Les randonneurs.
Hervé Lénervé
Le premier jour, nous, ma tendre épouse (ça ne mange pas de pain, dès fois, qu'elle lise mon texte) et moi, nous nous étions rendus par nos propres moyens, une Jag sinon rien, au lieu de rendez-vous. Nous étions en avance, bien-sûr, 300 chevaux sous le capot, cela ne respectent guère la pusillanimité des radars. Nous attendions donc sagement que les autres arrivent, en faisant l'amour sur la banquette arrière. Quand le premier randonneur arriva, lui aussi, par ces propres modestes moyens. Une Peugeot, peut-être, peu cher ! Ridicule ! Après les quinze minutes nécessaires pour se garer à cheval sur des places prévues pour des semi-remorques et les dix pour s'extirper du véhicule, nous vîmes avancer vers nous, qui nous revêtissions, un couple de vieillards, déjà tout habillés pour eux, comme pour traverser le désert du Gobi. Je vous passe les présentations sans intérêt aucune, que déjà arrivait le mini bus transportant le reste des restes des randonneurs. Putain, ça sentait les médicaments, les rhumatismes et l'arthrite concentrés dans cette concentration cacochyme. Ma femme tonique et moi plutôt Gin-tonique échangèrent un regard condescendant à l'approche de cet aréopage de grabataires souffreteux, en pensant « ça ne va pas être triste les dix-huit bornes prévues. J'espère qu'ils ont prévu le Samu en voiture balai ! »
Encore des présentations qui ne laissent aucun souvenir et nous partîmes, il le fallait bien, à moins d'un incident mortel parmi nos proches, nous ne pouvions plus nous défiler.
Il ne fallut guère de temps pour nous rendre compte que les vieux surjouaient leurs âges, des faussaires sous leurs airs de vieux débris ! Ils trottaient comme des chevaux interdits de galops par le sulky, on était déjà à la traine, à la peine, à la ramasse à la pelle.
- On est bientôt arrivé ?
- Ha, ha ! On vient de partir ! Me répondit un édenté.
On fut un peu sauvé par une vipère serviable qui piqua subrepticement une septuagénaire au mollet, Bien fait ! Nous en profitâmes pour souffler un peu, pendant que les autres enterraient provisoirement l'infortunée. On reviendrait la chercher plus tard pour des obsèques plus dignes et c'était reparti avec une énergie renouvelée et une allure redoublée. Je tentais, on ne sait jamais.
- On devrait faire une petite prière pour la malheureuse, non ?
- Pas l'temps ! Réponse collégiale du groupe.
La vache ! Ils étaient infatigables, ces vieux-là ! Ils carburaient à quoi ? En fumant le cannabis de leurs petits enfants, ma parole !
A mi course, on fit un arrêt déjeuné. Ouf ! Moi, je ne mangeai rien, j'en profitai pour dormir en équerre sur un tronc d'arbre. Une minute plus tard, à peine me sembla-t-il, on me réveilla pour continuer. Ma sieste n'avait servi qu'à me coincer les reins. Je repartis donc avec mon tronc d'arbre sur le dos, car il s'était attaché à moi, pendant notre temps d'intimité. Ce qui, même si c'était encombrant, s'avéra être utile aussi, car avec l'agriculture intensive, les bosquets faisaient défaut pour épancher son trop plein d'eau ingurgitée à chaque foulée. Mon tronc me fut fort précieux. On voulut me l'emprunter, je m'en offusquais.
- Non et non ! On ne pisse pas sur mon ami, c'est personnel, voyons !
Ha, ces vieux, ils ne respectent plus rien ! Ils n'avaient qu'à mettre des changes complets. Ils n'en avaient pas, ils pissèrent sous eux, mais plutôt sur eux, vu l'odeur qu'ils trimbalaient, on aurait pu les suivre en aveugle.
J'étais déjà mort et ma tendre en était à l'agonie, quand un autre décès tomba à pic. Un homme, cette fois, éh il ne faut pas être sexiste ! Etalé sur le ventre dans les fougères, un bâton de randonneur planté dans le dos.
- A qui est ce bâton ? Emit une vieille inquisitrice.
J'avais jeté mon deuxième bâton, je ne suis pas si con, non plus ! Le prochain je le finirais avec une grosse pierre, ça ne manque pas par ici, je butte dessus sans cesse. Putain ! Ils repartaient déjà les excités, j'osais.
- On ne l'enterre pas, celui-là ?
- Pas l'temps !
De vrais sauvages, ces vieux !
Ensuite, hormis un infarctus foudroyant, qui n'était pas de mon fait et une rupture d'anévrisme, qui l'était, nous n'arrivâmes qu'à dix à bon port, alors que nous nous vîmes partir vingt-cinq, à l'aurore.
Voiture, confort, moteur, home sweet home. Fini la rando, finis les randos. Moi, je préfère mourir dans mon lit ! Chacun son truc !
Dans la voiture, ma femme me sermonna.
- Tu as été dur avec le groupe, Hervé, déjà qu'ils étaient endeuillés !
- Ah, bon ?
- Tu ne leurs as même pas dit au revoir en partant.
Oh ! Là, tu m'étonnes ?
Belle randonnée ! Ça donne envie de s inscrire!!
· Il y a environ 6 ans ·Et sinon, les corps... Vous êtes revenus les déterrer ? Parce que il y a un ami dont on a plus de nouvelles... Il serait parti en rando' genre "raiders on the storm"... Il se pourrait que. ..
gone
Non, pour ton ami, c'est pas nous ! « Raiders on the storm » est un club concurrent. Nous, c’est « Raiders in charentaises » :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
Quel équipage :)
· Il y a environ 6 ans ·marielesmots
Un aréopage âgé. :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
C'est exactement ça. Moi aussi j'ai voulu m'inscrire à un club de rando. J'ai fais demi-tour immédiatement quand j'ai vu tous ces vieux débris qui veulent a tout prix rester en forme juste avant de mourir comme les autres...
· Il y a environ 6 ans ·arthur-roubignolle
C’est pour faire des morts musclés. :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
Je vais éviter la randonnée moi ;-))
· Il y a environ 6 ans ·ade
Évitons le sport par principe de précaution ! :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
C'est une solution ! ;-)
· Il y a environ 6 ans ·ade
La solution du salut ! :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
:))
· Il y a environ 6 ans ·ade
Le footing c'est tellement mieux !!
· Il y a environ 6 ans ·Louve
Combien de joggeuses sont tombées sous la lame d’un psychopathe dans les bois ? La rando à plusieurs, c’est plus sûr ! Si ! Si je ne suis pas dans le groupe ! :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
J'ai toujours sur moi un grand couteau dès fois que je te rencontre !!
· Il y a environ 6 ans ·Louve
Promenons-nous dans les bois tant que l’Hervé n’y est pas ! :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé