lettre à un auteur

@ Linoacity

Cher N.

Cette nuit, j’ai fait un rêve. Entre cohue et service d’ordre, celui-ci prend place lors d’une improbable séance de dédicace. Hôtel cossu, grenat aux tapis, longue table vernie, et au centre, toi, signant d’une main empressée un livre inconnu dont je presse un exemplaire sur mon sein. Vient mon tour :

«  Une signature pour la demoiselle », soupires-tu, las. Coup d’œil vers moi, griffonnage machinal sur le quatrième de couverture.

«  J’espère que je suis ton premier.

_ On m’a déjà signé un livre, et pardon, la dernière fois ça a duré plus longtemps. »

Air agacé. Devant la seconde supplémentaire qui m’est accordée, alors que la file impatiente me presse le bassin contre la table, je souffle :

«  ‘Faudrait mettre  « pour Maëlle ». M,  a,  e  tréma…

_ Ca va, je sais comment ça s’écrit, « Maëlle ».

_ Le précédent avait fait une faute d’orthographe. »

Mouvement subit de la foule qui me déporte. Je me retrouve compressée contre l’angle de la table, glisse, glisse encore, jusqu’à être arrachée du flux par le vigile placé en retrait. Saisissant fermement mon épaule, il me dépose sur l’unique chaise libre juste à ta gauche.

« Ne bouge pas, ils vont te sortir quand ça se calmera », m’annonces-tu en posant une paternelle main sur ma cuisse. La séance continue, rythmée par la griffure indifférente du stylo qui mord le papier. La main reste sur ma cuisse. Un doigt timide amorce une vague caresse. Au début, une imprécise chaleur. Etourdissement. Saccades de gens qui tendent, sourient, remercient et saluent, flashs. Il s’enfonce dans les replis de la nappe, couleuvre sur la couture de la culotte. L’humidité nette de ta peau réchauffe le tissu. L’attaché de presse feint de ne rien voir. Quelques signatures encore, et mon bas ventre frisonne à chaque obscène tentative d’intrusion. Mes cuisses se serrent puis cèdent, saisies de plaisir et indignées par l’affront.  Neutre et comme absorbé, tu te lèves brusquement :

« J’adore les grandes avenues, pas toi ? »

D’un geste, tu soulèves l’épais rideau de velours écarlate derrière toi, disparais. Tandis qu’il se referme sur ton passage, un souffle d’air frais. La frustration vrille mon arrière plan. J’hésite. Le vigile s’écarte et je me fraye un chemin à ta suite, sourde à ma conscience. Derrière la tenture, un court moment d’obscurité, puis un porche  s’ouvre sur une haute terrasse déserte où tu attends, adossé contre un mur. L’avenue en contrebas est bruyante et lumineuse. Ta cuisse s’empresse entre mes jambes entrouvertes et soumises.

« Il faut me donner une limite, combien de temps on a ?

_ Le moins possible », coupes-tu en agrippant ma nuque.

La main cramponnée sur mon livre, de l’autre je cherche l’équilibre dans le col de ta chemise. Tes doigts se font pressants, déterminés. Leur glissement se répand en ondes vicieuses, entrecoupant ma respiration. Morsures dans mon intimité, gouffre, déchirures. Stupeur. Supplique. Je halète jusqu’aux à-coups  profonds de mon ventre sur ton poignet. Un râle, puis le silence. Alors que tes doigts récoltent les filaments sucrés de ma délivrance, l’envie d’avaler en moi ton membre raidi se dilue dans l’extase.

Frôlement du bas de la jupe sur le carrelage. L’escalier de service. Dehors, lune et néons irritent ma rétine. Le livre frissonne. Peut-être que tu as déjà oublié.

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