, voyez-vous, ça ne passait pas du tout dans la psychologie reptilienne du brave Marcel. Les nouveaux colonisateurs auraient pu se poser n'importe où sur le Globe, sans que cela ne l'empêche de ronfler fleurette tranquillement, mais dans son pré, c'était manifestement une déclaration de guerre manifeste, ni plus, ni plus. Il engagea la vitesse spéciale de son tracteur de trois cent cinquante chevaux de trait et labour de chez Leroy l'Enchanteur, puis fonça dans le tas. Un carnage ! Sa charrue de six socs et demi laboura l'engin, les E.T. et la moitié du lotissement derrière.

« Putain de merde ! » se dit entre ses dents David Vincent, car on était dans un divertissement grand public pour les petits, qu'elle sera donc le sens de ma vie, à présent, puisqu'il ne me reste plus que des causes banalement communes à accomplir. Aller au bureau, en revenir et y aller encore le matin, en revenir encore le soir et ainsi de suite jusqu'à la fin… enfin, quelle misère ! Plutôt en finir une bonne fois pour toute avec cette médiocrité affligeante. Il se jeta délibérément sous les socs de la charrue qui ne put l'éviter et périt presque en même temps que tous les Envahisseurs dont on n'aura jamais connu l'existence, ni même la menace imminente pour l'humanité et voilà comment se termina cette triste histoire, sans morale, sans message, sans révélation philosophique de notre condition pensante sur les choses et les êtres de notre temps futur.

***

Ce pilote de la Série n'eut aucune suite et nullement le succès qu'on lui connaîtra. On ignora même que les vilains envahisseurs avaient été mandatés par l'Intelligence Interstellaire, l'I.I. (prononcer cet acronyme palindromique à l'anglaise, l'Aïe, aïe !) pour sauver la Terre de la pollution et mettre un peu de plomb dans la tête à cette humanité qui avait fait n'importe quoi depuis son avènement. Il est mort le Divin Salut (DS à suspension alcoolique), chacun pleure son avènement en suant des deux yeux, mon neveu ou mon ne veut pas !