lettre pour mon home

Lolita Denoual


Mon ange,

Le jour où tu m'as proposé de venir vivre chez toi, tu ne t'attendais certes pas à cette réaction de ma part, mais il faut que tu comprennes qu'en me demandant de quitter mon logis, c'est comme si tu voulais que je m'ampute d'un membre.
Demande-moi de quitter ma famille, mes amis, mon travail, pour toi, je le ferais, mais pas de quitter mon appartement.
C'est mon "chez-moi", c'est difficile d'expliquer le sentiment chaleureux qui s'y rapporte, toutes les maisons ne sont pas foyer, mais cet appartement l'est indubitablement.
Cela tient peut-être à ce plancher ciré d'un bois sombre que j'ai recouvert de doux tapis, quel plaisir sensuel de les sentir sous mes pieds nus ! Ou bien à ce plafond aux poutres apparentes qui tout de suite lui donne un petit coté rustique, à moins que cela ne soit cette grande fenêtre qui laisse entrer la lumière.
La vue est superbe, il faut le reconnaitre. M'adosser contre la rambarde du balcon et respirer l'air nocturne est revigorant. J'aime pouvoir faire la vigie, contempler la ville depuis mon perchoir en fumant une cigarette avant de retourner au chaud.
Comme tu le sais, il se situe à quelques minutes du centre-ville, suffisamment proche pour avoir tous les commerces à portée de main, mais suffisamment éloigné pour que la faune nocturne ne grignote pas mon capital sommeil. La parade amoureuse de l'homo ebrius à quatre heures du matin nuisant grandement à ma santé mentale et à celle de mon entourage.
Pouvoir éviter de prendre la voiture était aussi une condition sine qua non de mon choix de logement. Parce que c'est bon pour la couche d'ozone( prend ça petite sœur) mais c'était aussi sensé faire du bien à ma ligne. Manque de chance le bénéfice de ces quelques minutes de marche quotidienne à été réduit à néant par cette adorable petite boulangerie juste en bas de l'immeuble...
Mais tu sais qu'il existe des façons plus agréables de perdre du poids, tu vois chéri, j'ai un digicode, pas de visite de belle maman en plein instant crucial et t'ai-je dit que l'isolation sonique est extra ?
Non ? Et bien maintenant, tu es au courant…
Il faut que tu comprennes que le jour où j'ai enfin pu quitter la maison de mes parents, c'était comme si je pouvais respirer pour la première fois.
Ma maison, mes règles ! Plus de reproches maternels si je bois le lait à la bouteille, grâce à ma superbe cuisine ouverte, je peux même me promener encore groggy avec ladite bouteille sans risquer de me prendre une porte.
Plus de petite sœur fanatiquement écolo pour couper l'eau chaude alors que je prends ma douche, je peux me prélasser autant que je veux dans ma baignoire.
Ferme les yeux et imagine un instant : quelques bougies à la flamme tremblotante, un verre de vin posé sur la faience et moi nue comme au premier jour, la pointe de mes seins émergeant effrontemment, la tête rejetée en arrière, regarde le parcours langoureux du gant de toilette qui s'aventure sous les bulles…C'est une très grande baignoire, chéri, il y a de la place pour deux…

Avoir enfin MON appartement, tu ne peux pas savoir à quel point ce petit adjectif possessif m'a transporter.
C'est le mien, c'est mon bien et Dieu que j'y suis bien !
Je n'ai pas à croiser chaque jour mes œuvres fièrement encadrés datant de la maternelle ou ces splendides photos de classe avec gros plan sur mon appareil dentaire. Les murs peints dans des couleurs naturelles, de brun, de beiges et d' ocres m'ont laissé toute latitude pour décorer à ma façon et j'en ai fait un véritable petit nid, amassant comme une pie plein de petits souvenirs au cours de mes nombreux voyages. Toutefois peu importe combien de fois je pars, je finirais toujours par rentrer au bercail car au fond, on est jamais aussi bien que chez soi !
Malgrès tout puisque c'est toi mon toit, mon homme sweet homme, si tu insiste je te rejoindrais dans ta grotte mais ne peux tu pas envisager une seconde de laisser Ton appartement et d'emmenager dans le Mien ? De faire de cet appartement plus qu'un "chez-moi", plus qu'un "chez-toi", d'en faire un "chez-nous" ?

Avec tout mon amour,


Ta petite femme en son foyer

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