Les mémoires plus ou moins vrais de Maitre Scarabée le plus grand des faussaires, ou le sucide par la justice. 26eme partie

Remi Campana

26. SCARABEE PERD LE FIL DE L HISTOIRE

La vie réelle..., une utopie de merde, je vous l'assure.

Après les quelques mois passés aux Beaux Arts suite à mon « iliadique » concours, mon ciboulot tel une cocotte-minute allait exploser.  Je n’avais

plus qu’un désir : me détendre. Mais à l’écoute de toutes ces bêtises que j’entends chaque jour de la bouche de mes petits camarades, je deviens

nerveux et j’ai qu'une envie faire sauter le monde entier. Sont-ils tous devenu si aliénés pour gober ce marivaudage médiatique de mauvais alloi,

quant à moi suis-je donc si demeuré que l’on doive prendre des décisions à ma place ? Où sont donc les libertés minimales auxquelles à droit un

citoyen lambda ? Bientôt, on va avoir besoin d’être étiqueté pour pouvoir manger, parler ou baisouiller. Stop, vous avez dépassé le quota autorisé

pour les plaisirs charnels, après jugement, voici l’amende. Eh oui, mon bon monsieur, on désire vous éviter des fatigues cardiovasculaires ou des

problèmes de surdité, sans rajouter à ce panel lumbagos ou hématomes que vous risqueriez de vous faire. Vous voyez comme on est sympa, malgré

vos réticences, on s’inquiète de votre santé.

Mais foutez-moi la paix ! Que de cinéma pour rien ! Début quatre-vingts, c’était la couche d’ozone qui se déchirait et bientôt le monde entier aurait à

porter des combinaisons antiradiations. Depuis, elle a dû être rapiécée car on n’en a plus aucune nouvelle. Vers la fin de la décennie, nouvelle

orientation, le réchauffement allait provoquer sur l’Europe un déferlement de glaçons et maintenant, c’est plus dramatique : le Sahara qui se

rapproche avec son joli assortiment de nouvelles maladies. Eh bien ! On plantera des vignes dans la toundra et d’autres merveilles se découvriront.

A quoi bon s’inquiéter ? Vous me direz que moi aussi je suis influençable : à force de regarder la télé ou d’écouter la radio, ma « bigornette », au

contact du caoutchouc, joue les yoyos rétractables : comme je souffre d’hypocondrie, je suis obligé de la laisser à la maison, car elle n’ose plus sortir.

Pourtant Scarabée aimait bien ces « racleuses » aux effluves agréables qu’on grignote à toute heure. Il avait toujours été un Don juan, mais

attention, le vrai, le puriste, pas le bellâtre maniéré et endimanché aux problèmes existentiels venu du XIXème siècle. Non, celui du XVIIème, le

sadique, le pervers, le manipulateur cynique, bref… le vivant ! Il draguait comme on va au supermarché, ne prenant que cinq minutes à la besogne.

Repérant sa proie, il l’abordait toujours de la même façon :

- Bonjour, Mademoiselle, pouvez-vous m’accorder quelques secondes de votre précieux temps ? Je suis artiste-peintre et votre plastique, superbe,

me donne une âme d’aède. Gente dame, auriez-vous la grâce de poser pour moi?

Après quelques restrictions d’usage, la demoiselle, flattée, acceptait à la condition express de ne pas être en tenue d’Eve. Bien sûr Scarabée

n’exigeait rien, du moins à ce stade de la compétition. Il connaissait trop bien les mots à utiliser pour embellir ses pensées et piéger ces demoiselles.

Malin, il évitait de porter son dévolu sur des « prolettes », car elles avaient un peu trop d’heures de vidange pour se laisser manipuler aussi

docilement. Non, l’idéal restait une bonne « poularde » de la haute, une bien dodue pleine de principes moraux, à qui on a passé tous ses caprices,

celle qui vous dit « bonsoir » et « bonjour » en vous tirant une révérence, en somme, la petite fille modèle qui croit être la plus belle. Ce style de

demoiselle, au moins, vous la troussiez ou la culbutiez dans un coin sans trop d’embarras.

Mais je me perds, revenons à Scarabée qui s’impatiente.

Maître, une fois rentré dans son antre avec la miss et après mille flatteries susurrées de sa belle voix de baryton, dégrafait délicatement son soutien-

gorge, protestant que cet ustensile parasite l’empêchait de se concentrer, que sa rétine en souffrait. A la vue de ces bienfaits, il applaudissait à la

forme sphérique si parfaite de ses mamelons potelés et rebondis. L’implorant de rester statique, ce mécréant faisait en sorte que la pose soit longue

et douloureuse. Quand la belle déclarait forfait, en gentilhomme, il s’offrait de la masser pour la soulager des douloureuses séquelles de ce moment

de labeur. Ses mains glissaient avec douceur du long de sa nuque jusqu'à l’embouchure de ses fesses et pour finir, elles se partageaient sur la

longitudinale de ses jambes. Arrivé aux pieds, d’un coup sec il remontait, et comme par accident, caressait avec délicatesse la vulve de sa

bienfaitrice. Quand le bout de ses doigts très richement innervés décelait le moindre frémissement, il savait qu’elle était à lui ; la retournant, il lui

donnait alors l’accolade finale. Ce petit exercice lui octroyait bien des agréments ainsi qu’un joli palmarès, avec un minimum de dépenses.

