Lettre à un paria

Mon ami,

Tu as crevé cette semaine en Méditerranée. J'utilise « crevé » à bon escient car c'est celui qui est en général utilisé pour qualifier la mort d'un animal ou pour montrer le peu de considération que l'on portait envers un humain.

Sans doute n'as-tu jamais entendu parler de Darwin. Tu l'as peut-être indirectement côtoyé. En effet, les responsables de Monsanto et consorts, des Américains bien-pensants, qui ne sont jamais les derniers à jouer les vierges effarouchées pour défendre leurs valeurs pudibondes, ont su, par un marketing exacerbé, te fourguer toutes les merdes chimiques et les plantes transgéniques. Tu t'es ainsi retrouvé esclave de leur stratégie, incapable de les rembourser, affaiblissant la terre qui jusque-là parvenait à te nourrir depuis des temps immémoriaux. À moins que celle-ci n'ait été polluée par leurs cousins pétroliers ou que les marchands d'armes n'aient vendu leur camelote à des rebelles qui t'ont chassé, après avoir violé ta femme à coups de crosse et massacré tes enfants.

Mais, de quoi t'es-tu plaint ? Tu as réussi à t'enfuir, échappant ainsi à un travail forcé au fond d'une mine pour extraire les terres rares ou les diamants dont nous avons un impérieux besoin, nous, Occidentaux, pour satisfaire notre inextensible soif de paraître.

Mais, pour qui te prenais-tu, à prendre la route, à jouer au touriste, moi qui n'aurai jamais les moyens d'aller admirer une table du renard dogon ou un coucher de soleil au cœur du Sahara ?

Revenons à Darwin. Il a établi que toi, le nègre, tu es un homo sapiens. Si on accepte ce postulat, quelquefois du bout des lèvres, il y a un point qui nous permet de nous différencier, la sélection naturelle. Il en est ainsi depuis que la vie est apparue sur notre planète. C'est le plus fort ou le plus rusé qui l'emporte. Alors, en raison de quoi devrions-nous refaire le monde et accueillir des congénères qui n'ont pas su s'adapter ?

Si, plutôt que d'écouter les discours ineptes de ton iman, tu avais fait l'effort d'écouter la voix de la sagesse, celle de l'éducation et de la culture, tu aurais pu utiliser les armes de la rhétorique pour me répondre. Tu aurais pu ainsi me parler de la chute de l'Empire romain. Malgré tous les efforts pour construire le mur d'Adrien et les limes, ces fortifications en avant des Champs Décumates, il ne put empêcher les invasions barbares. Des hordes de Goths, de Huns et de Vandales le mirent à mal pour construire les bases de la civilisation médiévale.

Finissons sur une note d'optimisme. Nos sages hommes qui nous dirigent se réunissent ce jeudi pour réfléchir aux moyens à mettre en œuvre une politique et mettre un terme à ce scandale. Je suis confiant dans ce qu'ils décideront, certain qu'ils sauront faire preuve d'intelligence pour que tout rentre dans l'ordre et que rapidement nous puissions, nous, Occidentaux, continuer à tranquillement nous en mettre plein la panse.

Je vais de ce pas jeter une bouteille à la mer.