L'horrible coup de la panne le soir au fond des plumes
le-fox
Boudeuse, telle une Messaline fâchée de voir son Sigisbée si peu enthousiaste aux frasques extraconjugales, déçue de sa fuite précipitée vers les cagoinces, et ce juste après une galipette particulièrement ratée, Raymonde s’adosse aux oreillers, soupire, se gratte distraitement la cuisse, apostrophe Saturnin à travers la cloison en termes peu amènes et au présent de l’indicatif.
« Dis donc, espèce d’onguligrade mal bâté ! Crottin de bas caniveau, et voleur avec ça ! N’as-tu pas été stipendié, et fort coûteusement, pour m’octroyer vingt-deux nuits d’amour ? Quelle farce ! Quelle mascarade ! Trois tours de sablier, et Monsieur déclare forfait, se fait porter pâle ! Je vais te dire un truc qu’on m’a dit, mon petit père. L’amour, c’est l’infini à la portée des caniches. L’infini, tu m’entends ? Et moi, je serais moins bien lotie qu’un caniche ? Ben merde ! »
Saturnin, juché sur le trône, garde la lèvre supérieure rigide, fait celui qui n’entend pas. D’accord, il n’aurait pas dû reprendre des haricots à midi, il paie maintenant sa gloutonnerie à longs coups de flatulences grasses. Transformé en alambic à brenne, il n’a d’autre ressource pour masquer son désarroi que de fixer son regard au plafond en pensant très fort à la dépigeonnisation au Sahara occidental, autrement dit à rien. En plus, ce chiottard pue l’ylang ylang, ça devrait être interdit de fabriquer des désodorisants pareils.
« Une suggestion : si t’es si mal armé pour les choses de l’alcôve, t’as qu’à t’établir marchand de mou de veau ! Au moins, la clientèle sera pas déçue ! »
Dur, d’ouïr des élucubrations de ce calibre, quand on était justement renommé à travers le quartier et même les rues adjacentes pour savoir comme nul autre apporter le renouveau dans les culottes fanées. Combien de fesses ternies par l’inaction ne lui devaient-elles pas d’avoir recouvré une joviale luminosité ? Combien de chairs à l’abandon, coincées dans une impasse d’indifférence, n’avait-il pas malaxées dans l’unique but de leur apporter joie et renaissance ? Fatalitas… Et la Raymonde, qui continue dans l’invective, sans savoir ! Elle sera sans pitié aucune, mauvaise joueuse jusqu’au bout, pas question de rengracier !
« Asticot mélancolique ! Zazou de contrebande ! Limace neurasthénique ! Et Monsieur se disait doté d’un répertoire kama-soutresque hors pair ! S’inquiétait de la solidité des rideaux, car j’allais y grimper, c’était du sûr ! Sous la carpette, j’ai été, oui ! Un aller, sans le retour ! Ah ça ! Qu’on me rembourse ces bourses vides, ces burnes plates, sur l’heure !
Moralement, cela devient insoutenable. Saturnin a beau se couvrir la tête d’immondices diverses, au figuré s’entend, la honte le submerge. Heureusement, il a eu la présence d’esprit de se munir de ses Gauloises, et de son briquet. Il peut tenir un moment. Mais il lui faudra bien s’extraire de cet endroit un jour, et alors, affronter le regard de l’Autre. Il aura faim, plus tard, il aura soif, c’est inéluctable. Il deviendra nécessaire de sortir. Ne serait-ce qu’à cause de l’odeur.
Plus tard, oui, plus tard, on verrait…
Je découvre ce texte par hasard seulement maintenant (avec Pervers et Je dirai "mademoiselle"...) et je suis conquis. Très belle écriture, vocabulaire parfait et fourni qui dénote comme il faut. J'espère ne pas rater les prochains textes.
· Il y a plus de 12 ans ·wen
Rien que le titre, déjà .... :) ... bien vu, bien tourné, et acide à souhait.
· Il y a presque 13 ans ·junon
Le mât s'abaisse quand monte le vent d'homme.
· Il y a presque 13 ans ·yl5
Pauvre Saturnin, il valait mieux choisir sa monture !
· Il y a presque 13 ans ·C'est extra ton histoire, ça nous change du sexe sur internet, c'est comment dirais je ??? ...
... davantage dans le pittoresque
sophie-dulac
je reconnais bien là ton amour de l'Ylang-ylang... pliée... Ils y sont tous (on se comprend)... Bravo l'artisssst!
· Il y a presque 13 ans ·Elsa Saint Hilaire