Mais un jour, tout se gâta alors qu’il portait son dévolu sur une belle dame d’un certain âge, environ trente-cinq ans. Pourtant il n’avait jamais aimé

les femmes mûres car elles représentaient pour lui la décadence de la vertu. Mais aujourd’hui, un petit écart n’était pas pour déplaire car elle avait

quelque chose de spécial. Il l’aborda comme à l’accoutumée. La belle, flattée, contre toute attente, l’invita directement à l’hôtel où elle séjournait. Un

peu choqué et timide, n’étant pas habitué à perdre l’initiative, il la suivit dans ce lieu très classe. Arrivé dans sa chambre, il déchanta car tout y était

repoussant. Ses dessous traînaient partout, au milieu des restes de repas.

Il ne savait que faire et trouvant la parade, il lui demanda de se doucher, car « cela l’excitait ». Pendant que la gourde s’exécutait, notre bon

Scarabée s’amusait à soulever par les babines son horrible chien asthmatique, vous savez, une de ces choses qui ne ressemblent à rien, à la gueule

aplatie et aux longs poils dégueulasses, qu’on appelle un pékinois. A peine arrivée de la salle de bain, la belle, sans attendre l’amena dans sa

chambre, le bousculant sur un lit défait : il avait beau protester qu’il n’était pas de ces garçons faciles, le mal était fait. Sa redingote totalement

retirée, elle lui liposuçait la face à coups de langue. Scarabée ne savait comment la repousser car la dame était forte comme une jument au corps parfait. En y  regardant de plus près, sa couleur caramel détonnait avec la rousseur de ses cheveux ondulés. Malgré l’attirance qu’il éprouvait, elle faisait peur.

Mais l’expertise de la bouche de la gracieuse finit de le convaincre. Tout aurait pu sembler parfait s’il ne s’était arrêté sur une bizarrerie entre ses

cuisses ! Il fut pris de frayeur car la chose dépassait l’entendement, recouvrant ses esprits, il essaya de prendre la clé des champs. Elle ne l’entendit

pas de cette oreille, lui promit qu’il adorerait cette nouvelle expérience. Maître avait beau se débattre, elle le retourna et l’enfourcha. Les entrailles

en feu, il sauta du lit ne pensant plus qu’à une seule chose, survivre. Elle le rattrapa, le jeta à terre. Il gueulait comme un enfant, la suppliant

d’arrêter, mais rien n’y fit : tel un marteau-piqueur, elle entrait et sortait avec une virilité toute féminine. Il avait beau parlementer mais

inexorablement ça s’enfonçait toujours plus profond comme dans du sable mouvant. Avec la rage d’un désespéré, il se saisit d’un cendrier et le lui

brisa sur le crâne. Ce doux fils d’Hermès et d’Aphrodite en tomba net. Se relevant péniblement, désorienté dans l’impossibilité de comprendre ce qui

lui arrivait. Le pauvre se dirigea d’un pas saccadé en direction de la sortie.

Une fois sur le palier, dans ce long goulet, il reprit ses esprits se sachant sauvé, il voulut entrer à nouveau pour s’habiller mais impossible : la porte

ne s’ouvrait pas sans son passe. Honteux, que pouvait-il faire avec une main devant et une main derrière ? Comme souvent dans pareil cas, il n’y

avait aucun garçon d’étage pour lui venir en aide.

Il se résigna donc à prendre l’ascenseur. A chaque numéro qui clignotait d'une façon décroissante, avec l’impression d’être un soldat à qui la bataille

avait échappé. S’apprêtant ainsi à subir le courroux de ses supérieurs. Dans cette avilissante tenue, il vit l’embrasure s’ouvrir et perçut dans le hall

d’entrée qu’un détail lui avait échappé : une succession de trumeaux resplendissaient dans tous les coins. Le réceptionniste, qu’il soupçonnait de

faire exprès de ne pas l’entendre (à moins qu’il ne fût sourd comme un pot), l’obligeait à ce mettre à découvert. Sur la pointe des pieds et en faisant

le moins de vagues, Scarabée essaya de ne pas se faire repérer mais les clients, interloqués de voir un naturiste multiplié à l’infini, furent offusqués

ou se moquèrent de sa pauvre personne.

Bonjour madame, bonjour monsieur, on étouffe dans ces chambres, faites bien régler votre radiateur ! Et bien oui, même dans une telle

 circonstance, cela n’empêche pas de rester poli. Arrivé au niveau de cet amphitryon de gala, avec beaucoup de mal, il lui expliqua qu'il avais

 perdu sa clé ; stoïque et à la limite sournois, le réceptionnaire se contenta d’appeler un jeune laquais pour aller ouvrir. Arrivé devant la

 porte, avec méfiance, Maître suggéra au petit groom de le devancer, peu rassuré, lui lui promis un bon pourboire, pour son courage, s’il

 s’exécutait. A peine entré, on l’entendit hurler.

Réconfortais, Avec une très grande prudence, je reprend à la première personne et réintégrai la chambre. Une fois habillé, sans rien attendre,

 je m’envolais : le travelo étaient tellement occupés à jouer le tire-bouchon qu’ « elle » ne vit rien quand je lui pris son sac à main.

De quoi ? Je vous vois venir, à dire des méchancetés sur mon compte, vous déplorez que j'ai laissé ce jeune garçon se faire violenter ; mais que

vouliez-vous que je fasse? Mes hémorroïdes été tellement remontées que je n’allais pas récidiver ; en offrant le petit groom à notre ami, j’avais tenu

parole, sans prendre de grand risque, je lui offrir, avant de partir, son dernier pourboire.


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