L'essence du voyage ~ Athènes ~ Extrait I

lilii

On avait pris une voiture, ça nous avait coûté un bras, un peu d'adrénaline et quelques arguments en carton qui justifieraient la béance de nos comptes en banque à notre retour. C'est ça le voyage, je crois. Lâcher prise. Il y a deux raison à cela, le dépaysement et/ou l'aliénation mentale du phobique qui a le sentiment d'avoir survécu au vol terriblement long de quatre heures .

Toujours est-il, que nous, ça nous faisait ça à chaque fois, on laissait en France, la raison, nos recommandations bien pensantes, nos guides touristiques surlignés à chaque page et notre raisonnement mathématique. On avait le cerveau programmé en mode sans échec, comme si chaque minute était la dernière, où chaque paysage devenait hypothétiquement notre dernière image avant de mourir.

Alors voilà, on avait loué cette bête de voiture, une Opel Corsa en fait, rien de transcendant, mais tellement magique en fait et dès lors qu'on s'engagea dans la circulation, on avait enfin l'impression d'appartenir au pays, définitivement.

Il fallait conduire au klaxon, pour dire «  merde », «  je passe », « salut », ou encore « t'as vu je t'ai dépassé ».

Sur l'autoroute, on avait l'impression d'être avalés par les collines d'Athènes, ses immeubles qui les gangrénait, des cubes empilés à la va-vite qui perçait parfois,  le nuage épais de la pollution, qui transformait nos souffles en râles rauques.

On pénétrait, zigzaguant, dans la ville, comme dans une fourmilière, il fallait tenir le rythme, démarrer au quart de tour, caler parfois, se faire traiter de touristes avec le sourire. On avait une carte routière à la main puis deux et un GPS qui refusait de s'allumer. Mais on avait l'instinct, celui d'accepter de se perdre pour mieux se retrouver. On était passés quatre fois devant l'hôtel peut-être cinq même, on avait des heures de retards, la chaleur et les effluves d'essence collés au corps, la fatigue dans les poches mais surtout l'euphorie d'y être enfin.

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